Présenté à
Berlin
Syriana est présenté en Sélection officielle, hors
compétition, au Festival de Berlin en 2006.
Gaghan/Clooney/Soderbergh : "Traffic"
d'influences
Syriana est le second long métrage de Stephen Gaghan après
Abandon en 2002. Si ce premier opus est passé un peu inaperçu
(il est d'ailleurs inédit en France), Gaghan est connu des cinéphiles
pour avoir signé le script de Traffic de Steven Soderbergh, avec
à la clé un Oscar du Meilleur scénario en 2001. Le
réalisateur d'Erin Brockovich et son associé (et acteur
fétiche), George Clooney, ont coproduit Syriana via leur maison
de production Section 8. Ce sont eux qui avaient suggéré
à Gaghan de lire La Chute de la CIA (See no evil) l'ouvrage de
Robert Baer, dont est inspiré le film. Devant la caméra,
Clooney retrouve un de ses coéquipiers d'Ocean's Eleven et Ocean's
Twelve (deux hits de Soderbergh) : Matt Damon. Ajoutons que le chef-opérateur
de Syriana n'est autre que Robert Elswit, collaborateur régulier
de Paul Thomas Anderson, à qui on doit aussi le noir et blanc très
remarqué de Good night, and good luck., le deuxième long
métrage mis en scène par Clooney en 2005. Il a cette fois
tourné l'ensemble du film en caméra portée. Enfin,
on retrouve au générique la costumière Louise Frogley,
qui occupait déjà cette fonction sur Traffic.
Aux sources du projet
Auteur du scénario de Traffic, film choral (comme Syriana) et récit-puzzle
sur la circulation de la drogue entre le Mexique et les Etats-Unis, Stephen
Gaghan a été frappé par certains parallèles
entre le trafic de stupéfiants et les luttes de pouvoir et d'influence
à l'oeuvre dans l'industrie pétrolière. "A cette
époque, une seule et même branche chapeautait au Pentagone
la lutte anti-terroriste et la chasse aux narcotrafiquants. L'idée
m'est venue que la plus grande addiction de notre pays était peut-être
bien... sa dépendance au pétrole étranger à
bas prix ; et que notre puissance tenait pour une bonne part à
la facilité que nous avons à nous en procurer."
Les intentions du cinéaste
"Nous vivons une époque complexe et difficile, et j'ai souhaité
que cette complexité se reflète concrètement dans
Syriana, y compris dans sa narration. Il n'y a ici ni bons ni méchants,
nos personnages ne suivent pas un itinéraire classique, les intrigues
ne débouchent pas sur une morale édifiante, et si les questions
restent ouvertes, c'est avec l'espoir que ce film vous touchera différemment,
et laissera en vous une trace plus durable. Cela m'a semblé le
reflet le plus honnête du monde de l'après 11-septembre dans
lequel nous vivons."
Baer en guerre
Le point de départ de Syriana est un livre-témoignage de
Robert Baer : "See No Evil: The True Story of a Foot Soldier in the
CIA's War on Terror" (2002), paru en France sous le titre "La
Chute de la CIA : les Mémoires d'un guerrier de l'ombre sur les
fronts de l'islamisme". Baer a passé plus de 20 ans à
la Central Intelligence Agency (CIA, l'organisme du Renseignement américain).
En fonction au Moyen-Orient de 1976 à 1997, il raconte dans son
livre son engagement et ses désillusions, en revenant sur les échecs
essuyés par les services secrets américains dans la lutte
contre le terrorisme. L'auteur expose également son point de vue,
très critique, dans CIA, guerres secrètes, un documentaire
de William Karel. C'est Baer qui a inspiré le personnage de Bob
Barnes, qu'interprète George Clooney dans Syriana. Notons que Baer
fait une apparition en forme de clin d'oeil dans le film : il y a incarne
un responsable de la sécurité de la CIA...
