Boudu
Réalisateur : Gérard Jugnot

Genre : Comdie

Date : 09 Mars 2005

Durée : 1 h 44

Origine : Français

Distribution : Pathé Distribution

Remake de : Boudu sauvé des eaux

D'après l'oeuvre de : René Fauchois

Résumé | Note production | Acteurs | Scénario | Producteur | Site Officiel | Récompenses | Lieux | Budget

Acteurs :

Gérard Depardieu : Boudu
Catherine Frot : Yseult Lespinglet
Gérard Jugnot : Christian Lespinglet
Constance Dollé : Coralie Fischer
Bonnafet Tarbouriech : Perez
Hubert Saint-Macary : Bob
Jean-Paul Rouve : Hubert
Serge Riaboukine : Géronimo
Dominique Ratonnat : Le médecin
Frédéric Restagno : Les pompiers
Marc Pistolesi : Les pompiers
Luc Palun : Le marchand de primeurs
Christiane Conil : La cliente du marché
Gérard Dubouche : Le poissonnier
Philippe du Janerand : L'amateur d'art
Pierre Haudebourg

Directeur Photo : Gérard Simon

Chef décoration : Jean-Louis Povéda

Costumes : Martine Rapin

Montage : Catherine Kelber

Casting : Françoise Menidrey

Script : Françoise Thouvenot

Maquillage :

Cédric Chami : styliste coiffure
Turid Follvick : artiste maquillage

Son :

Claude Villand : mixeur
Fabien Kharat : perchman
Pascal Chauvin : montage effets sonores
Franck Tassel : assistant
Michel Kharat
Jean Gargonne : monteur son

Dialoguiste : Philippe Lopes-Curval

Scénario : Philippe Lopes-Curval

Producteur :

Véronique Marchat

Jean-Pierre Guérin

Gérard Jugnot

Production :
GMT Productions
Novo Arturo Films
DD Productions
TF1 Films Production
Canal + (France)

Assistant réalisation :

Hervé Ruet : premier assistant
Daniel Dittmann : second assistant
Marie Fischer : 3ème assistant

Lieux de tournage :

Budget :

Site officiel : France : http://www.boudu-lefilm.fr/

Récompenses :

Fiche du film complète (image, résumé, note de la production, avis) au format PDF à disposition sur demande par mail, voir page d'acceuil.

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 Résumé :

Aix-en-Provence, une nuit de printemps. Christian Lespinglet, galeriste surendetté, sauve des eaux d’un canal un SDF qui tentait de se noyer, Boudu. Héroïque à son corps défendant, il va le ramener chez lui, pour quelques heures seulement…
L’arrivée incongrue de Boudu va agir comme un chien fou dans le jeu de quilles qu’est la vie de Christian. Coincé entre sa femme Yseult, dépressive surmédicamentée, et une galerie de peinture au bord de la faillite, Christian est un « bobo » au bord de l’asphyxie.
Il court après son charme perdu en tentant désespérément de séduire son assistante, Coralie, il court après la réussite en tentant de faire peindre Hubert, peintre local en mal d’inspiration. L’ouragan Boudu, installé dans la maison pour un provisoire qui dure, va balayer le château de cartes branlant du couple. Bousculant les incertitudes de Christian et Yseult, mais aussi celles de Coralie et Hubert, insupportable, grossier, naïf, égoïste, sans gêne, poète à ses heures, il sème la discorde mais va, aussi, les révéler à eux-mêmes. Boudu guérit le mal de vivre, le mal de peindre et même le mal d’enfant : Boudu sauvé des eaux.

 Note de la production :

Philippe Lopes Curval, Scénariste de Boudu

Entretien avec Gérard Jugnot, acteur et réalisateur de Boudu

Philippe Lopes Curval, Scénariste de Boudu :

