Réalisateur : Ivan Reitman
Scénario :
Producteur : Ivan Reitman
Directeur photo : Michael Chapman
Musique : Randy Edelman
Acteurs :
- Bill Murray : Dr. Peter Venkman
- Dan Aykroyd : Dr. Raymond Stantz
- Harold Ramis : Dr. Egon Spengler
- Sigourney Weaver : Dana Barrett
- Rick Moranis : Louis Tully
- Annie Potts : Janine Melnitz
- Peter McNicol : Jonasz Poha
- Ernie Hudson : Winston Zeddemore
Genre : Comédie
Année : 1989
Durée : 1 h 42
Origine : Américain
Distribution : Columbia Tristar
Titre Original : Ghostbusters II
Producteur exécutif :
- Bernie Brillstein
- Michael C. Gross
- Joe Medjuck
Résumé :
Cinq ans après le succès du film, toute l'équipe se lance dans une suite. Cependant, curieusement, et ce malgré le fait que réalisateur et scénaristes soient identiques, le deuxième volet s'avère être une antithèse de l'original, bien que brodé sur une variation de l'histoire du premier (d'ailleurs peu inspirée).
En effet les héros traversent à peu près les mêmes épreuves :
- L'arrivée du démon passe par l'intermédiaire de Dana, qui subit des manifestations paranormales avant que la ville n'en soit remplie.
- Les héros sont d'abord enfermés (dans un asile au lieu d'une prison) puis relâchés par ordre du maire, avant d'être appelés à la rescousse à la fin.
- Un géant traverse la ville à l'image des films de monstres asiatiques (la Statue de la Liberté). Peter compare même la statue avec le bibendum : "Continue à avancer, Liberté chérie, si tu réussis on t'emmène passer un week-end à Las Vegas avec le bibendum en gelée".
- Les super-héros se font applaudir par une énorme foule d'admirateurs et sauvent New York.
Certains détails s'apparentent aussi au premier opus : Egon demande à Peter de prélever un échantillon des selles du bébé tandis qu'il lui sommait de prélever un échantillon de slime cinq ans auparavant ; Winston se trouve figé face à l’arrivée du train-fantôme là où Peter restait scotché sur place dans l'hôtel quand Bouftou lui fonçait dessus ; lorsque les héros débutent leur activité une séquence retranscrit différents exploits des ghostbusters à la manière du résumé présent dans l'épisode précédent ; enfin l'adjoint au maire ressemble à une caricature de l'inspecteur de la commission pour l'environnement.
Mais toutes ces similitudes se déroulent dans une autre ambiance et ont une connotation inverse à ceux du Ghostbusters premier du nom. Ainsi les héros ne sont plus à la base dans une situation précaire étant donné l'argent qu'ils ont sûrement amassé cinq ans auparavant, Egon et Peter sont respectivement chercheur en sciences et présentateur TV, donc vivent dans une certaine aisance, Raymond est un antiquaire spécialisé dans le paranormal (Winston est à nouveau délaissé, il est le collègue de l'agence S.O.S Fantômes mais son activité sociale n'est pas montrée). L'environnement dans lequel évoluent les quatre nettoyeurs de revenants semble fort sympathique, le spectre venu d'un lointain passé est risible et absolument pas impressionnant, aucun élément particulier ne fait ressentir que derrière la surface se cache une réalité peu enthousiaste, car dans ce film tout est surface. Ainsi, si les new yorkais sont responsables de l'émergence des spectres de part leur méchanceté ou leur bêtise, non seulement tout est dénoté dès le début (lorsque Dana avance dans la rue avec sa poussette on voit des gens se disputer, tous de mauvais poil) mais surtout à la fin grâce à un symbole pro-américain les habitants se mettent à chanter et à s'unir naïvement devant le musée, aidant ainsi les chasseurs à vaincre le "fléau des Carpates".
