Alexandre
Réalisateur : Oliver Stone

Genre : Biographie, Historique

Date : 05 Janvier 2005

Durée : 2 h50

Origine : allemand, français, néerlandais, britannique

Distribution : Pathé Distribution ; Warner Bros

Titre original : Alexander

 

Résumé | Note production | Acteurs | Scénario | Producteur | Site Officiel | Récompenses | Lieux | Budget

Acteurs :

Colin Farrell : Alexandre le Grand
Jared Leto : Hephaistion
Anthony Hopkins : Ptolémée
Rosario Dawson : Roxanne
Angelina Jolie : Olympia
Val Kilmer : Philip, Roi de Macedoine
Jonathan Rhys-Meyers : Cassandre
Gary Stretch : Cleitus
David Bedella : le scribe
Jessie Kamm : Alexandre enfant
Fiona O'Shaughnessy : une infirmière
Connor Paolo : Alexandre jeune
Patrick Carroll : Hephaistion jeune
Brian Blessed : un entraîneur de combat
Peter Williamson : Nearchus jeune
Morgan Christopher Ferris : Cassandre jeune
Robert Earley : Ptolémée jeune
Aleczander Gordon : Perdiccas jeune
Christopher Plummer : Aristotle
John Kavanagh : Parmenion
Nick Dunning : Attalus
Marie Meyer : Eurydice
Mick Lally : le marchand de chevaux
Elliot Cowan : Ptolemy
Joseph Morgan : Philotas
Ian Beattie : Antigonus
Denis Conway : Nearchus
Neil Jackson : Perdiccas
Garrett Lombard : Leonnatus
Chris Aberdein : Polyperchon
Rory McCann : Crateros
Michael Dixon : un soldat du camp
Tim Pigott-Smith : l'homme qui fait la lecture
Raz Degan : Darius
Erol Sander : le Prince perse
Stephane Ferrara : le Commandant Bactrian
Tadhg Murphy : un soldat mourant
Jean Le Duc : le gros eunuque
Francisco Bosch : Bagoas
Annelise Hesme : Stateira
Tsouli Mohammed : le Chamberlan perse
Toby Kebbell : Pausanius
Laird Macintosh : un Officier grec
Rab Affleck : un homme de Attalus
Féodor Atkine : le père de Roxane
Harry Kent : les porteurs de coupes
Sam Green : les porteurs de coupes
Bin Bunluerit : le Roi indien
Jaran Ngamdee : le Prince indien
Brian McGrath : un médecin
Suzanne Bullock : les danseuses de Roxane
Kate Eloise : les danseuses de Roxane
Gillian Grueber : les danseuses de Roxane
Michelle Lukes : les danseuses de Roxane
Anjali Mehra : les danseuses de Roxane
Antoine Kurt : les danseurs et danseuses Bagoas
Marta Baronha : les danseurs et danseuses Bagoas
Monica Zamora : les danseurs et danseuses Bagoas
Benny Maslov : les danseurs et danseuses Bagoas
Tania Matos : les danseurs et danseuses Bagoas
Leighton Morrison : les danseurs et danseuses Bagoas
Isaac Mullins : les danseurs et danseuses Bagoas
Monica Perego : les danseurs et danseuses Bagoas
Matthew Powell : les danseurs et danseuses Bagoas

Directeur Photo : Rodrigo Prieto

Musique : Vangelis

Décors : Jim Erickson

Chef décoration : Jan Roelfs

Costumes : Jenny Beavan

Montage :
Thomas J. Nordberg
Yann Hervé
Gladys Joujou
Alex Marquez

Effets Spéciaux :

Peter Norcliffe : accessoiriste costume (Robert Allsopp and Associates)
Peter Fern : technicien senior
Kassou Abdelali : scanning et recording
Terence J. Cox : superviseur plateau
Tina Lin : scanning et recording
Christophe Belena : scanning et recording

Casting :

Mark Bennett
Billy Hopkins
Lucinda Syson

Direction artistique :

James Lewis
Kevin Phipps
Stuart Rose
Desmond Crowe

Maquillage :

Anita Burger : styliste coiffure
Stuart Conran : maquillage effets spéciaux
Barbara Taylor : styliste coiffure
Waldo Mason : artiste maquillage effets spéciaux
Jeremy Woodhead : concepteur maquillages
Nikita Rae : artiste maquillage
Michael Krehl : artiste maquillage foule
Paul Gooch : artiste maquillage
Steve Painter : superviseur effets spéciaux maquillage
Jan Archibald : chief concepteur coiffures
Lesley Smith : styliste coiffure
Brian Best : artiste maquillage effets spéciaux
Petra Schaumann : coiffure foule
Peter Hawkins : maquillage effets spéciaux

