Comme dans un rève
Une nuit, le scénariste Gerald DiPego a fait un rêve
étrange, dans lequel il a vu une photo de famille montrant une
mère, un père et leur jeune fils. Lentement, limage
commença à seffacer, pour finir par disparaître.
Gerald DiPego se réveilla en sursaut. Il était 6 h 30.
La mystérieuse image continua de le hanter. Deux heures plus
tard, il réveillait sa femme en lui disant « Je crois que
je tiens une histoire ! ».
Quelque temps plus tard, il achevait le scénario dun thriller
psychologique aussi inhabituel par son sujet que par son approche. Son
agent suggéra que Joe Roth, président de Revolution Studios,
pourrait être intéressé. Vingt-quatre heures plus
tard, Roth lachetait et contactait le réalisateur Joseph
Ruben, qui avait réalisé LES NUITS AVEC MON ENNEMI à
lépoque où Roth dirigeait la 20th Century Fox.
Joseph Ruben raconte : « Jai été saisi par
lémotion de lhistoire. Il y avait là des sentiments
instinctifs, viscéraux, puissants, comme ceux qu'une mère
éprouve pour son enfant. Des sentiments qui vous impliquent immédiatement.
»
Joseph Ruben avait également réalisé des thrillers
LE BON FILS et COUPABLE RESSEMBLANCE - et éprouvait une
forte affinité pour ce genre. Il observe : « Un bon thriller
vous tient comme aucun autre genre de film, et cest particulièrement
vrai de celui-ci. On découvre une femme qui a eu ou na
peut-être pas eu un fils, qui est en train de vivre une rupture
psychotique. En tout cas, elle vit un cauchemar, et on ignore si le
cauchemar est seulement dans son esprit ou sil est bien réel.
Lavantage davoir une actrice comme Julianne Moore pour incarner
un tel personnage est énorme. Elle lui confère une authenticité
immédiate. Tout devient possible
»
Les producteurs Bruce Cohen et Dan Jinks sont eux aussi des fans du
genre. Bruce Cohen confie : « Dan et moi avions envie de faire
un thriller depuis déjà longtemps, mais nous attendions
d'en trouver un qui sorte de lordinaire, quelque chose de jamais
vu, avec des éléments vraiment intrigants. Cest
une définition parfaite de MEMOIRE EFFACEE ! Lire le scénario
était aussi passionnant queffrayant. »
Le producteur exécutif Steve Nicolaides observe : « Joseph
Ruben était le réalisateur idéal pour valoriser
toutes les subtilités du scénario. Il va toujours au-delà
de l'apparence des choses et y conduit ses acteurs. Cest formidable
pour un film comme celui-ci, qui repose principalement sur les personnages.
Joseph a beaucoup dhumour, il nhésite pas à
se moquer de lui-même, il est modeste. Tous ceux qui travaillent
avec lui aiment faire équipe avec lui et ont confiance en son
jugement. Son premier assistant réalisateur a fait six ou sept
films avec lui, cest la même chose pour le décorateur
et plusieurs autres. Cest le genre dhomme pour qui tout
le monde a envie de se donner à 200 % ! »
En plein Cauchemar - Telly : Folie ou vérité
?
Joseph Ruben souligne : « Incarner Telly Paretta nécessitait
un vrai tour de force. Il fallait que lactrice choisie soit capable
de jouer lambivalence : cest une femme qui est peut-être
malade psychiquement, mais pour qui le public devait éprouver
de lempathie. Il fallait quil soit totalement de son côté.
Julianne a quelque chose de vivant et d'attachant. On se sent en phase
avec elle. En outre, elle est mère de deux enfants, et on sent
quelle puise directement dans ce lien unique pour jouer. »
Bruce Cohen ajoute : « On ressent aisément lhorreur
que vit Telly. Cest le pire cauchemar de tout un chacun : se réveiller
un jour et découvrir que tout ce que lon croyait est faux,
et être incapable de savoir si on est fou ou sain desprit
Nous avons tous connu de ces moments où nous sommes certains
que notre interprétation de la vérité est exacte,
et pourtant dautres gens ont une idée totalement différente
de la nôtre sur ce qui sest passé. Imaginez juste
que vous ne puissiez trouver personne qui partage votre point de vue.
Cest un sentiment effroyable, complètement paranoïaque.
»
Julianne Moore explique : « Cest la vitesse à laquelle
jai lu le scénario qui ma convaincue de faire le
film ! Je lai littéralement dévoré, en me
disant tout le temps que cétait un thriller psychologique
exceptionnel, avec lenvergure dun classique et le dynamisme
daujourdhui ! Jaime les films rapides, divertissants,
effrayants et amusants. Celui-ci avait en plus un élément
humain très fort. La question principale portait sur ce que lon
éprouve vraiment pour nos enfants, notre famille, nos proches.