Décryptage
A propos du travail effectué à partir de l'ouvrage See no
evil, le réalisateur estime : "Je pense que nous avons préservé
l'essence du livre de Bob Baer, qui m'a aidé à décrypter
les relations complexes des acteurs de la guerre du pétrole et
incité par là même à entrecroiser plusieurs
lignes narratives dans le film." George Clooney souligne de son côté
: "C'est un récit fascinant, mais, plus nous passions de temps
à le décortiquer, et plus nous voyions se profiler d'autres
histoires, toutes dignes d'être racontées. Nous avons dès
lors envisagé Syriana comme une réplique à ces films
du milieu des années 70 qui avaient le cran de présenter
les échecs du gouvernement comme notre échec collectif,
et pas seulement comme celui d'un parti ou d'une faction."
S'informer sur les Renseignements
Robert Baer a accompagné Stephen Gaghan au Moyen-Orient pour lui
présenter différents acteurs-clé de l'industrie pétrolière
et des dirigeants politiques (des agents de renseignements aux marchands
d'armes, en passant par le chef du Hezbollah), qu'il avait côtoyés
en tant qu'agent de la CIA. Dans le cadre d'un travail de préparation
et de documentation qui dura une année, le cinéaste a également
voyagé en Europe (France, Italie, Suisse, Royaume-Uni) afin d'y
rencontrer d'autres précieux informateurs. "J'ai (...) constaté
qu'en posant la même question à cinq personnes, j'obtenais
cinq réponses différentes qui étaient loin d'épusier
le sujet. Partant de là, j'ai cherché à me focaliser
sur le fonctionnement du monde souterrain du renseignement."
Réfléchir et débattre
Evoquant la dimension politique du film, George Clooney précise
: "Nous ne cherchons pas à faire la leçon à
quiconque et ne prétendons pas imposer une vérité.
Un bon film peut initier un débat, en l'occurrence une discussion
sur la dépendance du monde à l'égard du pétrole,
mais aussi sur la corruption, l'efficacité de la CIA... et bien
d'autres thèmes. Nous avons besoin de ce genre de discussion."
De son côté, Stephen Gaghan explique : "Changer de "focale"
pour passer du général au particulier, c'est faire un pas
dans sa tête (...) Ce film projette des gens ordinaires dans des
situations extraordinaires, pour illustrer l'idée que la responsabilité
personnelle n'est pas un vain mot, et que nos choix quotidiens contribuent
à la situation globale (...) C'est en suivant les vies quotidiennes
de ces personnages que nous pénétrons un monde qui peut
sembler abstrait et tentons de dénouer l'écheveau des intérêts
pétroliers, du terrorisme et de l'émergence de la démocratie
au Moyen-Orient -toutes choses qui ont une incidence très réelle
sur notre économie et notre psychisme, et qui pèseront sans
doute encore longtemps sur eux."
Le poids d'un rôle
George Clooney a pris 15 kilos en un mois (grâce à un régime
à base de pâtes...), et s'est laissé pousser une barbe
poivre et sel, pour interpréter Bob Barnes. Mais ce vétéran
de la CIA n'est qu'un des 70 rôles parlants qui traversent le film.
"Syriana est un vrai film choral ; sa star est le scénario",
commente le comédien.
Plein le dos
Le tournage de Syriana a été très éprouvant
pour George Clooney. A la prise de poids s'est en effet ajoutée
une scène de torture particulièrement délicate, qui
nécessita une vingtaine de prises. Attaché à une
chaise, le comédien (qui refusa d'être doublé) devait
renverser un bureau, mais celui-ci a violemment heurté son dos.
Cet accident du travail a causé durant près d'un an d'atroces
maux de tête à George Clooney, qui n'a pu assurer la promotion
de Ocean's Twelve. Il a finalement dû subir une opération
de la colonne vertébrale, les médecins ayant découvert
que les migraines étaient dues au fait que le liquide rachidien
de leur illustre patient ne s'écoulait plus normalement.
Un Golden Globe pour Clooney
George Clooney a décroché en 2006 l'Oscar du Meilleur second
rôle pour Syriana.
