Kill Bill : Volume 1
Réalisateur : Quentin Tarantino

Genre : Action, Karaté

Date : 26 novembre 2003

Durée : 1 h 52

Origine : Américain

Distribution : Miramax Films / TFM Distribution

 

Voir la fiche de : Kill Bill : Volume 2

Résumé

Note de la production

Acteurs :
Uma Thurman : La Mariée alias "Black Mamba"
Lucy Liu : O-Ren Ishii alias "Mocassin d'Eau"
David Carradine : Bill
Michael Madsen : Budd / Sidewinder
Daryl Hannah : Elle Driver
Vivica A. Fox : Vernita Green alias "Vipère Cuivrée"
Julie Dreyfus : Sophie Fatale
Chiaki Kuriyama : Gogo Yubari
Gordon Liu : Johnny Mo
Michael Parks : le shérif
Michael Bowen : Buck
Sonny Chiba : Hattori Hanzo

Directeur Photo : Robert Richardson

Musique :

RZA

Ennio Morricone

Chef décorateur :
David Wasco
Yohei Taneda

Décorateur :

Yoshihito Akatsuka
Sandy Reynolds-Wasco

Costumes :
Kumiko Ogawa
Catherine Marie Thomas

Chef Monteur : Sally Menke

Montage :

Joe D'Augustine
Sally Menke

Scénario :

Quentin Tarantino
Uma Thurman

Producteur : Lawrence Bender

 

Production :

Miramax Films
A Band Apart

Producteur exécutif :
Bob Weinstein
Harvey Weinstein
Erica Steinberg
E. Bennett Walsh

Producteur Associé :

Koko Maeda

Dede Nickerson

Coproducteur :

Assistant réalisateur : William Paul Clark

Réalisateur de 2nd équipe : Yuen Woo Ping

Lieux de tournage :

Austin, Texas, USA.
Pekin, Chine.
Hong Kong, Chine.
Los Angeles, Californie, USA.
Mexique.
Tokyo, Japon.

Budget : 55 millions de $

Site officiel : France : http://www.killbill-lefilm.com/

USA : http://killbill.movies.go.com/

Récompenses :

Golden Globe : 2004

Nomination Meilleure actrice dans un drame : Uma Thurman

 Résumé :

Une tueuse à gages professionnelle, qui se fait appeler "The Bride", décide de mettre fin au contrat qui la lie à une organisation criminelle. Cependant, au cours de sa cérémonie de mariage, son ancien partenaire fait irruption dans l'église et tire sur la foule.

Laissée pour morte, la tueuse retrouve ses esprits après un coma de cinq ans. Elle n'a alors plus qu'une seule idée en tête : venger la mort de ses proches en éliminant tous les membres de l'organisation criminelle parmi lesquels figurent les DiVAS (Deadly Viper Assassination Squad) et Bill, leur chef, qu'elle se réserve pour la fin.

 Note de la production

Les influences du film

Deux volumes

Un plat qui se mange froid

Un heureux évènement

L'entrainement

Les scénes d'action

Les lieux de tournage

Introduction

KILL BILL est un hommage et une relecture des films de genre que son scénariste/réalisateur, Quentin Tarantino, a vus et aimés : les westerns spaghetti, les films d’arts martiaux chinois, les films de samouraïs et d’animation japonais. Tarantino décrit le film comme un “concentré” du cinéma populaire qu’il a absorbé à doses massives au cours des trente-cinq dernières années. Le film, présenté en deux époques, se compose d’une série de chapitres dont chacun puise son look et sa rythmique au sein d’un genre distinct et s’enrichit de références à la culture pop et à d’autres genres cinématographiques : une scène de “flingage”, typique du cinéma yakusa, est ainsi traitée en “animé” et accompagnée... d’une musique de western italien. À travers de tels croisements, le cinéaste souligne à la fois la force d’impact et les analogies thématiques de genres sans liens apparents. Il n’évoque pas simplement les excès et les aspects les plus jubilatoires du cinéma de genre, mais aussi l’esprit de rébellion sous-jacent qui lui confère une intensité émotionnelle et un pouvoir de fascination durables. Les personnages archétypiques de KILL BILL VOLUME 1 acquièrent par là une résonance inattendue qui s’affirme au gré des scènes et nous mène inexorablement aux ultimes et dramatiques confrontations du VOLUME 2 (dont la sortie française est prévue pour le printemps 2004).