»
Julianne Moore a été également intriguée
par la juxtaposition entre le pragmatisme de Telly et la manière
dont sa vie quotidienne bascule rapidement dans le chaos. « Telly
est une femme qui travaille, une femme qui a de la ressource, comme
beaucoup de mères que je connais qui vivent à Brooklyn
Heights. Javais limpression de la connaître, davoir
des amies comme elle, de lui ressembler. Tout ce quelle fait ma
donc semblé naturel. Elle nest pas plus ingénieuse
et na pas plus de ressource que nimporte qui dautre
à sa place. Elle va faire tout son possible pour prouver que
son fils était réel. Et elle va essayer de trouver de
laide. »
En plein cauchemar - Ash Correll : L'allié
dans la tempête
Si la plupart de ceux qui entourent Telly sen détournent
en pensant quelle souffre dhallucinations, un ancien joueur
de hockey, Ash Correll, agit différemment. Telly le rencontre
par hasard sur un terrain où elle pense que son fils a joué
autrefois, avec la fille dAsh, Lauren. Cest Dominic West
qui incarne Correll.
Bruce Cohen explique : « Que ce soit dans « Design for Living
» à Broadway, dans la série « The Wire »
ou dans LE SOURIRE DE MONA LISA, Dominic West a prouvé son talent
et lampleur de son jeu. Il fallait un acteur de poids face à
Julianne Moore. »
Julianne Moore raconte : « Dès notre lecture ensemble,
jai su que Dominic serait parfait. Il est séduisant, drôle
et vraiment intense dans son jeu. Il a cette capacité enviable
à se montrer très masculin tout en étant vraiment
capable démotions multiples. »
Dominic West confie : « Jouer Ash Correll était pour moi
un changement de registre je joue dhabitude souvent le
petit ami odieux, voire odieux et alcoolique ! Ici, je suis aussi un
adepte de la bouteille, du moins au début, mais je me transforme
en quelque chose qui ressemble à un héros. Cest
nouveau pour moi. Cest un personnage qui a de létoffe,
qui doit lutter pour évoluer, pour surmonter des difficultés
impensables et finir par devenir un type bien. »
Comme Telly, au début du film, Ash est déprimé
et confus. Dominic West explique : « Quelque chose de terrible
lui est arrivé et il ne parvient pas à y trouver un sens.
Ash est en bonne santé, il est intelligent, il est cultivé.
Cest un vrai gâchis, mais un gâchis intéressant,
ce qui nourrit le développement de ses relations avec Telly.
»
Il poursuit : « Tout au long de lhistoire, la pression augmente
sur Telly et Ash de la part de tous ceux qui les entourent. Ils sont
dans une situation cauchemardesque où personne ne se souvient
de ce dont eux se rappellent. Ils vivent dans un univers que personne
ne reconnaît et que personne ne comprend, ce qui est, je pense,
une forme de folie. »
De sa collaboration avec le réalisateur, Dominic West dit : «
Joseph vous encourage à réfléchir. Il a le don
de laisser tomber des petites phrases qui vous placent instantanément
dans la scène, et puis il vous laisse faire. Et il vous encourage
à fond.
« Quant à Julianne, elle est incroyablement bonne. Elle
est capable de bavarder de choses et dautres juste avant une prise,
et dès quon entend « Action ! », elle fond
en larmes ou explose de colère. Elle accède instantanément
à ses émotions. »
Le Dr Munce, le psychiatre qui soigne Telly, est interprété
par Gary Sinise. Lacteur explique : « Munce ne ressemble
à aucun des personnages que jai pu interpréter.
Je joue dhabitude des personnages plus viscéraux, agressifs.
Lui est un type très réfléchi, tout en introspection.
Cest un changement de rythme intéressant. Et puis, cétait
une chance de travailler avec Julianne Moore !
« Lintrigue non linéaire était aussi un plus
à mes yeux. Le côté imprévisible de lhistoire
est lune des choses qui mont convaincu de faire le film.