3 continents
Le tournage de Syriana a duré cinq mois, mobilisant 200 techniciens
et plus de cent comédiens, sur trois continents. La production
a notamment obtenu le droit de filmer aux abords de la Maison Blanche
et du Capitole. Par ailleurs, des sites répliquant Téhéran
et Beyrouth ont été conçus à Casablanca, car
il était impossible, pour des raisons de sécurité,
de tourner dans les capitales iranienne et libanaise. L'équipe
a ensuite quitté le Maroc pour Genève, avant de partir pour
Dubaï. Syriana est donc la première grande production occidentale
à avoir décroché une autorisation de tournage aux
Emirats Arabes Unis. Les autorités locales ont en effet estimé
que le film aurait des retombées positives, car, révèle
Stephen Gaghan, "elles tentent actuellement une expérience
étonnante : bâtir une économie qui ne dépendrait
pas du pétrole et faire de cette ville un centre technologique."
Témoignage
Comédien originaire de Londres, Mazhar Munir, qui incarne Wasim,
le jeune ouvrier (son premier grand rôle au cinéma), déclare
: "Durant nos quelques jours à Dubaï, j'ai été
témoin des conditions de vie déplorables d'immigrés
comme Wasim et son père. C'était terrifiant. J'ai vu six
ou sept hommes et femmes entassés dans des baraquements de fortune,
qui étaient en fait des conteneurs sans éclairage ni ventilation,
où régnait une chaleur étouffante. En voyant comment
ces gens vivent, j'espère que le public comprendra mieux ce qui
peut pousser certains à commettre des actes horribles, et combien
il est facile de les y amener (...) je pense que c'est la première
fois qu'est ainsi décrit en détail le processus qui conduit
à un acte terroriste. C'est affligeant de voir des enfants recrutés
par des êtres maléfiques qui exploitent la religion à
leur profit."
Le mirage Syriana
Stephen Gaghan donne quelques éclairages à propos d'un titre
de film bien sybillin : "Syriana désigne, dans la langue des
tacticiens de Washington, un très hypothétique remodelage
politique du Moyen-Orient. Dans notre film, le mot revêt un sens
plus abstrait. Syriana désigne le rêve fallacieux de refaire
des Etats nations à notre image ; c'est un mirage. C'est un titre
approprié à un film qui aurait pu se passer à n'importe
quelle époque, dans n'importe quelles circonstances lorsques se
conjugent l'ambition effrénée de l'homme, son orgueil démesuré
et de vieux fantasmes impérialistes."
Accents de vérité
Afin de respecter les différents dialectes parlés dans le
film, et de restituer au meux les accents, une équipe de traducteurs
et de répétiteurs a été engagée. Ils
ont notamment appris l'arabe à George Clooney. Les deux princes
sont interprétés par des comédiens britanniques,
Alexander Siddig et Akbar Kurtha, qui ne parlaient pas un mot d'arabe.
En raison de la nature de leurs rôles, ils se devaient pourtant
de s'exprimer parfaitement dans cette langue étrangère,
et sans accent anglais...
Couper n'est pas jouer
Michelle Monaghan a joué dans Syriana le rôle d'une Miss
Amérique entretenant une liaison avec un magnat arabe du pétrole.
Mais ses scènes ont été coupées au montage.
Greta Scacchi, qui incarnait l'épouse de Barnes, a connu le même
sort, tout comme Gina Gershon.
Desplat, à la portée des américains
La partition de Syriana est signée par un grand compositeur français
Alexandre Desplat, connu notamment pour sa collaboration avec Marion Vernoux
(Love etc.) et Jacques Audiard : il a ainsi été primé
en 2004 à Berlin pour la BO de De battre, mon coeur s'est arrêté.
Toutefois, Syriana n'est pas sa première expérience hollywoodienne,
puisqu'on lui doit entre autres les musiques de Birth avec Nicole Kidman,
de La Jeune fille à la perle avec Scarlett Johansson ou encore
des Bienfaits de la colère avec Kevin Costner. La bande originale
de Syriana a valu au Français une nomination aux Golden Globes
en 2006.
Jocelyn qui vient
Un des collègues de Matt Damon est interprété par
le Français Jocelyn Quivrin. Ce jeune comédien s'est fait
connaître en 2001 en incarnant le rôle-titre dans Rastignac
ou les ambitieux, adaptation de Balzac pour le petit écran. Il
a tourné depuis dans L'Empire des loups, Grande école ou
encore Jacquou Le Croquant.
Salué par l'AFI
Syriana est l'un des longs métrages choisis par l'American Film
Institute pour son top ten de l'année 2005.
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