 

Les influences du film

Une jeunesse à South Bay

Aussi étrange que cela puisse paraître, KILL BILL doit une part de son inspiration à la région de South Bay, un secteur d’Orange County situé au sud de Los Angeles et incluant Manhattan Beach. Le précédent film de Tarantino, JACKIE BROWN (1997), se situait d’ailleurs dans cette région dont il soulignait les nombreux charmes. South Bay possède encore quantité de cinémas de quartier et de deuxième exclusivité, spécialisés dans les vieux films blacks et les séries B de kung-fu.

Quentin Tarantino : “Au début des années 70, j’étais gosse lorsque déferla aux États-Unis la vague des films de kung-fu. L’Old School Martial Arts Cinema devint mon école. Pendant deux ans, il projeta sans discontinuer ces films. La fièvre du kung-fu retomba partout ailleurs, sauf dans ces salles de South Bay et celles du ghetto où elle sévit jusqu’au début des années 80. Je pense que c’est un des plus grands genres cinématographiques qui ait jamais existé.”

À la télévision, Tarantino regardait la série “Le Frelon Vert”, dont le deuxième rôle était tenu par le jeune Bruce Lee, masqué. Plus tard, il suivit les exploits du maître du kung-fu eurasien Caine (David Carradine) dans la série ABC-TV “Kung-fu”. Quelques années plus tard, son intérêt pour les films d’action asiatiques l’amena à regarder une station locale diffusant en japonais sous-titré la série “Shadow Warriors” consacrée aux exploits du détective ninja Hattori Hanzo (Sonny Chiba). Lorsque la nouvelle vague du cinéma d’action hongkongais atteignit les États-Unis au milieu des années 80, Tarantino - alors employé d’une boutique vidéo de Manhattan Beach - fut parmi ses premiers et plus ardents défenseurs.

Les Tarantinophiles avertis ont eu l’occasion de remarquer cette influence sur les films de Tarantino. Les films hyper-violents de Sonny Chiba de la saga STREETFIGHTER influencèrent le scénario de TRUE ROMANCE, et le film d’action hongkongais CITY OF FIRE reçut un hommage mérité dans le premier long métrage de Tarantino, RESERVOIR DOGS (1992).

Quentin Tarantino : “Sonny Chiba m’est apparu dès les années 70 comme l’une des plus grandes stars du cinéma d’action, aux côtés de Charles Bronson et Clint Eastwood”, explique le réalisateur. “Je suis un grand fan des films d’arts martiaux à costumes produits dans les seventies par les Frères Shaw. Il y a deux pôles dans ma vie de cinéphile : les Shaw Brothers d’un côté, le western italien de l’autre. En fait, ils sont étroitement liés, car on retrouve dans les films des Shaw Brothers quantité d’emprunts aux westerns italiens. Durant les années 70, ces genres ont fréquemment usé d’intrigues, images et plans similaires. Il y a entre eux une assez profonde parenté.”

L'influence asiatique

L’influence du cinéma asiatique sur KILL BILL ne se limite pas à sa ligne narrative et à son style visuel. Tarantino a aussi créé des rôles pour trois interprètes légendaires du cinéma d’arts martiaux.

Pour Sonny Chiba, illustre sabreur du cinéma japonais, Tarantino a recréé le personnage du ninja Hattori Hanzo, héros de la série “Shadow Warriors”. À l’acteur et artiste martial chinois Gordon Liu Chia-hui, il a réservé deux rôles. Dans KILL BILL VOLUME 1, Liu incarne Johnny Mo, chef de l’équipe de gardes du corps nippons Crazy 88 (habillés en noir à la RESERVOIR DOGS). Dans KILL BILL VOLUME 2, il sera Pei Mei, un très populaire personnage de “moine aux sourcils blancs” qui apparut dans plusieurs succès des Frères Shaw. Ce dernier rôle constitue pour l’acteur un contre-emploi notable : Liu a toujours joué pour les Shaw des héros purs et durs (ou occasionnellement comiques), alors que Pei Mei (fréquemment incarné par le comédien Lo Lieh) fut un des plus sinistres méchants de ce studio, qu’on vit trahir ses frères d’armes dans des films comme EXECUTIONERS FROM SHAOLIN de Liu Jian-liang (1977).

Liu se réjouit de voir David Carradine endosser le rôle de Bill et tint à lui témoigner son admiration : “Sa série a largement contribué à éclairer les Occidentaux sur le kung-fu”, explique l’acteur.

Un autre monde

Tarantino ne s’est pas borné à “dupliquer” ces diverses sources d’inspiration. Il a transfiguré les genres, les a “filtrés” à travers sa sensibilité de fan américain, les a réinventés et croisés avec d’autres pour révéler leurs parentés secrètes.