Son :

Samuel Cohen : perchman
Selim Azzazi : monteur son
Vincent Cosson : assistant technique
Iain Eyre : monteur adr
Sylvain Malbrant : assistant dialogues
Greg Steele : mixeur adr
Phillip Mark Freudenfeld : technicien studio
Vincent Arnardi : mixeur post-synchro
Nicolas Bourgeois : assistant technique
Chris David : mixeur post-synchro
Jean Goudier : superviseur montage
Julien Perez : enregistrement
Yannick Vergne : assistant mixeur post-synchro
Katie Harris : stagiaire
Damien Bera : enregistrement
Capucine Courau : assistant dialogues
Chris Fitzgerald : enregistrement ADR
Paul Massey : mixeur post-synchro
Bruno Tarrière : mixeur post-synchro
Frédéric Attal : monteur son
Katia Boutin : superviseur dialogues
Anne Delacour : monteur dialogues
Alistair Hawkins : assistant
Wylie Stateman : superviseur montage
Ken Yasumoto : designer
Jean-Paul Mugel
Julien Bourdeau : assistant monteur
Gurwal Coïc-Gallas : assistant monteur
Alek Goosse : mixeur post-synchro
Vincent Montrobert : monteur son
Camille Toubkis : assistant monteur

Scénario :
Oliver Stone
Christopher Kyle
Laeta Kalogridis

Producteur :
Moritz Borman
Jon Kilik
Iain Smith
Thomas Schuely

Production :

Warner Bros.
Intermedia Films
Pacifica Film
IMF Internationale Medien und Film GmbH & Co. Produktions KG

Producteur executif :

Aslan Nadery

Volker Schauz

Co-Producteur executif :

Fernando Sulichin

Gianni Nunnari

Assistant réalisation :

Yann Marie Faget : autre second assistant (Maroc)
Alex Oakley : premier assistant équipe aérienne
Tom Brewster : 3ème assistant seconde équipe
Peter Bennett : premier assistant seconde équipe
Ahmed Hatimi : premier assistant (Maroc)
Adrian Toynton : second assistant
Dale Dye : réalisateur seconde équipe
Richard Goodwin : autre second assistant
Gary Powell : équipe action (Thaïlande)
Darwin Brooks : 3ème assistant
Ali Cherkaoui : second assistant (Maroc)
Zinedine Ibnou Jabal : second assistant (Maroc)
Simon Warnock : premier assistant
Tarik Ait Ben Ali : 3ème assistant (Maroc)
Sallie Anne Hard : second assistant seconde équipe
Michael Stevenson : second assistant

 

Lieux de tournage :

Thaïlande.
Maroc.

Budget : 100 millions de $

Site officiel : France : http://www.alexandre-lefilm.com/site.htm

Récompenses :

Fiche du film complète (image, résumé, note de la production, avis) au format PDF à disposition sur demande par mail, voir page d'accueil

| Note production | Acteurs | Scénario | Producteur | Site Officiel | Récompenses | Lieux | Budget

 Résumé :

La vie d'Alexandre le Grand, narrée par Ptolémée : de son enfance à sa mort, des cours d'Aristote aux conquêtes qui firent sa légende, de l'intimité aux champs de bataille. Fils du roi Philippe II, il soumit la Grèce révoltée, fonda Alexandrie, défit les Perses, s'empara de Babylone et atteint l'Indus pour établir à 32 ans l'un des plus grands empires ayant jamais existé.

 Note de la production :

Avant-propos d'Oliver Stone
L'équipe
Le projet
Avant le tournage
Le tournage
Le tournage (suite)
Galerie de portraits
Les grandes dates
Une bande son signée Vangelis
Robin Lane Fox, conseiller historique

