La Vérité nue
Réalisateur : Atom Egoyan

Genre : Drame, Thriller

Date : 21 Décembre 2005

Durée : 1 h 47

Origine : Américain

Distribution : TFM Distribution

Titre original : Where the truth lies

D'après l'oeuvre de : Rupert Holmes

Résumé | Note production | Acteurs | Scénario | Producteur | Site Officiel | Récompenses | Lieux | Budget

Acteurs :

Kevin Bacon : Lanny Morris
Colin Firth : Vince Collins
Alison Lohman : Karen O'Connor
Sonja Bennett : Bonnie Trout
Rachel Blanchard : Maureen O'Flaherty
Kathryn Winslow : la publicitaire
Kristin Adams : Alice
Maury Chaykin
Sean Cullen : Sean, le présentateur du Téléthon
Rebecca Davis : Denise
David Hayman : le majordome
Arsinée Khanjian
Shannon Lawson : Rose Wannamaker
Don McKellar
Michael J. Reynolds : John Hillman
Anna Silk : Gina
Vee Vimolmal : la fille du service des chambres

Directeur Photo : Paul Sarossy

Musique : Mychael Danna

Décors : Carolyn 'Cal' Loucks

Chef décoration : Phillip Barker

Costumes : Beth Pasternak

Montage :

Susan Shipton
Phillip Barker

Effets Spéciaux : Rob Tucker

Casting :

Leo Davis
Mali Finn
John Buchan

Direction artistique : Craig Lathrop

Maquillage :

Geralyn Wraith : superviseur
Jeremy Woodhead : concepteur coiffures

Son :

Paul Shikata : monteur musique
Chris Munro : mixeur
Andy Malcolm : bruiteur
Matthew McKenzie : enregistrement ADR
Stephen Finn : perchman
Anna Malkin : assistant enregistrement bruitages
Don White : mixeur enregistrement bruitage
Colin McLellan : enregistrement ADR
Goro Koyama : bruiteur

Scénario : Atom Egoyan

Producteur : Robert Lantos

Production : Serendipity Point Films

 

Producteur executif :

Colin Leventhal

Donald A. Starr

Daniel J.B. Taylor

Producteur associé : Mark Musselman

Co-Producteur :

Chris Chrisafis
Sandra Cunningham

Assistant réalisation :

Craig Newman : 3ème assistant
Michael Peleshok : assistant réalisateur
Melissa V. Barnes : second assistant (U.S.A.)
David J. Webb : premier assistant
Agnieszka Poninska : assistant réalisateur

Lieux de tournage :

Budget : 25 millions de $

Site officiel : France : http://www.tfmdistribution.com/laveritenue/accueil.htm

Récompenses :

Festival International de Cannes : 2005
Sélection officielle - en compétition

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 Résumé :

1959. Lanny Morris et Vince Collins sont les comiques les plus célèbres des États-Unis. Ils forment un tandem traditionnel - Lanny le dépressif obsessionnel et Vince le type raisonnable et plein de sang-froid - mais à eux deux, ils savent aussi bien faire hurler de rire le public que l'émouvoir aux larmes lors d'un de leurs mémorables Téléthons. Riches, puissants, extraordinairement populaires, ils sont à l'apogée de leur carrière, quand un événement terrible vient tout remettre en question.

Un jour, une femme est mystérieusement trouvée morte dans leur suite. Leur réputation est ternie, mais tous deux fournissent un alibi en béton qui les blanchit. Cependant, cet événement marque aussi la fin de leur collaboration. Lanny et Vince réussissent à poursuivre une carrière solo, mais n'évoquent plus jamais la mort de cette femme, ni entre eux ni, du reste, avec quiconque d'autre. La vraie raison de la séparation de Morris et Collins devient l'un des plus grands mystères du show business.