Quentin Tarantino : “Mes films se déroulent dans deux mondes distincts. Le premier, c’est “l’Univers Quentin” de PULP FICTION et JACKIE BROWN - un univers intensifié, mais plus ou moins réaliste. Le second, c’est le “Monde du Cinéma”. Lorsque des personnages de l’Univers Quentin s’offrent une toile, ils deviennent des spectateurs du Monde du Cinéma, ils nous ouvrent une fenêtre sur ce monde. KILL BILL est le premier de mes films à se dérouler dans le Monde du Cinéma. C’est moi en train d’imaginer ce qui se passerait si ce monde existait réellement, si je pouvais y emmener une équipe de cinéma et y faire un film de Quentin Tarantino sur ces personnages. KILL BILL se déroule hors de notre quotidien. Dans ce monde, les femmes ne sont pas le sexe faible. Elles ont les mêmes instincts prédateurs que les hommes, la même passion de la chasse, le même désir de tuer ou de se faire tuer. Le challenge, pour les acteurs, consista donc à se glisser dans cet univers parallèle de type série B et, dans le cas d’Uma Thurman, à dégager l’humanité du personnage de la Mariée au sein d’une épopée irréaliste et parfaitement démente.”


Deux Volumes

Conçu au départ comme un seul long métrage, KILL BILL sera finalement présenté en deux époques : KILL BILL VOLUME 1 et KILL BILL VOLUME 2.

Quentin Tarantino : “Durant l’écriture, j’ai pensé qu’ Harvey Weinstein pourrait accepter cette formule, mais je n’ai pas été jusqu’à la lui suggérer. Plus tard, il décida de lui-même de ne rien couper et me demanda si j’accepterais... de présenter le film en deux époques. “Génial !” ai-je répondu, et en l’espace de deux heures, j’ai su comment procéder.”

À l’approche d’une décision finale, Tarantino présenta à Harvey Weinstein un montage du futur KILL BILL VOLUME 1 : “Ce sera, au choix, le premier film ou la première moitié du film.” La réponse fut immédiate : “Cette fin est géniale ! Pas de problème ! Nous aurons deux films.”

La pratique commence à se répandre aux Etats-Unis de planifier certains films sous forme de série. Elle est déjà courante en Europe depuis des décennies, et encore plus en Asie. L’une des inspirations de KILL BILL, l’épopée yakusa de Kinji Fukasaku BATTLES WITHOUT HONOR AND HUMANITY, aligna ainsi plusieurs épisodes échelonnés sur une période de trois ans. Chacun des deux volumes de KILL BILL possède sa tonalité et son ambiance propres et recourt à des stratégies narratives contrastées. Pour ce qui est de la touche asiatique, par exemple, le VOLUME 1 est sous influence japonaise, via le personnage clé de Hattori Hanzo interprété par Sonny Chiba (qui est également le chorégraphe kenjutsu du film). Le VOLUME 2, en revanche, est d’inspiration chinoise, de par la présence de Gordon Liu Chia-hui, figure légendaire du cinéma d’arts martiaux qui incarne le “moine aux sourcils blancs” Pei Mei, implacable instructeur kung-fu de la Mariée. (Liu tient en outre dans le VOLUME 1 le rôle secondaire de Johnny Mo, homme de main de la chef yakusa O-Ren Ishii).

Les nombreuses références - notamment musicales - au western spaghetti trouveront une résonance accrue dans le VOLUME 2, lors de la rencontre de la Mariée avec Budd (Michael Madsen) à El Paso, et durant la poursuite de Bill au Mexique. Détail frappant : Bill, héros éponyme du film, apparaît à peine dans le VOLUME 1. Sa présence n’imprègne pas moins le film, et l’on peut entendre à plusieurs reprises l’inimitable murmure de son interprète, David Carradine. Il sera omniprésent dans le VOLUME 2, axé principalement sur sa confrontation avec la Mariée. D’autres considérations, purement pratiques, amenèrent Tarantino à distiller KILL BILL “à petites doses” : l’affrontement final du VOLUME 1 dans la “Villa Bleue” est un combat au sabre de vingt minutes, opposant la Mariée aux sbires d’O-Ren Ishii (Lucy Liu). La réalisation de ce tour de force prit huit semaines (deux de moins que la totalité de PULP FICTION !), et “arrivés à ce point, nous étions tous épuisés et avions besoin de marquer une pause”, explique Tarantino.

