Réalisateur : Ivan Reitman

 

Scénario :

- Harold Ramis

- Dan Aykroyd

 

Producteur : Ivan Reitman

 

Directeur photo : Laszio Kovacs

 

Décorateur : John DeCuir Jr.

 

Musique : Elmer Berntein

 

Acteurs :

- Bill Murray : Dr. Peter Venkman

- Dan Aykroyd : Dr. Raymond Stantz

- Harold Ramis : Dr. Egon Spengler

- Sigourney Weaver : Dana Barrett

- Rick Moranis : Louis Tully

- Annie Potts : Janine Melnitz

- William Atherton : Walter Peck

    - Ernie Hudson : Winston Zeddemore

 

Genre : Comédie

 

Année : 1984

 

Durée : 1 h 50

 

Origine : Américain

 

Distribution : Warner Columbia

 

Titre Original : Ghostbusters

 

 

 

Résumé :

 

Les docteurs Peter Venkman, Raymond Stantz et Egon Spengler poursuivent, à l'université de New York, des recherches de parapsychologie dont l'intérêt n'est évident que pour eux. Aussi finissent-ils par se faire renvoyer.

Ils décident alors de créer "SOS Fantômes", la première société capable de détecter, neutraliser et capturer les spectres de toutes sortes. Leur méthode est très simple : ils enferment les fantômes dans une boîte électronique qu'ils stockent ensuite dans une cage protonique. Très vite, les trois amis sont débordés de travail car New York semble soudainement devenue la proie des spectres. La terreur s'installe en ville...

 

Lorsqu'il sort en 1984, Ghostbusters tient une place à part dans la catégorie des blockbusters. Relatant les exploits de quatre new-yorkais face à des fantômes, il devrait logiquement s'inscrire dans le genre fantastique. Mais il s'agit d’un film inclassable.

 

Tout d'abord, ce spectacle revêt un aspect familial : les scénaristes font également partie des interprètes principaux et on ressent que l'équipe s'est amusée pendant le tournage. Un amusement communicatif puisque le spectateur ne peut que rire (ou sourire) devant l'humour accrocheur du long métrage (à noter que les traducteurs ont réalisé un travail particulièrement soigné, à l’image des transcriptions françaises des épisodes des Simpson). D'autre part, nous sommes sans aucun doute devant un film de super-héros avec les costumes (comportant même un sigle), les exploits surhumains qu'effectuent les chasseurs (lutter contre des forces surnaturelles), et le schéma de crise dans lequel est enfermé l'être aimé par le justicier (ici, devant la multiplication de super-héros, l'histoire d'amour se déroule entre la belle et le protagoniste le plus mis en valeur auquel s'identifie le spectateur). Enfin, certaines séquences (dont l'incipit) relèvent explicitement du genre horrifique, tandis que d'autres (la séquence finale) évoquent les films de monstres comme Godzilla.

Le mélange des genres étant extrêmement complexe et risqué, Ghostbusters en ressort d'autant plus comme une perle rare, une œuvre à part entière et non un simple divertissement tant il jongle avec aisance entre différents styles, tirant même sa richesse de ce melting-pot. Il se place ainsi en précurseur d'une nouvelle vague de grands spectacles qui tenteront avec plus ou moins de réussite de reproduire cette synthèse.

S'il est un pionnier dans sa forme, c'est le contenu de ce film qui se révèle le plus intéressant, et sur lequel je vais me pencher pour tenter d'en dégager tous les aspects.


Derrière cette peur d'affronter la réalité sexuelle se cache une autre frayeur : celle d'affronter le monde adulte.

Au départ, les futurs héros sont encore étudiants alors qu'ils semblent avoir la trentaine. Ce statut reflète leur position dans la société : ils n'ont pas de place dans le monde du travail. Lorsque leur financement pour leurs recherches est retiré, Raymond se demande ce qu'ils vont devenir. Il est clair qu'ils n'envisagent pas leurs études comme une formation pour intégrer un emploi mais l'université est une structure d'accueil pour vivre.

 

D'autre part leurs travaux s'apparentent à des jeux d'enfants. Raymond et Egon étudient les spectres ou la télékinésie et cherchent ainsi à prouver que les croyances enfantines sont fondées (le spiritisme est une fascination appartenant essentiellement à l'univers de l'enfance). On apprend même qu'Egon a déjà tenté de se percer le crâne ("Ça aurait marché si tu ne m'avais pas empêché de le faire !") ou on voit Raymond heureux comme un gosse dans l'immeuble qui accueillera les locaux de S.O.S Fantômes ("Hé ! Il est encore bien astiqué ce mât !").

Peter utilise un appareil d'origine scientifique comme un charlatan à des fins lucratives. Son égoïsme et son manque de connaissances (ses amis eux-mêmes s'interrogent sur ses diplômes au début de l'histoire) en font un représentant de l'enfance tout comme son plaisir à faire du mal lors de ses "expériences scientifiques" ou son langage familier voire grossier ("Zut ! Flûte ! Caca boudin !" ; "On est venu, on l'a vu, il l'a eu dans le cul !").

 

Lorsque les quatre ex-étudiants vont enfin choisir leur fonction à l'intérieur de la société, ils décident de combattre des fantômes. Les ennemis auxquels ils vont devoir faire face sont donc liés au monde de l'enfance. Ils se sont incorporés fictivement dans la société. Ils s'enfoncent en fait dans leur imaginaire et refusent la réalité. C'est pourquoi la frayeur que les spectres provoquent sur les protagonistes va augmenter au cours du récit soit à cause de leur démultiplication (la scène où les esprits envahissent la ville après que le conteneur ectoplasmique ait été débranché), soit par leur laideur (les 'chiens' que sont devenus Dana ou Louis), ou encore par leur taille (le bibendum marshmallow) à mesure que les chasseurs sombrent dans leur folie.