BOUDU vit comme il l'entend. Il a depuis longtemps brisé les chaînes des convenances, des fausses apparences, des codes de bonne conduite. BOUDU emmerde la terre entière et la terre le lui rend bien. BOUDU dit ce qu'il pense, au risque de choquer et de déplaire. Sa connaissance de la nature humaine et son flair hors du commun lui permettent de déceler immédiatement les travers de ceux qui sont en face de lui. En l'occurrence, ici, l'égocentrisme maladif et viscéral d'un couple de bourgeois bohème au bord de l'asphyxie. L'arrivée de BOUDU chez ce couple, c'est le grand coup de vent du large. La tempête, l'ouragan. Le couple vole en éclats. Le navire prend l'eau de toutes parts. Mais BOUDU prend garde qu'il ne sombre. En bon parasite, il a aussi besoin du bateau et de son équipage...
BOUDU appartient à une espèce d'homme en voie de disparition. C'est une rareté. Sa part d'enfance est toujours intacte. Il peut sincèrement s'émerveiller devant une pâquerette. On le dit fou. Il est simplement différent. Doit-on l'enfermer pour autant ? La tentation est forte pour le personnage formidablement incarné par Gérard Jugnot de le faire... Pas du tout parce que BOUDU est fou, mais parce qu'il en a peur. Le personnage joué par Catherine Frot va au contraire vers lui. Du coup, BOUDU devient une sorte d'enjeu à travers lequel le couple s'affronte et se révèle. BOUDU est un révélateur malgré lui. Il nous ramène à des questions essentielles. Comme par exemple la tolérance, la liberté d'aimer comme on le souhaite... Le paradoxe de l'histoire c'est que, au fur et à mesure que ce couple se recompose, BOUDU se décompose. Lui la grande gueule, lui l'homme libre devient petit à petit tout ce qu'il déteste. Il sent des chaînes s'enrouler autour de lui... BOUDU explose à nouveau... Quitte à faire mal... BOUDU n'est pas fait pour vivre entre quatre murs... BOUDU est un homme libre, à la pensée libre, une sorte d'enfant sauvage au charme extraordinaire et à la sensibilité à fleur de peau... On ne peut pas ne pas l'aimer... Et pourtant qu'est-ce qu'il est chiant !!! Et c'est rien de le dire... Si un jour vous le rencontrez, ne l'évitez pas...


Entretien avec Gérard Jugnot, acteur et réalisateur de Boudu

Comment est né votre désir de tourner Boudu ?
L’idée m’a été soufflée par Jean–Pierre Guérin qui a produit le film avec moi. Au départ, il voulait que j’interprète Boudu. Je lui ai dit : « Non, ce n’est pas un rôle pour moi. Je suis trop bien élevé… ». C’était juste après avoir joué dans Volpone de Frédéric Auburtin avec Gérard Depardieu pour la télévision. Le tournage s’était très bien passé et j’avais été vraiment impressionné par la puissance du jeu de Gérard. J’ai dit à Jean-Pierre Guérin : « Il n’y a que Depardieu pour jouer Boudu », et on en était resté là. Peu après, je me suis lancé dans l’écriture d’Asterix 3 que Claude Berri m’avait confiée mais le projet a capoté.
C’est alors que mon vieux complice Philippe Lopes Curval, à qui Jean-Pierre Guérin avait demandé une première adaptation de Boudu, me fait lire son travail. Je le trouve très intéressant. Je retourne donc voir Jean-Pierre et lui propose de retravailler le scénario et de faire Boudu avec Gérard Depardieu.

Comment situez-vous votre version par rapport à la pièce originale de René Fauchois, et au film de Jean Renoir avec Michel Simon ?
J’ai délibérément choisi de ne pas en tenir compte. Je n’ai pas lu la pièce pas plus que je n’ai revu le film de Renoir que j’ai découvert quand j’étais jeune, il y a plus de trente ans. Je n’ai pas cherché à faire un remake mais plutôt une version nouvelle. On n’a gardé de Boudu que le thème : cette espèce de personnage à la fois anarchiste et poétique qui débarque dans un univers bourgeois. En fait, on a travaillé à partir de l’adaptation de Philippe pour la transformer et l’inscrire dans mon univers. Pour les films que je réalise j’ai besoin d’être à la base de l’idée, de l’envie. Celui-ci serait plutôt comme un enfant adopté et comme souvent en matière d’adoption (grâce à la complicité de Philippe Lopes) la ressemblance avec le père et les autres enfants est
flagrante. En voyant le film terminé, je trouve qu’il a la petite musique que j’aime donner à mes films.