Un plat qui se mange froid

KILL BILL adopte la structure basique d’un film de kung-fu, définie dès les premières productions des Frères Shaw comme ONE-ARMED SWORDSMAN de Chang Cheh (1967), et reprise dans des dérivés américains tardifs comme KARATÉ KID (1984). À quoi s’ajoutent, inévitablement, la notion de code d’honneur et l’obligation de bien agir, propres au guerrier samouraï comme au héros kung-fu.

Uma Thurman : “L’important pour moi, c’est que la Mariée possède une certaine noblesse. Elle ne prend pas ses adversaires en traître. Elle confronte chacun sur son terrain, lui laisse le choix des armes, le provoque en duel. Elle respecte scrupuleusement les Règles d’Honneur des Vipères, énoncées à mon usage par Quentin.”

Quentin Tarantino : “Après la mise en route du projet, j’ai consacré une année entière à l’écriture et à la réécriture. Pour me stimuler et soutenir mon inspiration, je visionnais au moins un, voire deux ou trois films d’arts martiaux par jour. J’ai également vu des films de samouraïs et d’“animé”. Des images de tous ces films m’ont habité et imprégné jusqu’à devenir une seconde nature et à me fournir le matériau brut de KILL BILL. Je n’ai absolument pas suivi la production hollywoodienne de cette année.” Tarantino consulta fréquemment sa vedette en cours d’écriture : “J’ai même laissé le personnage plus ouvert qu’à l’habitude pour permettre à Uma d’y contribuer de façon suivie.”

Uma Thurman : “Quentin a aussi entrepris de m’initier aux différents cinémas de genre. Dès le départ, il m’a montré THE KILLER de John Woo, COFFY avec Pam Grier, les films de Sergio Leone avec Clint Eastwood, ROLLING THUNDER de John Flynn et LADY SNOWBLOOD, un film de samouraï féminin qui a été une source d’inspiration majeure. J’ai ainsi absorbé quantité d’images tirées de films d’action qui me terrifiaient passablement, et je me demandais tout le temps : “Mais qu’est-ce qu’il peut bien écrire pour moi ?”


Un heureux évènement

Au printemps 2001, KILL BILL était donc prêt à démarrer et Miramax s’apprêtait à annoncer le début des prises de vues lorsque, en plein Festival de Cannes, Tarantino annonça à Harvey Weinstein et Lawrence Bender qu’Uma Thurman était enceinte. L’équipe étant sur le pied de guerre et les décors construits, la réaction normale eut été de changer d’interprète. Mais rien ne serait jamais “normal” sur KILL BILL...

Quentin Tarantino : "KILL BILL est mon hommage au cinéma de genre, mais c’est aussi mon Sternberg à moi. Imaginez que nous soyons en 1930. Vous vous appelez Josef Von Sternberg et vous êtes à la veille de tourner MOROCCO lorsque vous apprenez que Marlene Dietrich est enceinte. Que faites-vous ? Vous tournez le film sans elle ? Bien sûr que non. Vous attendez Dietrich."

Le réalisateur estime qu’en fin de compte, le décalage profita au film : “Nous n’aurions probablement pas dû commencer si tôt. Un tournage en Chine, au Japon et aux États-Unis demandait une préproduction plus longue. Le bébé d’Uma nous a fait une faveur. Il a amélioré le film.”

En janvier 2002, l’actrice accouchait. Le 2 mars, elle se présentait, comme prévu, au centre d’entraînement de KILL BILL.


L'entrainement

“Lorsque je tournais ma série, je ne faisais pas mystère de mon ignorance du kung-fu. Chaque fois qu’on m’interrogeait à ce sujet, je répondais “je ne sais rien”... et enchaînais avec un mouvement d’une subtilité spectaculaire. C’était pour rire, bien sûr, mais je voulais également souligner que le mouvement le plus gracieux, le plus efficace, le plus rapide n’est rien comparé à tous ceux qu’il vous reste encore à apprendre.” - David Carradine, “The Spirit of Shaolin : A Kung Fu Philosophy” (Tuttle, 1991).

Le centre d’entraînement de KILL BILL fut installé dans un entrepôt proche des bureaux de production de la toute nouvelle société Super Cool Man Chu Productions, à Culver City, au sud de Los Angeles. Cette formation comprenait trois volets : apprentissage du japonais sur CD, initiation à la technique kenjutsu du maniement de sabre auprès de Sonny Chiba et aux arts martiaux sous la tutelle du chorégraphe et réalisateur Yuen Wo-Ping.