Un bon thriller psychologique peut être vraiment prenant quand
vous ne savez qui croire et ignorez complètement ce qui va se
passer jusquaux toutes dernières minutes. »
Alfre Woodard joue Ann Pope, une femme policier qui travaille sur laffaire
Telly. Avant le début du tournage, lactrice a passé
du temps auprès dune femme policier au NYPD. Elle raconte
: « Cette femme policier ma dit que dans les cas où
une femme est impliquée, elle commence toujours par regarder
les hommes qui lentourent. Souvent, il est inutile daller
plus loin. Elle dit aussi quelle a tendance à croire les
femmes, surtout lorsque celles-ci parlent avec leur cur. Cest
ce que fait Telly, quoi quil se passe autour delle. Ann
Pope est une femme qui a tendance à ne croire quaux faits,
et elle est ouverte à ce que lui dit le Dr Munce, mais il y a
quelque chose chez Telly quand elle pleure et lui ouvre son cur
qui la touche. Elle ne croit pas à ce que disent tous les hommes
qui lentourent. Quand une femme pleure pour son enfant, cest
difficile de lignorer. »
Anthony Edwards interprète Jim, le mari de Telly, qui sest
éloigné delle. Il note : « Lhistoire
était complexe, elle navait rien dévident,
cest ce qui ma donné envie de faire le film. En lisant
le scénario, jétais constamment surpris. Quand on
éprouve un tel plaisir à lire un script, on pense que
le plaisir sera encore plus grand sous forme de film !
« Le rôle de Jim est délicat, parce quil est
en opposition directe avec Telly mais quil doit être crédible
et sympathique en même temps. Il sefforce de faire tout
ce quil peut pour laider parce quelle traverse une
crise grave. Il pense quelle devient folle. Il a peur, vraiment
peur parce quune personne quil connaît parfaitement
est en train de changer du tout au tout sous ses yeux. Cest terrifiant
pour lui. Si cela vous arrivait, vous passeriez probablement par toutes
les émotions possibles, colère, frustration, compassion,
désespoir. »
Lacteur britannique Linus Roache a le rôle le plus énigmatique
du film. Son personnage est simplement connu sous le nom de «
lhomme amical ». Il explique : « Cest ainsi
que le scénariste la baptisé, parce quil semble
amical. La meilleure façon de décrire mon personnage est
de dire que comme le film, il a plusieurs dimensions. On croit être
dans un certain genre de film et on découvre quon est en
fait dans un autre, et cest ce qui le rend si intrigant. Je ne
peux en dire plus, toute information supplémentaire risquerait
den dévoiler trop ! »
Linus Roache précise : « Développer les différents
niveaux de ce personnage a nécessité une profonde collaboration
avec Joseph Ruben. Il fallait que je lui fasse confiance, que jaccepte
sa façon de travailler. Cela ne voulait pas dire que nous nous
asseyions pour parler pendant des heures ; nous travaillons tous les
deux sur lintuition, linstinct. Joseph me disait «
Ton personnage, cest qui ? ». Il savait exactement comment
le personnage fonctionnait dans lhistoire, mais au lieu de lexpliquer,
de le rabâcher, nous nous lancions ensemble pour le faire naître.
Cétait un processus biologique, instinctif, libérateur,
et très agréable ! »
Le tournage
La ville de New York apparaît comme un véritable
personnage du film. Le tournage a commencé à lautomne
à Brooklyn, dans le quartier surnommé « Dumbo »
(Down Under the Manhattan Bridge Overpass), situé entre les ponts
de Manhattan et de Brooklyn. Cest là quont été
filmés les extérieurs de lappartement dAsh
Correll et plusieurs scènes de poursuite à pied et en
voiture lorsque Ash et Telly fuient la police. Le reste du film a été
tourné dans dautres quartiers de Brooklyn et de Manhattan,
dans le Bronx et le Queens. Parmi les autres lieux de tournage à
Brooklyn figurent des maisons à Brooklyn Heights et la limite
ouest de Prospect Park.
Plusieurs jours de tournage se sont déroulés dans le quartier
de Wall Street à Manhattan, à la Chase Manhattan Plaza,
avec sa sculpture « Groupe de quatre arbres » de Jean Dubuffet.
La scène où Telly se trouve à la bibliothèque
de Brooklyn a été en fait tournée à la General
Society Library sur la 44e rue à Manhattan, la deuxième
plus ancienne bibliothèque de New York, et lune des trois
bibliothèques privées qui restent à Manhattan.
Bâtie dans les années 1890, elle fait partie de la General
Society of Mechanics and Tradesmen de la ville de New York.
Plusieurs scènes ont aussi été tournées
à lextérieur de New York, notamment au Harriman
State Park à Rockland County et à laéroport
de Westchester à White Plains, ainsi quà Long Island,
dans une maison sur la plage à Hampton Bays et dans les dunes
du Caumsett State Historic Park à Huntington.