Quinze ans plus tard, dans les années 70, une journaliste prometteuse, Karen O'Connor, décide de remettre cette affaire sur le devant de la scène. Elle négocie un contrat mirifique pour découvrir de nouvelles informations sur Morris et Collins et commence à déterrer les faits qui se cachent derrière une séparation élevée au rang de mythe. Peu à peu, son enquête lui fait pénétrer l'intimité sexuelle et affective de chacun des deux hommes. Mais plus Karen se penche sur ces personnages et leur histoire, plus elle éprouve de difficultés à accepter ses révélations sur eux, mais aussi sur elle-même. Trahison, amour, désir, secrets enfouis et confiance bafouée ponctuent son enquête...

 Note de la production :

Polar étonnant et plein de suspens, WHERE THE TRUTH LIES de Atom Egoyan explore et dynamite la machine à rêves hollywoodienne. Kevin Bacon et Colin Firth interprètent un duo légendaire du show business des années 50 qui se sépare après un scandale retentissant. Quinze ans plus tard, une journaliste s’apprête à écrire un livre à sensation qui prétend tout révéler sur leur séparation, et menace de détruire le peu qu’il reste de leurs réputations déjà mises à mal. L’autre objectif du livre consiste à lancer la carrière de son jeune et séduisant auteur, interprété par Alison Lohman, qui use de son charme et de ses neurones sur les deux hommes pour ranimer leur histoire trop longtemps enfouie. En mettant face-à-face deux personnages déterminés à cacher la vérité par tous les moyens et une femme qui, elle, est bien décidée à la révéler, Egoyan a donné vie à une intrigue aux multiples facettes où personne n’est vraiment ce qu’il a l’air d’être, alors qu’on se met à douter de la nature même de la vérité et de notre capacité à la connaître jamais.


Adaptation du best-seller de Rupert Holmes, WHERE THE TRUTH LIES est un spectacle plein de rebondissements et de coups de théâtre, sorte de mise en abîme des rebondissements et des coups de théâtre propres à l’industrie du spectacle. Au coeur de l’intrigue trône un trio de personnages attirants, ambitieux, mais aussi ambigus : Vince Collins (Firth) et Lanny Morris (Bacon) forment un duo comique, jouant sur leurs contrastes, un must durant les années 50, et qui connaissent un succès phénoménal. Vince campe l’homme élancé, jovial, hétéro, toujours représenté un verre de whisky à la main et une femme dans l’autre. Lanny, lui, incarne son complice dégingandé, un peu fou, prêt à dire et à faire n’importe quoi pour s’amuser. Ensemble, ils tiennent la vedette dans des films qui connaissent tous les succès, alors qu’ils sont demandés partout pour leur spectacle, de Los Angeles à Las Vegas et de Miami à Manhattan. Ils sont même partie prenante du nouveau medium, la télévision, pour laquelle ils sont les présentateurs annuels du Téléthon. Parmi tout ce que leur apporte leur statut de star, Vince et Lanny n’apprécient rien tant que le nombre illimité de femmes qui sont à leurs pieds - jusqu’à ce que l’une de ces femmes soit retrouvée morte et dévêtue dans la baignoire de leur chambre d’hôtel. Aucun des deux hommes n’est accusé de quoi que ce soit, mais le lien qui existait entre eux est irrémédiablement rompu. Les années passent sans qu’ils n’évoquent jamais à nouveau entre eux, ou avec quiconque d’autre, la mort mystérieuse de cette femme. Karen O’Connor (Lohman), journaliste ambitieuse qui vient de décrocher un
contrat pour écrire la «véritable» histoire de la rupture entre Collins et Morris, est au centre de ce trio. Nous sommes au début des années 70, et le prestige et la gloire de l’Age d’Or d’Hollywood se sont envolés. Disparus aussi, le code tacite du silence et de la discrétion qui a de tout temps protégé à la fois les stars et leurs fans de la vérité. À une époque où prospèrent les tabloïds, les fans curieux veulent en savoir plus à propos de leurs idoles, et rien n’est plus sacré que lorsqu’il s’agit de parler des vies privées des célébrités. Karen, l’une des plus brillantes professionnelles de cette toute nouvelle génération de journalistes, se voit confier la mission de transformer une vieille affaire sur deux stars déchues des années 50 en un livre à sensations. Quand elle était petite, Karen était une fervente admiratrice de Collins et Morris : lorsqu’elle les rencontre, son objectivité devient sujette à caution. Elle éprouve peu à peu des sentiments pour eux, ses méthodes sont de plus en plus discutables, et elle finit par entretenir une liaison avec eux. Au bout du compte, pour choquante que soit la découverte que fait Karen sur Vince et Lanny, ce qu’elle découvre sur elle-même s’avère tout aussi déstabilisant.