Le grand public a découvert Maître Yuen grâce à MATRIX et TIGRE ET DRAGON, mais Tarantino en était fan bien avant sa percée hollywoodienne. C’est d’ailleurs grâce à lui que le film de Yuen, IRON MONKEY, a été distribué par Miramax aux États-Unis en 2000, sous la bannière “Quentin Tarantino Présente”.

Quentin Tarantino : “C’est avec sa première réalisation, SNAKE IN THE EAGLE’S SHADOW, interprétée par Jackie Chan, que j’ai découvert Maître Yuen. J’ai commencé à prendre conscience de son style de kung-fu, de ses chorégraphies, vers 1993, et j’ai pu dès lors distinguer son apport de celui de ses collègues. J’ai trouvé que ses chorégraphies, d’un professionnalisme impeccable et d’une créativité débridée, étaient les plus imaginatives de tous les temps.”

Durant la première étape de la préparation, Yuen et son équipe initièrent les acteurs aux voltiges avec filin, une spécialité hongkongaise abondamment illustrée par MATRIX et TIGRE ET DRAGON.

David Carradine : “J’ai pensé naïvement que j’avais une avance confortable sur mes partenaires et que je n’avais pas besoin d’entraînement du fait de mes quarante ans de pratique du kung-fu. Erreur ! J’ai dû réapprendre tout ce que je croyais connaître. Et ce fut dur.”

Les séances de stretching matinales étaient suivies d’exercices d’arts martiaux et de répétitions chorégraphiques. L’après-midi, les comédiens ahanaient sur divers appareils de musculation : vélo, rameur, etc. La difficulté de cet entraînement était accrue du fait que chacune des disciplines sollicite des groupes musculaires distincts.

Lucy Liu : “Les arts martiaux chinois et le sabre de samouraï nippon requièrent des entraînements spécifiques et totalement différents. Le poids du sabre vous oblige à renforcer intensivement cuisses et avant-bras, alors que les arts martiaux demandent une grande souplesse au niveau du torse. Ce sont deux langages corporels bien distincts.”

David Carradine, qui pratique le kung-fu Shaolin depuis toujours, prit “un plaisir particulier à l’entraînement au sabre. C’était une expérience nouvelle, que je compte poursuivre encore pendant bien des années.”

Sonny Chiba : “Le combat au sabre est d’essence intime. Il repose sur un contrôle rigoureux du souffle et un contact oculaire avec l’adversaire, dont vous devez appréhender la personnalité, lire les pensées et évaluer le rythme respiratoire. C’est un combat d’homme à homme, basé sur les relations interpersonnelles, l’expression émotionnelle et spirituelle, l’âme et le cœur. C’est Uma qui devait le plus apprendre sur ce film, afin de lutter avec ou contre des gens qui font cela depuis toujours. J’ai été particulièrement impressionné par sa disponibilité, son exigence, son professionnalisme. Lucy “bouge” merveilleusement et est très habile, très travailleuse. Elle possède une excellente technique. Sa concentration, sa rapidité, sa pratique du cinéma d’action furent autant d’atouts. Outre son agilité, Daryl Hannah m’a impressionné par son regard d’une inflexible détermination. Elle a les yeux perçants d’un guerrier japonais. Extrêmement sérieuse et concentrée, je l’ai rebaptisée le Samouraï aux Yeux Bleus.”

Certains des interprètes durent aussi apprendre à dire quelques répliques en japonais.

Julie Dreyfus : “Je tire mon chapeau à Lucy et Uma. Il m’a fallu des années pour apprendre le japonais et elles ont acquis en quelques mois la maîtrise de cette nouvelle langue, tout en poursuivant un entraînement physique intensif.”

Uma (nuance le compliment) : “J’ai cherché à atteindre un niveau qui me permettrait de dire ces répliques avec conviction, comme si j’en comprenais chaque mot. On me dit que mon japonais est compréhensible. Je n’en demandais pas plus.”

Pendant ce temps, Tarantino réunissait son équipe... Lauréat d’un Oscar, le directeur de la photo, Robert Richardson, fut choisi pour une raison précise : son habileté à manier les styles visuels les plus divers. Il a souvent collaboré avec Oliver Stone, notamment sur TUEURS NÉS et JFK qui mêlaient dans une même séquence des looks très variés, voire différents types de supports : 35mm, 16mm gonflé, vidéo, etc. Or chaque nouvel épisode de KILL BILL imposerait un style pictural et un montage spécifiques conformes aux canons des genres qui l’ont inspiré.