C’est-à-dire ?
L’histoire et le scénario original étaient très durs, très noirs. Je me suis efforcé d’y ajouter un peu d’humanité pour arrondir tout ça. Comme dit Boudu dans le film, « Y’a de l’humain en toi, ma puce », et cette réplique n’est pas pour me déplaire. Sur le papier, c’est une histoire effroyable : ces « bobos » en mal de réussite, en mal d’enfant, en mal d’amour voient débarquer chez eux une sorte d’ange démoniaque et exterminateur… Le thème s’apparente beaucoup à celui de Théorème de Pasolini ; Boudu en étant en quelque sorte la version heureuse et soft. Ce qui me séduisait, c’était ce personnage incontrôlable qui incarne tous les fantasmes, une sorte de Jiminy Cricket égoïste, anarchiste et destructeur qui, sans le vouloir ni même le savoir, bouleverse tout sur son passage et finalement dénoue les crises. Et puis pour moi, qui avais envie depuis longtemps de faire un film avec Gérard, l’occasion était trop belle.

Vous ne vous étiez jamais rencontrés devant la caméra avant Volpone ?
J’avais fait juste une journée de tournage sur Les Valseuses... A un moment, j’avais pensé lui confier le rôle du toubib dans Une époque formidable, mais au fond je crois que j’en avais un peu peur. Le tournage de Volpone nous a rapprochés et m’a rassuré. Gérard n’est pas seulement un acteur immense, c’est vraiment quelqu’un hors norme : il donne beaucoup mais vous demande aussi beaucoup. Il pompe littéralement l’oxygène : il doit être responsable à lui seul des excès de CO2 dans l’atmosphère…
Il est toujours impatient sur un plateau car au fond, il n’est jamais aussi heureux qu’entre « moteur » et « coupez ». Et d’ailleurs, très souvent après « coupez » il y avait des sourires et des fous rires. Je crois qu’il était heureux sur ce tournage, mis à part évidemment ses cascades motocyclistes qui nous ont fait très peur…

Deux semaines après le début du tournage, Gérard Depardieu a en effet été victime d’un accident de moto dont il est sorti avec une double fracture ouverte à la jambe. Comment avez-vous réagi en apprenant la nouvelle ?
J’étais dans la loge de maquillage quand on m’a annoncé son accident. Cela a été un choc bien sûr mais étrangement, je suis resté plutôt serein. Je crois que c’est beaucoup grâce à l’équipe magnifique qui m’entoure. On n’a jamais envisagé de renoncer. On s’est adapté avec calme. Mon assistant Hervé Ruet a passé trois nuits blanches à refaire entièrement le plan de travail ; il l’a transformé en une sorte de Jacques-a-dit : Depardieu couché, Depardieu assis, Depardieu debout ne bougeant pas, etc… Et Gérard, qui possède une volonté vraiment exceptionnelle et ne supporte pas d’être diminué, est revenu au bout de quinze jours en disant « Tout va bien, même pas mort ». Il s’est efforcé de ne jamais nous rendre pesant son accident alors qu’il était évident qu’il souffrait encore. Mais de toute façon, je n’ai jamais imaginé le film sans lui.

Quand Boudu s’en va à la fin du film, il dit : « Je ne suis que du vent, un vent de folie… ». On peut y voir une belle définition de Gérard Depardieu…
Il y a beaucoup de choses qui correspondent à Gérard dans ce personnage et c’est ce que je trouve formidable. Il ne ferme pas la porte des toilettes, il se montre à poil, il est exhibitionniste, il lui arrive de péter… et en même temps, il est d’un charme, d’une distinction totale. Dans les scènes finales du film, il est d’une grande beauté. Gérard a donné à Boudu une dimension magnifique. Ce n’est pas un personnage d’enfoiré comme l’était, dans mon souvenir lointain, Michel Simon qui jouait un personnage très dur, très anarchiste, méchant, voire agressif. Gérard, c’est un vent de folie qui fait du bien. Un coup de sirocco.