WHERE THE TRUTH LIES nous offre une visite guidée de l’usine à rêves hollywoodienne, où les illusions naissent aussi vite qu’elles meurent. À certains égards, Atom Egoyan, cinéaste plusieurs fois récompensé pour des films très applaudis comme EXOTICA, DE BEAUX LENDEMAINS et ARARAT, signe d’une certaine manière un tournant dans son oeuvre. Bien qu’il se distingue en apparence de ses autres films, WHERE THE TRUTH LIES fait partie intégrante de son oeuvre - dix longs métrages qui ont tous abordé, d’une manière ou d’une autre, la nature trompeuse de la sexualité, les différences entre l’apparence et la réalité, et la subjectivité de la vérité. Egoyan décrit son nouveau film comme «le récit d’un conflit entre une mythologie publique et une histoire privée», mais cette description pourrait être pertinente pour n’importe lequel de ses films les plus personnels. Bien qu’il soit plus enclin à travailler à partir de ses propres scénarios originaux, les quelques adaptations d’oeuvres littéraires signées par Egoyan - Russel Banks pour le troublant DE BEAUX LENDEMAINS et William Trevor pour le dérangeant VOYAGE DE FELICIA - sont très proches des histoires qu’il a lui-même écrites directement pour le cinéma. Comme WHERE THE TRUTH LIES, ces films ont de multiples facettes et une structure fragmentée, adoptent des perspectives et des points de vue chronologiques divers, révèlent des personnages complexes et moralement ambigus, et de noirs secrets dissimulés derrière une apparence trompeuse et désarmante.

Ce sont les qualités du livre de Holmes, un premier roman, qui ont convaincu Egoyan à l’adapter. Couronné de succès pour son activité de musicien (il est chanteur, compositeur, et producteur), Holmes fit montre d’une polyvalence étonnante comme librettiste et compositeur d’une comédie musicale qui obtint un Tony, Le mystère d’Edwin Drood. Adapté d’un livre méconnu de Charles Dickens, ce succès à Broadway, à l’affiche depuis très longtemps, révéla également son intérêt pour le genre du polar, ce qu’il exploita à nouveau pour WHERE THE TRUTH LIES. En outre, grâce à ce livre, Holmes approfondit sa connaissance du show business. «Les chroniques de Rupert montrent qu’il connaît ce milieu comme sa poche, et, de fait, il brosse un tableau très ressemblant du monde du spectacle des années 50. Ça regorge de détails, et pour qu’une histoire fonctionne, il est essentiel que l’on sente qu’elle est racontée par quelqu’un qui y a vraiment participé. Je pense que l’un des aspects les plus séduisants du roman est qu’on a l’impression d’avoir accès à quelque chose qui, en d’autres occasions, est très confidentiel.»