Le Maître Yuen Wo-Ping a appris son métier auprès de son père, feu Simon Yuen Hsiao-tien, acteur de cinéma et illustre figure de l’opéra de Pékin. Devenu réalisateur, Wo-Ping lui attribua le rôle-titre de DRUNKEN MASTER (1978), avec Jackie Chan. Maître Yuen souligne que les techniques qu’il enseigne sont d’essence théâtrale plutôt qu’orientées vers le combat.

Yuen Wo-Ping : “Ce sont des acrobaties et des arts martiaux conçus pour la scène et typiques de la Chine du Nord. C’est totalement différent des combats de kung-fu et même du wushu, discipline inventée en Chine et que pratique Jet Li. Ce qu’on vous apprend à l’opéra de Pékin ressemble aux arts martiaux, mais est en réalité complètement différent car pensé pour la scène ou la caméra. Bref, pour le spectacle.”


Les scènes d'action

Conçu spécialement pour un enchaînement de combats de grande ampleur et de styles très divers, un immense décor avait été mis à la disposition de Tarantino. Conscient de l’importance de l’enjeu, le réalisateur avoue : “J’avais déjà écrit des scènes d’action, mais je n’en avais encore réalisé aucune. J’adore les films d’action, je pense que c’est peut-être la forme de cinéma la plus pure et j’allais devoir mettre la barre assez haut.”

Le script fournissait une description minutieuse et particulièrement fouillée des scènes d’action. Tarantino les avait peaufinées pendant près d’un an et continua d’y travailler à Pékin, introduisant des descriptions encore plus détaillées et en interprétant lui-même ces scènes, plan par plan, face à son équipe, ses acteurs, Maître Yuen et ses voltigeurs.

Lawrence Bender : “Quentin a passé ainsi près d’une journée à jouer l’intégralité de la séquence de la “Villa Bleue”, bondissant à travers le décor, s’écroulant à terre, s’affalant sur une chaise, etc. Wo-Ping et son équipe suivaient cela, médusés, n’ayant jamais rien vu de tel. Mais cette démonstration leur permit de comprendre parfaitement la mécanique de cette séquence, qui conjugue les apports de Quentin et de Maître Yuen, l’humour du premier et le style percutant du second se fondant en un ballet parfaitement réglé.”

Les combats au sabre de samouraï entre la Mariée et les lutteurs du Crazy 88, et plus particulièrement son duel avec O-Ren, sont assez gracieux pour mériter cette comparaison, tandis que son sauvage affrontement avec la jeune tueuse Gogo Yubari ferait plutôt penser à un dessin animé grandeur nature. L’arme étrange de Gogo évoque à la fois les yoyos mortels des petites super-héroïnes de la série TV japonaise “Sukeban Deka” et l’engin de mort d’un des films d’arts martiaux favoris de Tarantino, MASTER OF THE FLYING GUILLOTINE (1976). Maniée avec une féroce conviction par Chiaki Kuriyama, elle acquiert dans cette scène, magistralement agencée par Yuen Wo-Ping, une force terrifiante.

Yuen Wo-Ping : “Chaque mouvement est réglé en fonction de la caméra. Pour truquer un coup, on choisit, classiquement, un angle qui en masque le point d’impact. Mais, parfois, l’objet de la scène est de mettre en évidence la rudesse du coup porté. Un contact direct s’impose alors, et l’acteur mettra tout son talent à “vendre” l’effet, en feignant d’accuser un coup d’une grande violence.”

Les acteurs découvrirent qu’aucune mise en forme ne vous prépare totalement à la réalité d’un combat.

Uma Thurman : “Au terme de mon entraînement, j’avais le sentiment d’avoir acquis certaines aptitudes au combat. Durant la dernière semaine, j’ai travaillé la chorégraphie à un rythme quotidien afin d’assimiler les centaines de mouvements et combinaisons de cette scène. Mais une fois sur le plateau, Quentin a zappé toute cette chorégraphie, m’obligeant à assimiler “à chaud” cinq, dix, quinze points précis par plan, tandis que l’équipe caméra attendait patiemment que je sois prête ! J’ai soudain réalisé que ce que Wo-Ping m’avait inculqué de plus précieux était d’apprendre... à apprendre.”

Yuen Wo-Ping, généralement considéré comme le meilleur spécialiste mondial des films d’arts martiaux, ne tarit pas d’éloges sur son élève.