Et Catherine Frot ?
Elle est l’une des plus grandes actrices de comédie qu’on ait en France. Catherine a un sens inné et magnifique de la comédie. Elle est belle, c’est une bosseuse et elle a cette maîtrise et ce sens du rythme qui lui permettent d’évoluer sur un registre très subtil. Elle est parfaite dans le rôle de cette femme quelque peu malade des nerfs, ex-alcoolique mondaine qui s’accroche dans les mots et n’est jamais sûre de ses repères. Les excès licencieux du personnage la paniquaient. A un moment, elle a envisagé d’y renoncer. Je ne regrette pas mon insistance car comme Gérard, elle a un jeu d’une grande rareté. Et puis avec elle, on a eu quelques belles « sorties de routes » dans le jeu avec fous rires à la clé…

Si l’on retrouve des acteurs avec qui vous avez déjà travaillé, comme Jean-Paul Rouve ou Hubert Saint-Macary, on découvre aussi Constance Dollé.
J’ai choisi Constance à la suite d’une audition où elle m’avait emballé (merci Françoise Ménidrey au casting). Elle a cette fraîcheur et cette vitalité qui collent bien à ce personnage d’ingénue qui sait garder les pieds sur terre… Elle a su échapper au cliché de l’oie blanche. Elle a une grande intelligence du jeu. Et surtout elle est très solide – il le fallait pour tenir le coup face à l’ogre Depardieu. Jean-Paul, j’avais été très heureux de faire Monsieur Batignole avec lui et j’étais content de le retrouver. Il a accepté de venir faire un clin d’oeil avec ce personnage d’artiste insupportable. Il joue les personnages de « con fini » avec une délectation formidable… Hubert Saint-Macary aussi a cette faculté. D’une façon générale, quand je peux, j’aime bien retravailler avec les mêmes personnes, acteurs ou techniciens. Cela génère un esprit de troupe pendant le tournage qui me convient bien.

Et votre personnage à vous, comment le définiriez-vous ?
Ce n’est sans doute pas le personnage le plus excentrique de ma carrière. J’avais même un peu peur qu’il ne ressorte pas face aux caractères fulgurants qui l’entourent. Je dis toujours qu’il ne faut pas faire le mariolle avec les personnages et éviter de jouer autre chose que ce qui est écrit. Christian, tout en subissant ce qui lui arrive, parvient quand même à diriger sa vie. C’est le clown blanc que l’on va suivre, auquel le spectateur va s’identifier. C’est à travers son regard qu’il va découvrir cette histoire.

Comment gérez-vous cette difficulté qui consiste à être à la fois devant et derrière la caméra ?
Ce n’est pas vraiment un problème. Au contraire, j’aime ça. A condition justement que mon rôle soit dans le prolongement de mon travail de réalisateur. Par exemple, si je peux imaginer jouer Boudu dans le film d’un autre, dans le mien, cela aurait été impossible. C’est un personnage inconséquent, excentré et excentrique qui est « incompatible » avec l’état d’esprit que requiert la mise en scène. En revanche, avec le rôle de Christian, pivot de cette histoire, qui se prend toutes les angoisses dans la figure en cherchant une issue, je peux me nourrir de mes fatigues de réalisateur.

Il n’y a jamais de tiraillements intérieurs entre l’acteur et le réalisateur ?
Il m’arrive parfois d’être furieux contre l’acteur quand il ne sait pas bien son texte ou qu’il se crotte mais globalement, ça se passe bien. Cette double fonction m’amuse même beaucoup. Et puis je ne me vois pas renoncer au plaisir de jouer avec Gérard, Catherine, Constance et les autres… Cela dit, je suis également très heureux dans les films des autres avec une simple casquette d’acteur. Ce sont deux plaisirs différents.

Précisément, comment situez-vous les films que vous réalisez par rapport à ceux où vous jouez seulement ?
Ils me sont forcément plus personnels, parce que je les écris aussi. Même si Philippe apporte beaucoup, il est le porte-parole de ce que j’ai envie d’exprimer. J’aime la notion de film d’auteur grand public. En ce qui me concerne, j’espère qu’il y a dans mon cinéma une petite musique reconnaissable qui se joue de film en film. Une musique où la compassion, l’humain, la tendresse se mélangent constamment avec l’humour et le burlesque.