C’est cet aperçu privilégié de l’industrie du divertissement qui rend WHERE THE TRUTH LIES si captivant d’un point de vue dramatique. Egoyan connaît bien la nature paradoxale du show business, à la fois livré aux regards et évoluant en vase clos, mélange d’une extrême beauté et d’une laideur tout aussi démesurée.
L’ironie de l’histoire, c’est que c’est cette dualité même qui attire le public, qui se rue dans les salles pour voir à l’écran des êtres au physique parfait, avant de dévorer des magazines où ils se repaissent de toutes les horreurs commises par ces personnalités. C’est, en quelques mots, toute la problématique du personnage de Karen O’Connor. Elle passe la moitié du film à vouer un véritable culte à Lanny Morris, un homme pour lequel elle a eu un faible pendant la majeure partie de sa vie, et l’autre moitié du film à essayer de prouver qu’il est un meurtrier. En l’occurrence, Lanny ne correspond ni au personnage mythique, ni au monstre, mais Karen préférerait qu’il fût l’un ou l’autre plutôt que d’accepter qu’il ne soit qu’un homme comme les autres.
«Ce qui me fascine dans l’industrie du divertissement», souligne Egoyan, «c’est qu’elle implique qu’on se construise un personnage, autrement dit, qu’elle tend à représenter quelqu’un d’autre que soi. Et c’est parce que cela est si bien fait que les gens ont envie d’y croire. C’est ce qui est au coeur de cette histoire : Qui sont vraiment ces gens ? Qui sont Lanny et Vince ? Ils ont été des icônes populaires, et ils veulent le demeurer. D’une certaine manière, Karen veut les laver de tout soupçon et éclaircir le mystère qui les entoure car elle les adore. Mais, ce faisant, elle ouvre la boîte de Pandore, et est obligée de les percevoir autrement, et par là-même, de revoir aussi son jugement sur elle-même».
Atom Egoyan aurait pu se contenter de s’appuyer sur la construction savante et élaborée de l’intrigue, mais pour en faire un film, il était attentif à ce que ces personnages soient crédibles d’un point de vue psychologique et affectif. C’est pour cela que Rupert Holmes fut ravi quand il sut qu’Egoyan avait pris une option pour adapter le roman. «J’adore son travail, déclare l’auteur, et j’ai compris qu’il serait un des rares réalisateurs capable de se concentrer à la fois sur les personnages et sur le mystère de cette histoire.» Holmes avait beaucoup aimé les précédents films d’Egoyan, et il était tout à fait ouvert aux
suggestions de changement dont le réalisateur avait besoin pour son adaptation. «Il savait que le livre constituait une oeuvre en soi, et que le film devait être une nouvelle création», dit Egoyan. Le changement le plus notable fut la description des personnages de Lanny et de Vince. Le livre de Holmes était presque un «roman à clefs», Collins et Morris ayant été inspirés d’un véritable duo comique dont la rupture mystérieuse avait pesé lourd sur la mythologie hollywoodienne. Egoyan voulait que son film ne suscite aucune spéculation déplacée, et c’est pourquoi Lanny et Vince sont d’authentiques personnages de fiction, alors que dans le livre ils sont assez fidèles à la réalité. Le cinéaste modifia également la vraie nature de leur acte, par rapport au livre. Un des plus grands changements consista à faire de Vince un Anglais au lieu d’un Américain, ce qui permettait à Egoyan d’utiliser comme base de leur numéro comique les clichés bien connus à propos des différences entre l’Angleterre et les États-Unis. «Il me paraissait crédible de représenter cet Anglais essayant de mater et de contrôler cet Américain impulsif et incontrôlable», se souvient Egoyan. Nous avons assez d’exemples d’acteurs britanniques comme Peter Lawford, David Niven, Rex Harrison, Laurence Harvey ou, avant eux, Noel Coward, qui montrèrent comment les Britanniques eurent une influence sur la culture américaine à l’époque.» Lawford, en particulier, qui fut un des fondateurs historiques du «Rat Pack», et incarne peut-être l’inspiration la plus évidente du personnage de Vince (Colin Firth), représente le «Moi» face au «Ça» de Lanny Morris (Kevin Bacon).