Quentin Tarantino : “Un jour, Yuen m’a dit : “Je ne sais pas si tu réalises le niveau qu’a atteint Uma”. Certains acteurs qui font illusion, m’a-t-il confié, ne savent qu’exécuter parfaitement un ou deux mouvements par plan. Alors qu’Uma est capable d’assimiler sur le champ des combinaisons de quatre ou cinq mouvements, comme par exemple de bondir dans les airs, faire un saut périlleux, retomber sur ses pieds et tuer deux adversaires. Elle était si bonne, si sûre d’elle-même que Wo-Ping et moi pouvions changer à tout moment la chorégraphie.”

Le grand combat entre la Mariée et O-Ren, dans le Jardin Enneigé magnifiquement proportionné de la “Villa Bleue”, met en vedette la qualité exceptionnelle de la décoration, savant mélange de décors contemporains branchés et de décors traditionnels à l’élégance raffinée.

Autre élément visuel notable de la “Villa Bleue”, les costumes des Crazy 88s font référence aux célèbres complets noirs, chemises blanches et cravates noires de RESERVOIR DOGS et PULP FICTION. Un petit masque noir s’y ajoute, en hommage au personnage de Kato, interprété par Bruce Lee dans la série “Le Frelon Vert”. La combinaison de pilote, jaune à stries noires, de la Mariée est, quant à elle, une copie conforme de celle que Bruce Lee aurait dû porter dans son dernier film - inachevé - GAME OF DEATH.

Après avoir mis en boîte l’essentiel des séquences de Pékin, l’équipe se déplaça pour une semaine au temple bouddhiste de la Montagne de Mia Gao, auquel on accède par un escalier de 240 mètres de haut. Cette ascension quotidienne obligée n’était cependant qu’un modeste prélude aux séquences d’entraînement au kung-fu, “The Cruel Tuilage of Pei Mei”, que l’on découvrira dans KILL BILL VOLUME 2.

Une fois redescendue, l’équipe regagna pour quelques jours les Studios de Pékin, où on avait monté entre-temps les deux petits décors de la séquence avec Hattori Hanzo : le sushi bar et son grenier. À l’instar de la vaste “Villa Bleue”, ces décors associent bambou, pierre et autres matériaux organiques qui leur confèrent une réalité tangible et renforcent la plausibilité de la scène. Le restaurant est équipé d’un petit bar et deux ou trois tables, tandis que le grenier abrite une large collection de sabres. C’est le décor de deux scènes clés entre la Mariée et le maître Hattori (Sonny Chiba), cet ancien forgeron qui s’est juré de ne plus jamais fabriquer un seul “outil de mort”. La Mariée ayant grand besoin de ses services, tente de le faire revenir sur sa décision dans cette scène qui donne à Uma Thurman l’occasion de parler japonais pour la première fois.

Uma Thurman : “À Los Angeles, Sonny Chiba m’avait initiée au maniement du sabre, et cette scène devait être notre première confrontation d’acteurs. J’y utilise les rudiments de japonais acquis au fil des mois, tandis que lui s’efforce tant bien que mal de parler anglais - une variante sur le thème de l’aveugle et du paralytique !”

Hasard ou coïncidence, la dernière image de KILL BILL tournée en Chine figure, sous diverses formes, dans tous les films de Quentin. C’est un plan subjectif, filmé de l’intérieur d’un coffre de voiture - en l’occurrence un plan d’Uma Thurman penchée sur le corps de Julie Dreyfus. “Nous l’avons tourné très tard dans la nuit”, raconte Lawrence Bender, “mais dans l’euphorie, même si nous savions qu’il serait dur de partir.”


Les Lieux de tournage

Quentin Tarantino, le producteur Lawrence Bender et les principaux interprètes de KILL BILL débarquèrent en Chine en mai 2002 pour continuer l’entraînement et débuter les répétitions. À la mi-juin, le producteur délégué E. Bennett Walsh, les producteurs associés Dede Nickerson et Koko Maeda et le chef opérateur Robert Richardson avaient réuni une équipe technique multinationale intégrant plusieurs escouades de traducteurs et avaient entamé le travail aux Studios de Pékin.

Construit en 1949, dans le nord de la capitale, le Beijing Film Studio devint rapidement le principal centre de production cinématographique de Chine. Il est, aujourd’hui encore, le seul complexe local disposant de plateaux assez vastes pour accueillir l’immense décor à deux niveaux du cabaret/restaurant la “Villa Bleue”, qui constitue le QG d’O-Ren Ishii.