Quels problèmes spécifiques de mise en scène avez-vous rencontré sur Boudu ?
C’est un film qui parle beaucoup et je voulais éviter l’impression de théâtre filmé. Dès le départ, j’ai donc eu le souci « d’ouvrir » le film au maximum. C’est pourquoi j’ai voulu tourner en Provence, pour y retrouver la lumière de Cézanne que mon personnage vénère. Mon fidèle décorateur Jean-Louis Poveda a découvert dans le village de Géménos, près d’Aix, un château sur lequel on s’est appuyé pour construire tous les décors du film : la petite place avec sa fontaine, ses pavés et ses façades ; et puis les intérieurs : la galerie, l’appartement avec sa terrasse intérieure, la chambre de bonne et même le salon du psy. Pour moi, faire construire tous ces décors dans un même lieu - comme c’était déjà le cas sur Monsieur Batignole - est un vrai choix de mise en scène dans la mesure où il donne une cohérence et une atmosphère qui se sentent à l’écran. Sans compter que cela favorise cet esprit de troupe que j’apprécie. J’ai d’ailleurs tourné très près des « studios » de Pagnol.
C’est vrai que je suis entouré aujourd’hui d’une formidable équipe que j’adore. C’est la « dream team ». A la limite, je pourrais ne pas être là… C’était aussi très important pour moi de faire ce film en scope, pour donner du champ, ouvrir des perspectives. On a tourné beaucoup de scènes en extérieur. Je voulais qu’on voie la Provence, qu’on la sente, qu’on l’entende… Je disais souvent en plaisantant à mon opérateur Gérard Simon : « Fais moi du Cézanne ! » Et je crois qu’il l’a fait… Il y a très peu de
filmage à la main, tout est assez fluide. Je voulais une mise en scène discrète et je suis très content parce que cela bouge beaucoup - il y a peu de plans fixes - mais cela ne se voit pas. Je reste partisan de ce principe : un travelling qui se voit est un
travelling raté.
Il fallait une normalité dans le filmage à l’instar de mon personnage qui téléphone calmement la tête en bas après son accident spectaculaire. Oui je crois que tout le film est là : on marche sur la tête mais tout paraît normal, simple. Une logique du rêve ou du cauchemar…
Pareillement pour la musique, je voulais une cohérence avec ces personnages de « bobos » abonnés aux grands festivals lyriques. Je voulais qu’on entende ce qu’ils écoutent : de très belles choses, comme cette pavane de Fauré. Que ce soit en peinture ou en musique, l’impressionnisme est de loin ce qui me séduit le plus. Je trouve qu’on y ressent une sérénité magnifique. On sent qu’Hiroshima n’avait pas eu lieu, c’était une époque où l’on pouvait encore croire à la douceur de vivre. Dans « impression », il y a « émotion ». J’avoue que j’ai du mal avec l’art qui me laisse froid.

Boudu est votre neuvième film. Comment définiriez-vous votre évolution depuis vos débuts de cinéaste ?
C’est difficile et dangereux de parler de son travail. Néanmoins, je pense que ce film est à la fois plus irrévérencieux, plus amoral et beaucoup moins classique que ne l’était Pinot simple flic. Boudu possède une grande folie et ce qui me plait, c’est qu’il s’agit d’une folie douce. L’humanité est là pour arrondir les angles. A un moment, j’ai eu un peu peur que le film manque d’émotion, or c’est quelque chose d’essentiel pour moi, et plus encore avec l’âge. C’est ce qui faisait la grandeur de la comédie italienne : on rit et en même temps, on est touché par l’humanité qui s’en dégage. Je rabâche dans mes interviews que le rire est là pour alléger le drame et que le drame permet aussi de donner du poids au rire. Je craignais donc que cet équilibre là ne
m’échappe. En voyant le film terminé, il me semble que ce n’est pas le cas. Plus l’histoire avance, plus le rire se colore d’émotion.

Si vous deviez définir en quelques mots ce que vous avez voulu transmettre au spectateur à travers ce film ?
Il m’est très difficile de répondre à cette question. C’est aussi ce qui fait le mystère de notre travail : on écrit des choses qui nous tiennent à coeur et qui nous font rire sans vraiment savoir ce qu’on veut raconter précisément. D’une certaine façon, c’est
à partir de maintenant que je vais vraiment comprendre le film, en le présentant aux gens, en faisant des débats, en rencontrant des journalistes. On va me dire des choses qui vont me faire réagir : « Ah, tiens, je n’avais pas vu ça ! ». Mes films sont pour moi un moyen d’explorer ce que j’ai dans la tête, y compris a posteriori. C’est pourquoi j’attache une grande importance à la période qui accompagne la sortie, notamment les tournées en province : le film commence à appartenir aux autres qui vont l’éclairer à leur façon et faire apparaître un sens que je n’avais pas forcément vu en le faisant. C’est une étape importante, une sorte de psychanalyse sauvage assez marrante à vivre. En revanche, par la suite, je ne revois plus mes films.