Après avoir mis au point la première version de son scénario, Egoyan l’a fait lire à son fidèle producteur, Robert Lantos, à qui l’on doit, outre les films d’Egoyan, BEING JULIA, SUNSHINE et BLACK ROBE. À propos du scénario, Lantos se
souvient : «Je l’ai adoré, j’ai pensé que c’était l’idéal, une nouvelle étape à franchir pour Atom et pour moi, un film noir, ce qui permettrait de faire connaître son travail à un public plus large, mais un film qui porterait toujours sa marque. J’ai été cloué à mon fauteuil par les retournements du scénario, j’ai été séduit par la sensualité et le suspens qui l’en imprègnent. C’est un film sur les relations humaines et le délitement des amitiés. Cela décrit aussi ce qui arrive quand quelqu’un est amoureux en secret d’une célébrité et finit par découvrir qui elle est vraiment.» Lantos a aussi tâché de trouver ce qui rendrait le film plus commercial et plus accessible que leurs précédentes collaborations. Pour autant, les thèmes du scénario, la quête de la vérité, dissimulée sous l’hypocrisie et les mensonges, comme la volonté de révéler la vérité la plus enfouie, en font immanquablement un film pour Egoyan.
«Ma mission», conclut Lantos, «fut de préserver ce qui est absolument unique et original dans la mise en scène d’Atom, et de la mettre au service d’un film qui serait accessible à un public moins élitiste.»

Pour mener à bien cette mission, Lantos devait prévoir un budget bien plus conséquent et des moyens techniques plus importants que ce qu’Atom Egoyan avait prévu au départ. Tourné pendant dix semaines à Los Angeles en décors réels, et dans des studios à Londres et à Toronto, WHERE THE TRUTH LIES fut monté grâce à des moyens adaptés à son double sujet, le mythique Hollywood et son ère de gloire, mais aussi, par la suite, le Hollywood des années 70. Le scénario nécessitait différents éléments de décor tels qu’un studio de télévision, une boîte de nuit bondée, un casino fastueux tenu par la Mafia, et la suite présidentielle d’un hôtel de luxe, mais exigeait également que les nombreux acteurs soient habillés selon la mode du milieu des années 50, parfaitement coiffés et tirés à quatre épingles. Pour Egoyan et son équipe de tournage, le chef décorateur Philip Barker, le chef opérateur Paul Sarossy, la chef costumière Beth Pasternak, tous collaborateurs de longue date, ce projet était une entreprise très ambitieuse. C’était aussi d’un point de vue cinématographique une fête, qui permit à Egoyan d’avoir le beurre et l’argent du beurre, en réalisant un film dans le style d’Hollywood, à l’échelle des productions hollywoodiennes, mais qui reste, au fond, plus que critique envers l’industrie du spectacle.

Pour préparer cette production et trouver de l’inspiration, Egoyan visionna beaucoup de films d’époque, des classiques mais aussi des films noirs plus modernes. Il s’est également penché sur les films qui utilisent la voix-off - une marque de fabrique du film noir - pour décider comment employer cette technique très particulière. Grâce à ses différents points de vue, ses narrateurs en conflit, et ses témoignages contradictoires, le film utilise la voix-off de façon inhabituelle, à la manière d’un outil cinématographique. Bien qu’il ait trouvé cette recherche très utile, Egoyan souligne cependant qu’«on peut regarder tous ces films, et les trouver passionnants, mais VOTRE film, au bout du compte, doit être quelque chose qui vient de vous.»