Bien et Mal sont deux entités séparées de façon manichéenne. Il n'y a pas de représentant de l'environnement pour questionner les ambivalences de la société S.O.S Fantômes. Le nucléaire n'est pas évoqué, la pollution des canalisations est la faute non pas uniquement des protagonistes mais de tous les résidents de la ville. Les nuances disparaissent donc. Si les héros utilisent le mal pour vaincre le mal (ils se servent du slime), c'est par l'intermédiaire d'un gigantesque symbole américain : la Statue de la Liberté.
Peter est cette fois amoureux de Dana, le spectateur sent qu'il a fui ses responsabilités, ce qui est en accord avec le personnage d'origine, mais il paraît regretter son acte. Dana n'est plus simplement une femme qui lui plaît, un trophée de plus dans son tableau de chasse, elle est la femme de sa vie et Peter et elle sont liés par un enfant, que Peter ne tarde pas à considérer comme sien.
L'argent que réclame l'agence de capture des spectres est secondaire. Les chasseurs semblent se concentrer sur l'enquête autour de Dana dans un but uniquement amical et désintéressé. Bien sûr ils utilisent la publicité, cependant l'accent est mis sur leurs tarifs réduits (divisés par deux) et sur l'offre de cadeaux pour les enfants.
Le maire apparaît relativement sympathique, son pouvoir ou les enjeux politiques en lien avec le sauvetage de la ville ne sont jamais évoqués. S'il refuse la proposition initiale des protagonistes, c'est dans un but citoyen en respect par rapport à la liberté individuelle ("Qu'est-ce que vous voulez que je fasse […], dire à dix millions de personnes qu'elles doivent être gentilles entre elles ?... Mais être un misérable con et traiter son prochain comme de la merde est le droit que Dieu a donné à tous les new yorkais !").
Si Winston est toujours une figure négligée, ici rien ne critique cette position. Il est présent dès le début de l'aventure et pourtant son rôle est tout aussi limité que dans l'épisode précédent. Il bénéficie de plus de répliques, mais il reste uniquement un collègue de travail et occupe une position secondaire (il apparaît dans l'incipit mais dans le costume de super-héros, puis il disparaît dans toute la recherche autour des problèmes de Dana et jusque dans le tribunal où il n'est pas jugé bien qu'il s’agisse de réprimandes faites aux chasseurs de fantômes et que l'enjeu soit l'arrêt de leurs activités).
Il représente le quota de noirs-américains nécessaire dans une grosse production américaine sans que cela ne soit démontré implicitement.
Les protagonistes ne sont plus assimilables à des adultes plongeant dans un univers onirique de l'enfance. Peter assume ses responsabilités : il suit les conseils de Dana qui dans le premier film le compare à un présentateur TV ("Vous faites plutôt présentateur de show télévisé") et il s'occupe de son rejeton aussitôt que le danger le menace. Le spectateur sent qu'il ne courtisera plus d'autres femmes.
Raymond gère une boutique dédiée au paranormal et Egon effectue des recherches mais à son propre compte. Les trois amis envisagent clairement l'agence S.O.S Fantômes comme une fonction secondaire qu'ils occupent, et dans un registre purement humanitaire donc responsable. Le monstre qu'ils combattent n'a rien à voir avec les peurs enfantines : il sort d'un tableau donc d'une œuvre d’art, ce qui constitue un intérêt purement adulte. Les éruptions fantomatiques issues du spectre Vigo n'ont pas le caractère amusant (le squelette dans le taxi du premier opus) ou ne sont pas en relation avec les frayeurs de l'enfant (les 'chiens' qui ramenaient Gozer sur terre). Au contraire, elles se manifestent dans des lieux sérieux appartenant au monde adulte (le tribunal) ou évoquent de grands drames de l'Histoire (le Titanic).
A la fin, on imagine que les super-héros doivent retirer leur costume et retourner assumer leur responsabilité au sein de la réalité sociale.