Avant-propos d'Oliver Stone
En 2300 ans, la vie d'Alexandre de Macédoine n'a jamais fait l'objet d'une adaptation théâtrale. Je me suis souvent demandé pourquoi. Si je me suis précipité pour voir le film de 1956 avec Richard Burton, que j'ai adoré, ainsi que d'autres péplums grecs de l'époque, comme HÉLÈNE DE TROIE et LES 300 SPARTIATES, ce fut sans doute plus pour les costumes, la sensualité et le culte de dieux inconnus que pour leur qualité dramaturgique. C'était parce que l'imagination des Grecs me semblait audacieuse comparée aux Romains des films d'époque, plus militaristes et spartiates. Peut-être quelque malédiction primitive pesa-t-elle donc sur cet extraordinaire jeune homme dont nous avons tant entendu parler et dont nous savons si peu de choses. Il constitue sans l'ombre d'un doute l'un des protagonistes les plus purs de la tragédie comme l'un des plus grands paradoxes de l'Antiquité. Et pourtant, aucun dramaturge grec, romain, élisabéthain n'a jamais porté sa vie à la scène. Pourquoi ? L'histoire est belle : jeune homme héroïque, prince dynamique qui se débat entre deux parents aux caractères dominateurs, et, quand il succède à son père, réalise, enfin, nombre de ses rêves. J'aurais tendance à dire qu'il fut le
plus grand idéaliste du monde et vécut en conséquence la chute la plus grande. Brillant chef militaire qui ne connut jamais une seule défaite, il risqua bien des fois sa vie et demeura cependant un visionnaire d'une remarquable générosité d'esprit qui chercha à modeler sa vie sur les grandes figures mythologiques d'Héraclès, Dionysos, Achille et, selon moi, Prométhée. De ces exemples, il tira son énergie et sa destinée monumentales.

Il était à l'évidence en avance sur son temps et certains diront même qu'il représenta une nouvelle définition de l'homme. Sa vision des peuples grecs et barbares réconciliés n'était pas du goût des Grecs et rendit ses dernières années particulièrement pénibles. Il perdit des amis et dut faire face à des trahisons. Sa vie amoureuse fut fascinante et déchirante. Il pouvait se montrer aussi bien d'une extraordinaire douceur que d'une extrême sauvagerie. En définitive, ses échecs mêmes surpassent les accomplissements de la plupart des hommes. Et si l'on veut bien y penser, il a produit plus d'effet sur le monde qu'Héraclès et Achille, tout cela en l'espace de trente-deux ans ! Il m'a fait croire aux héros. Comme dramaturge, je me fie en dernière analyse à mon instinct et j'ai le sentiment qu’Alexandre possédait toutes les tendances maléfiques de nos contemporains et qu'il convenait de les présenter sans détours. C'est pourquoi j'ai choisi de raconter sa vie compliquée en deux récits “parallèles” dans lesquels le jeune Alexandre existe côte à côte avec l'Alexandre plus âgé. Une des grandes ironies de son existence tient à ce que les expériences tragiques de sa jeunesse viendront parfois hanter sa vie d’adulte.

Pour entrer dans la conscience d'un homme qui vécut voilà 2300 ans et changea la nature du monde, je ne pouvais rêver meilleur collaborateur que Robin Lane Fox, professeur d'Histoire ancienne à Oxford, auteur, en 1974, d'une des biographies les plus claires et les moins biaisées d'Alexandre. L'une des plus grandes contributions de son ouvrage est de s'en tenir rigoureusement à l'énoncé têtu des faits connus de la vie d'Alexandre, en rejetant ce que certains historiens avaient accepté à tort. Sur la toile et souvent dans les essais que lui consacrent les revues, je suis encore surpris de constater qu'une bonne moitié de ce que l'on raconte d'Alexandre est digne de la presse à sensation. C'est ainsi que grandissent les mythes, en dehors de la réalité, avec pourtant un vague noyau de vérité.

À mesure que son enthousiasme croissait et qu'il participait de plus en plus à notre film, tout ce que Robin Lane Fox demanda fut de participer à la charge de la cavalerie aux côtés d'Alexandre dans la poussière de Gaugamèle. Ce fut un immense plaisir de pouvoir lui permettre la réalisation d'un souhait si simple et je n'oublierai jamais le jour où il vint me trouver couvert de poussière après plusieurs charges et s'écria avec un enthousiasme d'écolier : “Vous savez, Oliver, je viens de faire la chose que j'ai le plus désirée de ma vie entière… Jamais je ne pourrai vous en remercier suffisamment.” Si seulement il savait le grand plaisir qu'il m'a ainsi donné ! C'est un chevalier sans peur et sans reproche, ce M. Fox.

Qui fut Alexandre ? Comme le dit Colin Farrell : “Je donnerais tout ce que ce film m'a apporté pour pouvoir passer cinq minutes avec Alexandre !”

Si c’était possible, j’en ferais volontiers autant. Je viens de passer trois ans avec “lui” et, aussi difficile que cela ait pu être par moments, je n'en regrette pas un seul instant. Je me suis senti privilégié et ce fut un grand honneur. Comme le dit Ptolémée dans le film : “En sa présence, nous étions meilleurs que nousmêmes.”

