Réalisateur : Jean-Jacques Annaud
Scénario :
- Andrew Birkin
- Gérard Brach
- Howard Franklin
- Alain Godard
Producteur : Bernd Eichinger
Producteur Executif :
- Jake Eberts
- Thomas Schuhly
Directeur photo : Tonino Delli Colli
Décorateur : Dante Ferretti
Musique : James Horner
Acteurs :
- Sean Connery : Guillaume de Baskerville
- Christian Slater : Adso de Melk
- Valentina Vargas : La fille
- Michael Lonsdale : L'abbé
- William Hickey : Ubertino de Casale
Genre : Aventure
Année : 1986
Durée : 2 h 11
Origine : Français, Italien, Allemand
Distribution : AAA
D'après l'oeuvre de : Umberto Eco
Coproducteur :
- Franco Cristaldi
- Alexandre Mnouchkine
Producteur Associé : Hermann Weigel
Résumé :
An de grâce 1327, la chrétienté est en crise. Les hérésies sont traquées. Le pape lutte à la fois contre l'empereur Louis de Bavière et contre ses ennemis intérieurs. Il s'oppose à tous ceux qui souhaitent réformer l'Eglise.
Guillaume de Baskerville, moine franciscain, ex-inquisiteur et conseiller de l'empereur se rend, en compagnie d'Adso, un jeune bénédictin, qui est aussi le narrateur du roman, dans une abbaye bénédictine du Sud de la France. Ils doivent participer à une importante rencontre entre des franciscains prônant la pauvreté du Christ et les partisans du pape. Cette réunion doit permettre aux deux parties de trouver un accord.
L'abbaye vit des heures troublées. Dès son arrivée, l'abbé Abbon demande à Guillaume de Baskerville d'enquêter sur les causes de la mort violente d'un de ses pensionnaires. En effet pendant la nuit, Adelme d'Otrante, un jeune moine a chuté de l'Edifice, une importante bâtisse dans laquelle se trouvent à la fois le réfectoire et l'immense bibliothèque de l'abbaye.
Pour les besoins de son enquête Guillaume de Baskerville va à la rencontre des moines de l'abbaye. Il fait la connaissance de Salvatore, un moine difforme qui parle une langue étrange, brassage de toutes les autres, Ubertin de Cassales, un "homme bizarre", un être intransigeant qui "aurait pu devenir un des hérétiques qu'il a contribué à faire brûler", Venantius, un helléniste érudit, Jorge,un vieillard aveugle dévoré par un orgueil excessif et qui blâme le rire, Séverin, un curieux herboriste, et enfin Berenger, l'aide du bibliothécaire qui semble avoir eu des relations ambiguës avec la victime. Ces rencontres permettent à Guillaume de Baskerville de découvrir quelques règles et secrets de l'abbaye. Il acquiert assez rapidement la conviction qu'Adelme d'Otrante n'a pas été assassiné, mais qu'il s'est suicidé.
Le second jour, Venantius, l'helléniste est trouvé mort dans une barrique de sang de porc. Guillaume est persuadé que ces deux morts sont liées à la bibliothèque de l'abbaye.
Cette bibliothèque, la plus grande de la chrétienté, est construite comme un lieu secret protégée par un labyrinthe, ayant pour but de la protéger des intrus. Guillaume et Adso manifestent le souhait de la visiter. Mais cette visite leur sera toujours refusée. C'est un lieu interdit, connu du seul Malachie, le bibliothécaire et de Bérenger, son aide. Elle représente le centre mystérieux de l'abbaye. Les moines et les visiteurs n'ont accès qu'au scriptorium, lieu d'étude dans lequel ils peuvent s'adonner à la lecture et à la copie.
Guillaume et Adso découvrent que certains livres "interdits" de la bibliothèque portent, dans le catalogue, la mention " finis africae". Seuls Malachie, le bibliothécaire et Bérenger, son aide semblent connaître le secret de ces mentions.
Guillaume poursuit son enquête et commence à soupçonner Bérenger. Celui-ci est le dernier à avoir vu Adelme en vie et craignait que Venantius ne dévoile les relations qu'il entretenait avec le jeune moine.
Guillaume et Adso décident, malgré les interdictions, de se rendre dans la bibliothèque; ils essaient de retrouver le livre que Venantius étudiait dans le scriptorium, mais celui-ci a disparu. Il ne reste qu'un vieux parchemin écrit en grec et qui comporte des annotations de Venantius. Alors qu'ils étudient ce parchemin, ils s'aperçoivent qu'ils ne sont pas seuls dans ce lieu secret. Le mystérieux visiteur parvient à dérober les lunettes de Guillaume qui devient ainsi incapable de lire. Guillaume et Adso empruntent un labyrinthe, et parviennent, avec de la chance, à sortir de la bibliothèque.