Le sexe enfin est suggéré de façon chaste. Peter n'est plus un coureur, Dana est devenue une mère et ne cherche plus l'acte avec n'importe qui. Egon semble se désintéresser des femmes suivant l'imagerie conventionnelle du savant. Quant à Raymond et Winston, ils forment certes un couple au commencement du récit mais un couple qui s'assume dans une Amérique tolérante : on peut voir les enfants de la fête d'anniversaire comme leurs propres enfants adoptifs. Louis s'est trouvé une femme qui l'aime, Janine, et peut assumer ses pulsions cette fois pures et amoureuses (certes Janine reste une femme libidineuse, toutefois avant l'acte elle déclare vouloir un bébé donc former une famille avec Louis).
Le monstre est vaincu par une giclée rappelant une éjaculation mais cette fois contrairement à l'attaque du bibendum il s'agit d'une éjaculation contrôlée par les chasseurs de fantômes devenus adultes. Le slime qu'ils lancent sur le démon constitue un jet précis et les héros ne souffrent plus de contrition face au sexe et d'une retenue qui les a conduit à éructer d'un coup tout leur désir sur la femme-démon dans une explosion de marshmallow. Ici ils empêchent le mauvais père de pénétrer l’enfant en le castrant, ils abordent l'acte sexuel avec maîtrise et en sont au stade où le fils tente de castrer le père pour affirmer son statut d'adulte. Le fait que l'éjaculation de slime ait lieu auparavant à l'intérieur de la Statue de la Liberté n'est pas anodin, ils traversent fièrement la ville en la dominant, libérés des peurs de l'enfance par rapport au sexe (et délivrés des pressions sociales, puisque c’est le couple Raymond/Winston qui utilise le slime). Chasseur de fantômes est ainsi synonyme de liberté sexuelle, et Louis endosse le costume après avoir perdu sa virginité une deuxième fois (dans une totale conscience).
Le sexe n'est plus le mal qu'il faut combattre, les personnages ne souffrent plus intérieurement à cause de leur société, ils s'épanouissent au contraire dans un univers qui passe pour idéal. La réalité diégétique s'éloigne de la réalité référée, le sigle que les super-héros portent sur leur costume et affichent sur la façade de leur agence le prouve puisque le fantôme représenté n'est plus un spectre terrifié mais un revenant qui sourit et arbore de ses doigts le chiffre deux, renvoyant au fait que nous sommes devant une suite et donc rappelant également que nous sommes devant un film, à l'image de la fin dans laquelle le portrait de Vigo est remplacé par une représentation des super-héros dans un style Renaissance.
C'est ainsi que S.O.S Fantômes 2 n'est qu'une pâle copie de son prédécesseur, d'une part car les effets spéciaux n'ont plus la même envergure qu'auparavant tout comme la mise en scène, d'autre part à cause d'un scénario trop identique au spectacle initial, et enfin parce que le fond est devenu le miroir du chapitre primitif faisant basculer l'observation de la société américaine de la critique vers la tolérance. Les créateurs paraissent chasser leurs propres démons intérieurs de lucidité face à leur environnement à l'instar des protagonistes du premier long métrage qui refoulaient leurs pulsions sexuelles réelles pour s'accommoder des coutumes en vigueur.
Ghostbusters est une œuvre riche de significations. Derrière le divertissement familial se cache le portrait d'une nation défectueuse polluée aux niveaux politique, sexuel, et de la nature. Le film est également la représentation de la nostalgie des scénaristes pour l'enfance. S'il n'est pas forcément considéré comme tel, ce long métrage est le film de super-héros le plus abouti à ce jour aux côtés de Spider-Man. Tout dans ces deux récits est distillé que ce soit les apparitions du ou des héros ou les effets spéciaux, et le spectateur doit faire intervenir son imaginaire puisque certaines évolutions du ou des personnage(s) sont amputées (c'est le cas notamment des actes héroïques du début de carrière qui sont montrés dans une sorte de résumé au style journalistique dans les deux films).
Même avec une suite qui le renie, S.O.S Fantômes reste un très joli conte désenchanté contemporain, et le dernier grand spectacle américain à avoir pu intégrer un certain jugement en demi-teinte sur la société aux Etats-Unis.