Quentin Tarantino : “Le Beijing Film Studio était un projet personnel de la femme de Mao, un instrument rêvé pour tourner des films de propagande. Le plus surprenant, c’est qu’il ne s’agit pas d’un simple studio, mais d’une communauté peuplée de techniciens liés à vie à ce centre de production. On y trouve une école, des immeubles d’habitation, des boutiques, bref un vrai village géré par des gens qui consacrent leur existence au cinéma.”

Lawrence Bender : “Aller en Chine a été la plus heureuse de toutes nos décisions. Une fois sur place, Quentin a tenu à bénéficier pleinement des forces vives du pays. Il ne voulait pas faire venir une équipe 100% américaine qui aurait dicté sa loi. Résultat : nos décorateurs japonais et chinois ont accompli ensemble des prodiges que nul ne pouvait escompter”. KILL BILL a employé pas moins de trois chefs décorateurs (un Chinois, un Japonais, un Américain), deux chefs costumiers et chefs accessoiristes chinois et américains, une équipe d’assistants chinois et américains, la coordination de l’ensemble des acteurs et techniciens étant assurée par le premier assistant américain Bill Clark (PULP FICTION, JACKIE BROWN) et son homologue chinois, Zhang Jin Zhan.

Uma Thurman : “On voyait en permanence une nuée de traducteurs courir dans tous les sens : un interprète japonais-anglais, un chinois-anglais, un japonais-chinois, j’en passe. C’était le délire !”

Lawrence Bender : “Les méthodes de travail présentent des différences fondamentales. L’américaine repose sur une spécialisation poussée, chaque poste technique étant tenu par une ou deux personnes qui ne font rien d’autre. Résultat : un plateau ordonné et une ambiance très concentrée. En Chine, par contre, la moindre opération mobilise vingt types qui vont se démener, faire un boucan d’enfer... et obtenir très vite des résultats.”

Un exemple éloquent de cette efficacité : lors de sa première journée de tournage en Chine, l’équipe réalisa vingt-deux plans, un record impensable pour une production hollywoodienne classique. Le Japonais Yohei Taneda et l’Américain David Wasco coordonnèrent les décors et le look du film en s’appuyant sur les indications précises de Tarantino.

Yohei Taneda : “Aucun détail n’échappe à Quentin. Il exige telle nuance de bleu à l’arrière-plan, tel rouge pour une tache de sang, il veut voir comment tel jaune ressort sur une couche de neige blanche, etc. Il possède un sens visuel aigu et vous décrit très exactement ce qu’il attend. Au moment où il dessine ses décors, il sait déjà comment il les filmera. Il voulait faire de la “Villa Bleue” un espace pour une “symphonie d’actions”. À chaque portion du décor est donc affectée une couleur spécifique, contrastant puissamment avec les autres : des rouges francs pour le couloir, du vert japonais traditionnel pour la salle à manger et enfin un bleu nuit pour le Jardin Enneigé où se déroule le combat final.”

Le Japon

La portion chinoise du tournage s’acheva à 1 heure du matin le 1er septembre 2002. Deux jours plus tard, une cinquantaine d’acteurs et techniciens avaient gagné Tokyo pour y entamer les séquences de nuit.

Lawrence Bender : “Nous avons tous ressenti un choc culturel à notre arrivée, tant sont grandes les différences entre Tokyo et Pékin. Les conditions de tournage sont très dures à Tokyo. La commission cinéma, de création récente, a édicté des règles de travail très strictes. J’adore cette ville, nous y avons tourné de très beaux extérieurs, mais ce ne fut pas de tout repos.”

Ces extérieurs comprennent une poursuite nocturne à travers les rues de Tokyo, durant laquelle la Mariée juchée sur sa moto traque l’arrogante caravane de voitures et motos de luxe d’O-Ren. Une séquence de transition brève mais très élaborée qui demanda plusieurs nuits de travail sur le Rainbow Bridge et les routes insulaires avoisinantes.

Pasadena

Après trois mois de tournage astreignants en Chine et au Japon, Uma Thurman n’eut pour sa part, aucune difficulté à se réadapter : “Je n’ai jamais été aussi heureuse qu’en découvrant la coquette petite maison américaine, entièrement moquettée, de Pasadena où la Mariée affronte son ancienne collègue Vernita. J’avais presque l’impression de débarquer sur un autre film, mais je savais bien que c’était le même : nous n’avons jamais quitté un décor de KILL BILL avant de le réduire en miettes !”

Ce qu’Uma et Vivica A. Fox entreprirent sans tarder, échangeant insultes et coups de couteau, brisant furieusement les meubles puis les murs de la maisonnette...

Et nous n’en sommes qu’à la moitié du film...