Le troisième jour, Guillaume et Adso parviennent à déchiffrer les annotations de Venantius. Mais le texte reste énigmatique. Guillaume souhaite interroger Bérenger, mais celui-ci a disparu. Il met à profit ce contretemps pour essayer de résoudre l'énigme du labyrinthe. Il y parvient et est bien décidé à y retourner la nuit suivante. Le soir Adso découvre dans les cuisines une jeune fille. Cette ravissante inconnue souhaite obtenir de la nourriture en échange de ses charmes. Elle séduit le jeune Adso.
Durant la nuit, on retrouve dans les bains le corps de Béranger. Guillaume est intrigué par les taches brunes qu'il porte sur ses doigts et sur sa langue. Il semble qu'il ait été empoisonné. Guillaume découvre que c'est Béranger qui était dans la bibliothèque, la veille au soir. Il parvient à retrouver ses lunettes.
Ces morts brutales créent un profond malaise au sein de l'abbaye. Le lendemain arrivent successivement le groupe de franciscains, amené par Michel de Césène, puis les émissaires du pape à la tête desquels se trouve l'inquisiteur Bernard Gui, dont la réputation de cruauté n'est plus à faire. L'abbé "soucieux de la bonne réputation de son monastère" craint pour l'avenir de son abbaye. Guillaume et Adso poursuivent discrètement leur enquête. Ils s'introduisent à nouveau dans le labyrinthe et en affinent le plan. Ils ne parviennent pas à percer le mystère de la pièce, finis africae. En effet, ils ne connaissent pas le code qui leur permettrait d'en franchir le seuil.
Lorsqu'ils sortent de la bibliothèque, ils croisent l'inquisiteur Bernard Gui qui a déjà commencé à imposer sa loi. Il a appréhendé la jeune inconnue qu'avait croisé Adso la veille et Salvatore. Ce quatrième jour est aussi l'occasion du premier regard hostile échangé entre Guillaume et Bernard Gui. Les deux hommes ne s'apprécient guère.
Le cinquième jour, les discussions politiques et religieuses reprennent. Mais elles sont vite stoppées par la découverte d'un nouveau cadavre. Séverin, l'herboriste, est découvert la tête broyée. Bernard Gui procède à l'arrestation de l'intendant Remigio, un ancien franciscain, qu'il soupçonne d'être l'auteur de ces assassinats. Il organise un procès au cours duquel sont jugés Remigio et les deux prisonniers de la veille : Salvatore et la jeune inconnue. Sous la torture, Salvatore passe aux aveux et reconnaît tous les crimes dont Bernard Gui l'accuse. De même Remigio qui souhaite échapper à la torture, avoue être un hérétique et un criminel. La jeune inconnue est, elle, accusée de sorcellerie. Avec ce procès, Bernard Gui et ses hommes marquent des points. Il semble qu'ils aient percé le mystère de ces meurtres, et que de plus l'assassin soit un ancien franciscain.
Mais le lendemain, un nouveau crime est commis. Cette fois, c'est Malachie, le bibliothécaire, la victime. Lui aussi a le bout des doigts couverts de taches brunes. Guillaume décide de poursuivre son enquête. Il est persuadé qu'il existe un lien entre le livre disparu et ces meurtres.
L'abbé ordonne à Guillaume de stopper son enquête. Mais celui-ci souhaite en avoir le cœur net. Durant la nuit, il retourne avec Adso dans la bibliothèque. Ayant trouvé le code secret, ils parviennent à rentrer dans finis africae, la pièce mystérieuse. Ils y découvrent Jorge, le vieillard aveugle, qui les attend. Il les laisse lire le livre tant convoité, et qui a été la cause de tant de morts. Il s'agit d'un exemplaire unique d'un texte d'Aristote sur l'humour et le rire, le livre II de la Poétique. Jorge tente alors de s'enfuir. La bibliothèque prend feu, détruisant ainsi cet unique ouvrage que le vieillard aveugle jugeait blasphématoire, qu'il n'était pourtant pas parvenu à détruire et qui avait entraîné tant de morts...