Les monstres vont au cours de l'histoire prendre les formes des angoisses enfantines. La mère, c'est-à-dire le représentant de la punition (le premier fantôme dans la bibliothèque que les étudiants viennent déranger) ; le fantôme classique (le revenant du restaurant) ; les 'chiens' (désignés ainsi par Louis et Peter : "Alors, qui a amené le chien ?", "Bon ! D'accord, c'est un chien") ; Dieu, qui punit les fautes tandis que l'enfant se régale du mensonge et des bêtises ("Tu t'es jamais dit qu'au fond […] c'est peut-être que ça y est, que les morts se lèvent vraiment de leurs tombes ?") ; et enfin le bibendum marshmallow qui représente le scoutisme donc les ordres ("On les faisait griller autour du feu de camp quand j'étais scout chez les castors") et qui est gigantesque (donc à la fois monstrueux et semblable à l'autorité parentale de par sa force et sa taille : l'enfant est plus petit et plus faible que ses parents).

La fin montre en outre un double rêve d’enfance : une marée de marshmallow envahit le sol tandis qu'une foule d'admirateurs applaudit les héros, comblant ainsi les désirs de puissance et de reconnaissance propres aux enfants. Les casseurs de fantômes ressemblent de fait à des adultes qui n'auraient pas accepté ce statut et resteraient coincés dans un univers onirique virtuel dans lequel ils se sentent bien.


Pour nombre de grands spectacles d'Outre-Atlantique, et encore plus lorsqu'il s’agit d'une comédie, le pro-américanisme est de rigueur. Nous avons vu que ce n'est pas le cas ici dans la représentation du sexe puisque le film nous montre des êtres opprimés par leur culture et par leur société qui refreinent leurs pulsions ou culpabilisent. En fait, l'univers tout entier de la diégèse confronte le spectateur à une réalité assez glauque malgré la bonne humeur omniprésente dans le métrage.

D'abord, il y a la précarité de la situation d'origine des protagonistes. Du jour au lendemain on leur annonce la fin de leur statut sans qu’il n'y ait d'échappatoire. C'est toute l'iniquité du système d'études américain qui est ici dénoncée. Raymond doit hypothéquer ses biens pour permettre au groupe de survivre.

Le bien et le mal semblent toujours liés. Les super-héros agissent pour le bien mais portent "en toute illégalité des accélérateurs nucléaires sur [leurs] combinaisons". Pour vaincre le spectre final ils utiliseront le mal en croisant les effluves... Peter veut sauver Dana non pas en raison d'un amour profond ni d'un réel attachement mais parce qu'elle lui plaît physiquement dans une volonté égoïste : il déclare l'aimer le jour de leur rencontre sans la connaître et après avoir dragué une autre femme dans l'incipit ("Je vais ramener mademoiselle dans son appartement et lui faire une fouille complète").

 

S.O.S Fantômes est une société à la fois humanitaire (elle sauve New York d'une apocalypse) et intéressée (les tarifs des captures de revenants sont élevés et l'agence s'inscrit dans une logique capitaliste avec l'utilisation de publicité télévisuelle).

 

Le représentant de l'environnement, qui dans son questionnement fait écho à la remarque de Peter concernant l'usage du nucléaire pour le matériel de capture des spectres, est sournois. Il use de la force pour arriver à ses fins. S'il rappelle les ambivalences d'une équipe qui nettoie les rues des esprits tout en en polluant l'air, il apparaît également tel un être auquel on ne peut pas faire confiance et qui accélère le processus d'apparition de Gozer... Lorsque Louis se retrouve acculé contre la vitrine d'un grand restaurant et appelle à l'aide, les gens le regardent se faire dévorer avant de reprendre à leur tour le repas sans se tourmenter. Enfin le maire, donc le représentant de toute la ville, est une figure égocentrique. Une seule phrase suffit à le convaincre de laisser agir les chasseurs de fantômes face à la débâcle finale : "Lenny, toi et toi seul aura sauvé la vie de millions d’électeurs inscrits". Quant au représentant ecclésiastique, il apparaît dépassé par la situation comme le souligne Peter ("Ouais, t'as raison de pas t'mouiller Mike !") et n'est que surface puisque après s'être fait baiser la main par le maire les deux hommes se parlent en amis de façon familière.

La réplique de Winston à la fin du film, "J'ADORE NEW YORK !", revêt un sens bien différent que celui dénoté à la lumière de la perversité de cette ville telle qu'elle nous est montrée. Si New York est une ville qui lui a donné la chance de participer à des actes héroïques et d'être reconnu, elle est aussi fausse comme l'indique les réactions de son dirigeant (devant lequel Winston se rabaisse et se définit "nègre") et elle est synonyme d'exclusion (les noirs-américains sont reclus pour la plupart dans des quartiers en banlieue). Winston d'ailleurs ne débarque dans la bande des casseurs de revenants que tardivement ; il n'a qu'une fonction subalterne : il est uniquement chasseur tandis que les autres sont en plus soit inventeur (Egon), mécanicien (Raymond) ou trésorier (Peter) dans la société ; de plus il n'a que très peu de fois l'occasion de s'exprimer.

Aussi Ghostbusters comporte des aspects du genre comédie, mais c'est une comédie noire : l'humour bien souvent ne fait que mettre en relief le côté préoccupant d'un univers relativement sinistre.