Les intérieurs ont été tournés à
lancien Military Ocean Terminal de Bayonne, dans le New Jersey.
Plusieurs décors y ont été construits, dont lintérieur
de lappartement dAsh, un cottage, la maison du Dr Munce,
une chambre de motel, le commissariat, un bureau de compagnie aérienne,
létage de la maison de Telly et un ancien hangar en ruines
où se déroule lune des scènes les plus intenses
du film.
Dan Jinks souligne : « Manhattan est une sorte de présence
inquiétante qui regarde par-dessus lépaule de Brooklyn,
et agit comme un véritable personnage du film. Nous avons en
outre tourné en automne et en hiver, quand la lumière
est faible, blafarde, et angoissante, particulièrement à
Brooklyn. »
Bruce Cohen ajoute : « En tournant à New York même,
nous avons pu saisir latmosphère particulière que
seule cette ville possède. »
Tourner à New York signifiait aussi affronter une météo
imprévisible et capricieuse. Steve Nicolaides raconte : «
Le réalisateur et le patron du studio voulaient que le film ait
un style visuel froid, hivernal. Nous avons commencé à
tourner fin octobre, une époque très instable sur le plan
météo parce quon passe de lautomne à
lhiver. Lhistoire, elle, se déroule sur seulement
deux semaines. Il faut donc faire attention à ce que ce quon
tourne en octobre soit toujours valable quand on tourne en janvier.
»
Joseph Ruben souligne : « Le quartier de « Dumbo »
convenait idéalement au style et à lambiance de
MEMOIRE EFFACEE. Nous voulions des lieux ayant quelque chose de légèrement
décalé. Certains endroits de ce quartier sont carrément
désolés. Les formes des ponts et des routes surélevées
ont quelque chose dun rêve, et même dun cauchemar
parfois. La rue où vit Telly semble idyllique, mais il y a cette
route juste derrière
Dès le départ, il y
a une tension entre ces deux lieux. »
Le style Visuel
Joseph Ruben a établi dès le départ un ensemble
de règles visuelles pour le style du film. Il explique : «
Nous voulions une atmosphère générale glaciale
mais très belle, avec une lumière chaude seulement dans
les chambres des enfants. Nous avons utilisé de longues focales
pour donner un sentiment de paranoïa, limpression dêtre
observé, et des optiques grand angle pour donner une vision légèrement
distordue de ce monde. Pour la couleur, nous avons pratiquement tout
supprimé, sauf dans les scènes impliquant les enfants.
Il ny a pas de rouge dans le film, sauf le roux des cheveux de
Julianne. »
Le directeur de la photo, Anastas Michos, ajoute : « Le style
visuel est principalement réaliste. Même si nous voulions
que le film conserve en permanence une perspective, la sensation dêtre
épié, nous ne nous sommes jamais écartés
dun sentiment de réalité tangible. Jai utilisé
une pellicule qui me permettait pas mal de liberté. Dès
le départ, jai voulu utiliser un intermédiaire digital.
Pour les objectifs, nous avons employé un package standard Panavision
Primo, en restant surtout dans les focales longues de la gamme. Jai
utilisé un objectif 75 mm pour les plans les plus larges mais
nous pouvions aller jusqu'au 300 mm pour des plans plus serrés.
»
Le chef décorateur Bill Groom fait équipe avec Joseph
Ruben depuis dix ans et a vécu à New York pendant vingt
ans. Il était heureux dy tourner et confie : « Lorsque
jai lu le scénario, jy ai tout de suite senti Brooklyn.
Ce film se partage en deux styles, dun côté les souvenirs,
et de lautre le présent. Jai toujours eu le sentiment
quen raison du stress émotionnel de Telly, ses souvenirs
lui semblent plus vrais, plus vivants que le présent. Ses souvenirs
sont en un sens plus concrets, plus réels pour elle. Le passé
est donc en terme de décors et de photo plus coloré et
vivant que les scènes du présent, qui sont dans des couleurs
plus sombres. Pas totalement monochromatiques, mais très atténuées.
« Le Brooklyn que nous montrons à lécran est
le vrai, celui où vivent les gens, avec sa superbe architecture
qui fait son charme. A Brooklyn Heights, il y a quantité de maison
datant davant la Guerre civile. Il y a là-bas tout un monde
que la plupart des gens, y compris les New-Yorkais, ne connaissent pas.
Ce quartier est un peu en retrait de la ville, mais suffisamment près
pour se rendre à Manhattan à pied en traversant le Brooklyn
Bridge. Cest un endroit vraiment particulier et très intéressant,
qui répondait parfaitement aux thèmes du film. »