Notes sur le film :
A l'origine du film, il y a deux hommes que tout destinait à une
rencontre : avant de devenir un universitaire célèbre dans le monde
entier, Umberto Eco a commencé sa carrière en tant qu'assistant à la télévision italienne, expérience qu'il mettra en forme dans le livre La guerre du faux.
Titulaire d'une chaire à Bologne et au Collège de France, il n'en a pas
moins un goût marqué pour la culture populaire, comme en témoigne l'un
des (nombreux) niveaux de lecture de son chef-d'?uvre, qui emprunte sa
trame au "polar": la recherche d'un livre meurtrier, l'une des oeuvres
perdues d'Aristote.
De son côté, Jean-Jacques Annaud a fait ses premières armes avec des spots publicitaires avant de montrer dans La guerre du feu
un rare sens du grand spectacle. L'homme qui a fait grogner des hommes
préhistoriques est aussi un amoureux du langage et un lettré distingué
: il a étudié durant 10 ans le latin, 8 ans le grec (il admire Aristote...) et lit l'ancien français. Il confesse en outre sa fascination pour les photos de monastères depuis des décennies...
Tout commence donc en 1982, quand Annaud
apprend la sortie en Italie d'un mystérieux "best seller" situant son
action dans une bibliothèque-forteresse en 1327 en Italie du nord. Très
intrigué, il obtient de l'éditeur Grasset le manuscrit avant même qu'il
paraisse en France. C'est le coup de foudre dès les premières pages et
Annaud va aussitôt remuer ciel et terre pour acheter les droits à la
Raï et obtenir un rendez-vous avec Umberto Eco. Les deux hommes
sympathisent et Eco donne son accord, à condition que le film se tourne
en anglais, qui est, selon lui, "le latin du XXème siècle".
Annaud créera "sa" version du livre, lequel est si riche qu'on pourrait
en faire une trentaine... Suivent 3 ans de recherches préparatoires, au
cours desquelles le livre, traduit en 21 langues, acquiert la
réputation d'être inadaptable. Les producteurs français, inquiets, se
désistent et les allemands relèvent le gant. Annaud va lire le livre 50
fois et demander 17 versions du scénario pour
défricher la masse romanesque en retenant l'enquête policière, bien
sûr, mais aussi le discours sur le rire, l'aspect socio-politique de la
lutte entre les Franciscains, les Bénédictins et le Vatican... Il va
aussi visiter 300 monastères dans toute l'Europe
avant de se rendre à l'évidence : aucun édifice ne possède la même
architecture que celle du livre de Eco. Il passe à un compromis : les
scènes intérieures seront tournées à Eberbach, une
abbaye cistercienne du XIè siècle dans la vallée du Rhin, tandis que
les plans extérieurs prendront place au nord de Rome, dans le plus
grand décor italien depuis Cléopâtre. Le c?ur de l'intrigue se nouera
dans une tour de 30 mètres de haut, contenant un labyrinthe de 5 étages.
La distribution
Parallèlement au choix des lieux de tournage, Annaud doit se
consacrer à la recherche d'acteurs crédibles : il ne cache pas son
intérêt pour les "trognes", des visages non formatés par le cinéma
Hollywoodien, qui ignorent la chirurgie et portent en eux une longue
histoire. Seul Ron Perlman, acteur fétiche du réalisateur de La guerre du feu, sera grimé pour le rôle du bossu Salvatore.
Annaud veut faire revivre à travers ses acteurs toute l'exaltation
d'une époque, la fameuse "crainte de Dieu". Les spectateurs
conviendront qu'il y a réussi au delà de toute espérance, à la vision
de la scène où Guillaume de Baskerville et son disciple entrent dans
l'abbaye... Les acteurs, Michael Lonsdale en tête, viendront de tous les pays d'Europe. F. Murray Abraham, le Salieri oscarisé de Amadeus
jouera un impressionnant inquisiteur. Annaud va se heurter à un
problème pour le rôle principal. Il souhaite d'abord quelqu'un
d'inconnu mais se rend bientôt compte qu'un bon acteur d'une
cinquantaine d'années ne peut être resté ignoré ! C'est alors que Sean Connery
se manifeste et insiste pour rencontrer le réalisateur. Sa carrière de
James Bond est loin derrière lui et ses derniers films n'ont pas été
des succès... Mais l'écossais est têtu et fini par être reçu par
Annaud, qu'il stupéfie en lisant une scène. Le voici engagé. Umberto
Eco est horrifié : James Bond jouant les Sherlock Holmes, il n'y croit
pas ! La suite le fera changer d'avis... Dans le rôle d'Adso de Melk
débute le jeune Christian Slater, dont Sean Connery sera le maître à l'écran et sur le plateau.