L'équipe
Oliver Stone a rassemblé pour son film : Colin Farrell, dans le rôle d’Alexandre, Angelina Jolie dans celui de la reine Olympias, mère passionnée d'Alexandre et Anthony Hopkins, dans le rôle de Ptolémée âgé, l'un des plus fidèles généraux d'Alexandre, qui deviendra pharaon.
La distribution comprend également : Val Kilmer, dans le rôle de Philippe II, roi de Macédoine, père d'Alexandre, Jared Leto, dans le rôle d'Héphaïstion, plus proche ami d'Alexandre et son plus fidèle général, Rosario Dawson, qui incarne Roxane, la belle Bactriane, première épouse d’Alexandre, Jonathan Rhys Meyers, dans le rôle de Cassandre, l’ami d’enfance, officier ambitieux et Christopher Plummer qui interprète Aristote, le philosophe et précepteur d'Alexandre.

Derrière la caméra, le réalisateur a réuni le directeur de la photo Rodrigo Prieto (FRIDA, 8 MILE, LA 25ÈME HEURE), le chef décorateur Jan Roelfs (BIENVENUE À GATTACA, LE CUISINIER, LE VOLEUR, SA FEMME ET SON AMANT), la costumière Jenny Beavan (CHAMBRE AVEC VUE, LES VESTIGES DU JOUR), le compositeur Vangelis (LES CHARIOTS DE FEU, BLADE RUNNER, MISSING), le coordinateur des cascades Gary Powell (TITANIC, IL FAUT SAUVER LE SOLDAT RYAN), John Scheele à la supervision des effets visuels et Trevor Wood (RETOUR À COLD MOUNTAIN) à la supervision des effets spéciaux, faits à Paris par BUF.

Dale Dye, principal conseiller militaire, avait déjà travaillé avec Oliver Stone sur PLATOON, NÉ UN 4 JUILLET, JFK, ENTRE CIEL ET TERRE et TUEURS NÉS et avec Steven Spielberg sur IL FAUT SAUVER LE SOLDAT RYAN. En qualité de conseiller historique, Oliver Stone a fait appel à Robin Lane Fox, professeur d'Histoire de l'Antiquité à Oxford et auteur de la biographie Alexandre le Grand (1974).

Le projet
Oliver Stone, scénariste et réalisateur, et Moritz Borman, producteur, évoquent la lente maturation d'un projet à la (dé)mesure de son sujet, Alexandre le Grand.

On ne peut manquer d'être étonné par tout ce qu'Alexandre a accompli au cours des trente-trois années de sa courte vie. Son empire comprenait tout ou partie des territoires qui composent aujourd'hui la Grèce, l'Albanie, la Turquie, la Bulgarie, l'Égypte, la Libye, Israël, la Jordanie, la Syrie, le Liban, Chypre, l'Irak, l'Iran, l'Afghanistan, l'Ouzbekistan, le Pakistan et l'Inde. Au moment de sa mort, cet empire couvrait cinq millions de km2. Une considérable production littéraire, historique, romanesque, psychologique a été consacrée au
destin d'Alexandre. Jusqu'à ce livre publié en 2003, qui transpose sa stratégie militaire à l'usage des hommes d'affaires modernes. Mais à l'exception d'une unique tentative, voilà près de quarante ans, aucun cinéaste n'avait encore porté à l'écran cette vie extraordinaire.

“J'avoue que l'aventure de ce film constitue le plus grand défi que j'ai relevé jusqu'ici, explique Oliver Stone. J'ai le sentiment que le film de Robert Rossen, en 1956, avec Richard Burton et Fredric March (dans le rôle de Philippe), se réduisait à l'intrigue de la période grecque et s'épuisait avec la victoire d'Alexandre sur les Perses. Les dernières années de la vie d'Alexandre, au cours desquelles se produisirent certains des événements les plus intéressants et les plus importants, restaient ignorées. Bien sûr, reconnaît le cinéaste, il n'y a pas de certitude quant à ces huit années de conquêtes. Pour reconstituer ce que fut la vie d'Alexandre, on ne peut, au mieux, que présumer. Chacun a sa propre vision d'Alexandre, estime Stone. Peut-être l'avons-nous rendu plus grand qu'il ne fut. Mais il est indéniable que l'Histoire abonde de preuves de sa grandeur et que celle-ci ne relève pas d'on ne sait quel fantasme romantique élaboré autour de sa personne. On a de bonnes connaissances historiques - pas énormément, mais suffisamment pour justifier ce que nous avons écrit dans le scénario. C'est une histoire merveilleuse et le plus difficile reste de trouver la meilleure manière de la raconter. J'espère que de ce point de vue, le scénario est réussi.”