Étant donné qu’une grande part du film porte sur les apparences, et sur la différence entre ces apparences et la réalité, la contribution au film de Phillip Barker, qui élabora les décors pour deux périodes distinctes, fut déterminante. Barker s’inspira de nombreuses sources, comme par exemple le travail de l’architecte Morris Lapidus, qui donna naissance à des créations célèbres des années 50 telles que l’Hôtel Fontainebleau ou l’Eden Roc à Miami. C’est aux studios Shepperton de Londres que Barker bâtit de toutes pièces la délirante Suite Présidentielle Versailles, où Vince et Lenny sont logés pendant le Téléthon, celle-là même où leur aventure d’une nuit avec une beauté conciliante mais fourbe vire à la catastrophe. Ce décor extrêmement pompeux, dans des tons de beige immaculé, tranche avec la nature sordide et choquante des événements qui vont s’y dérouler. Pour ce décor, Barker s’est servi du style connu sous le nom de «Mi-Mo», ou Miami Modern, que Lapidus avait inventé. Barker fait remarquer que «Lapidus a commencé dans la décoration pour des magasins et des théâtres, et j’ai pensé que son style serait particulièrement adapté au film. Il avait compris comment faire vivre un Américain moyen comme une star de cinéma. C’est un style qui se concentre sur l’apparence, pas sur la matière. Voilà de quoi parle le film, de toute l’industrie du divertissement et de l’aspect factice qui caractérise Hollywood.» À propos de ces scènes, Barker les définit comme «flamboyantes, sensationnelles, gaies. Ces décors ne jouent pas sur la symétrie ou sur la ligne droite, c’est donc un cadre joyeux, idéal pour accueillir les événements terribles qui vont s’y dérouler.»

En travaillant sur le projet avec son chef opérateur, Paul Sarossy, Egoyan a cherché à retrouver les noirs et blancs brillants du cinéma classique, comme dans GILDA. Les deux hommes étaient particulièrement intéressés par la manière dont «la diffusion des couleurs, tout en contrastes, était utilisée dans le film noir classique, ce qui est vraiment caractéristique du style des polars des années 40», rappelle Sarossy. «Mais ces images avaient aussi un côté très doux, romantique, séduisant. Paradoxalement, nous avons préféré utiliser cette lumière pour les séquences plus contemporaines qui se déroulent dans les années 70. Ces scènes, après tout, sont celles de la recherche du mystère.» Ainsi que Sarossy l’explique, Egoyan et lui-même ont voulu aller à rebours des traditions hollywoodiennes, en renversant les attentes, en «utilisant le vocabulaire visuel des années 70 dans notre décor des années 50, et en recourant aux contrastes les plus noirs pour les scènes des années 70. D’une certaine manière, nous avons inversé le lexique traditionnel des couleurs de ces deux périodes.»

Egoyan débuta la pré-production du film immédiatement après la première de sa production de «La walkyrie», la première partie de «L’Anneau du Nibelung» de Wagner avec la Compagnie de l’Opéra Canadien. «J’avais encore beaucoup de musique dans la tête quand je préparais WHERE THE TRUTH LIES. J’étais très inspiré par l’utilisation brillante que fait Wagner de la répétition des motifs dans la partie orchestrale, et je voulais que le film sonne de manière très symphonique.» Egoyan, et son compositeur de longue date Mychael Danna, ont écouté des enregistrements de Bernard Herrman, lui-même influencé par Wagner de manière évidente, ainsi que les musiques d’Elmer Bernstein pour LE GRAND CHANTAGE et de Duke Ellington pour AUTOPSIE D’UN MEURTRE. La bande originale très riche de WHERE THE TRUTH LIES mélange ainsi ces orchestrations savantes avec des influences des années 70 inspirées de musiciens tels que «Roxy Music», «Santana», «Funkadelic» et «The Mahavishnu Orchestra». Jusqu’à la toute fin du film, WHERE THE TRUTH LIES maintient le suspens pour que le spectateur se demande ce qui s’est vraiment déroulé, à la fois dans le passé et dans le présent, et qui a réellement fait quoi. Dans la plus pure tradition d’Hollywood, on assiste à une scène de dénouement au cours de laquelle toutes les intrigues isolées trouvent une logique, et l’on voit s’opérer le rapprochement entre la fille, «méchante», puis «gentille», et le gars, «gentil» puis «méchant». Pour couronner le tout, Egoyan a tourné cette scène en studio. Plutôt que d’appliquer les conventions hollywoodiennes ou d’observer à la loupe l’amoralité du milieu du spectacle et de le dénoncer, Atom Egoyan expose magistralement le mystère de la vie, et renvoie tout aussi brillamment la vie vers son mystère.