Pour
des raisons de crédibilité, tous les acteurs jouant des moines, Sean
Connery en tête, seront tonsurés. Opposé à cela, l'un d'entre eux
proposera de jouer avec une perruque...et sera remercié par Annaud.
Une équipe de spécialistes
Le livre de Umberto Eco était la somme de 30 ans d'érudition. Aussi
cultivé que passionné, Jean Jacques Annaud souhaite que son adaptation
soit guidée par un constant souci d'authenticité, que les images soient
fidèles au "plaisir du détail" de l'écrivain. Le film se
devait donc d'être plus convainquant que toutes les autres ?uvres du 7è
Art sur le Moyen Age. Dans ce but, il engage le célèbre médiéviste Jacques Le Goff,
afin qu'il supervise une dizaine de spécialistes : l'un sera chargé de
faire tisser des costumes avec les techniques, les pigments et les
coloris de l'époque, un autre apportera ses conseils sur la vie
quotidienne dans un monastère. Annaud souhaite ainsi savoir précisément
ce que l'on mangeait le soir dans une abbaye de Ligurie au XIVè
siècle...
Un autre spécialiste de musique liturgique apprendra à
Sean Connery, Michael Lonsdale et Christian Slater à chanter en ch?ur.
Un soin tout particulier sera apporté à la création par des artisans de
tous les objets usuels, couverts, lutrins, astrolabes et autres
cornues. Après d'importantes recherches historiques,
de nombreux livres et parchemins en peau de mouton seront faits à la
main et reliés par des restaurateurs, des dizaines de pages rédigées et
richement illustrées avec des encres mises au point selon des procédés
anciens. Annaud confie son "plaisir tactile" face à tous ces
très beaux objets et déplore les vols de livres qui ont eu lieu sur le
plateau au cours du tournage. Dédaignant toujours la "langue de bois",
il conte le savoureux "scandale de la Vierge".
Dans
une scène où le jeune disciple de Guillaume de Baskerville est présenté
au doyen des Franciscains, Ubertin de Casale, celui-ci évoque la
séduction d'une statue de la Vierge. Or, à cette époque, l'art gothique
ne montrait pas le corps des femmes. Les décorateurs chargés de créer
la statue montrent donc leur travail à Annaud qui se rend compte, aux
détails un peu trop évocateurs de celle-ci, que la sculpture est
clairement "Renaissance". Invités à la refaire, les artisans
s'indignent et argumentent que personne n'y fera attention... Annaud
raconte que dès la première du film à Marseille, un spectateur lui
avait demandé pourquoi il avait laissé passer une telle erreur !
Afin de vous laisser le plaisir de découvrir vous-même plus en détails les autres révélations sur le film, je conclurais cette présentation sur quelques dernières anecdotes :
Le Vatican, inquiet de la réputation sulfureuse du livre de Eco, ne permit pas que l'on filme les scènes dans les catacombes sur son territoire. Par chance, Rome regorge de tels lieux et c'est sous le restaurant où l'équipe de tournage venait manger que furent mises en boite les séquences avec Sean Connery et Christian Slater...
Alors que Jean Jacques Annaud travaillait sur le décor du fameux labyrinthe, il se rendit compte que Eco n'avait pas donné beaucoup de précisions sur la configuration de celui-ci dans son roman. Contacté, l'écrivain approuva le chiffre d'une centaine de salles, avant de s'apercevoir qu'il avait pensé son décor sur un seul plan, alors que d'évidence il ne pouvait exister que sur plusieurs étages dans la tour ! Eco se procura aussitôt des documents tels que les Escaliers d'Escher et les Prisons de Piranesi pour concevoir avec Annaud le décor en taille réelle tel qu'on le voit dans le film !
Bernardo Gui, interprété par l'inquiétant F. Murray Abraham, était l'inquisiteur le plus célèbre de son temps. Son ?uvre manuscrite a été conservée de nos jours et a inspiré les "techniques d'interrogatoire" nazies...
L'envoyé du Pape entièrement vêtu de blanc est joué par Peter Berling, auteur de séries médiévales populaires, comme le cycle des Enfants du Graal.
Si le Nom de la Rose a été un immense succès dans toute l'Europe, ce fut par contre le plus grand échec de Jean Jacques Annaud aux Etats Unis : loin d'apprécier son souci d'authenticité, les critiques américaines trouvèrent le film "sale"...