Comme toutes les oeuvres de fiction historique, le film de Stone est le résultat d'une sélection et d'une interprétation. “Pour en faire une oeuvre dramatique, on est obligé de choisir ce que l'on considère comme le thème principal”, note le réalisateur. On qualifie Alexandre d’un mot grec intraduisible, pothos, qui désigne le désir violent et passionné d'une chose inaccessible ou qui n'existe pas et qui signifie également regret et nostalgie. Ce que Tennyson a écrit d'Ulysse, un des héros de la mythologie personnelle d'Alexandre, s'applique aussi au jeune roi : “S'efforcer, chercher, trouver, sans jamais capituler.”

Il y a dix ans, Oliver Stone commençait à préparer un film sur Alexandre, mais les origines du projet remontent en fait à beaucoup plus loin. “J'imagine que j'ai dû découvrir l'existence d'Alexandre vers sept ou huit ans, peut-être en lisant une adaptation pour enfants de sa vie, publiée par Random House”, se remémore le cinéaste. L'influence formelle de l'épopée homérique, de l'histoire et de la mythologie grecques sont sensibles dans une bonne partie des films d’Oliver Stone, depuis les épreuves des jeunes soldats de PLATOON - qui évoqueraient l'Iliade - jusqu'aux excès dionysiaques de Jim Morrison dans LES DOORS et aux joueurs de football américain de L’ENFER DU DIMANCHE, vus comme des guerriers des temps modernes. Étudiant à l’école de cinéma, Stone s'accrochait déjà à l'idée de trouver un moyen de filmer l'histoire d'Alexandre, imaginant une espèce de traitement à la H.G. Wells. “Dans mon impuissance, je fantasmais sur l'idée de réunir une petite équipe et quelques caméras pour voyager dans le temps et filmer les campagnes d'Alexandre, se rappelle en souriant le réalisateur. Imaginez un peu une équipe de cinéastes modernes jouant les correspondants de guerre, filmant les batailles, fixant sur la pellicule l'allure des gens, leurs sentiments et leur façon de parler, donnant au spectateur la sensation qu'ils y étaient ! J'imaginais un retour dans notre monde, la sortie du film et les gens qui diraient : “Ça alors, où avez-vous trouvé ces images ?” Trente-deux ans après, j'ai enfin eu la chance de retourner en arrière pour recréer cette période de mon mieux.”

Un producteur entre en scène

Le parcours aura été long et difficile pour Stone : au début des années quatre-vingt dix, il s'attaque sérieusement à ce projet avec Thomas Schühly.

“En 1996, après quelques faux départs, nous avons commencé pour de bon la mise au point du scénario, avec une société indépendante, Cinergi, et Laeta Kalogridis, jeune scénariste gréco-américaine. J'avais aussi rédigé un script tout seul cette année-là, mais je n'étais satisfait ni de l'un ni de l'autre. J'avais l'impression que ma compréhension du personnage n'était pas encore assez aboutie. Puis en 2000, Moritz Borman, pour lequel j'avais écrit un scénario adapté du roman “Tom Mix et Pancho Villa”, me recontacta… Nous souhaitions l'un et l'autre, depuis longtemps, travailler ensemble et voilà qu'il avait, cette fois, le soutien sérieux et indispensable à une entreprise aussi folle qu'ALEXANDRE.”

“Le chemin qui nous a menés du rêve à la réalité n'a pas toujours été parsemé de pétales de roses, reconnaît Moritz Borman. Pendant toute la préparation du film, nous n'avons cessé d'avoir des doutes. Comment et où trouver les distributeurs qui conviendraient au film, le financement, les lieux de tournage. J'ai eu bien des insomnies, se rappelle le producteur, au cours desquelles je voulais dire à Oliver que nous n'allions pas y arriver. Et puis non, j'aimais mieux dire à Oliver comment nous allions y arriver, et c'est ce que nous avons fait. Le futur dira si l'entreprise est un succès. Mais pour moi, ALEXANDRE en est déjà un. Voir ce rêve aboutir valait bien tout le mal que l'on s'est donné. Avoir eu le privilège de faire ce voyage avec Oliver, avoir eu la chance de permettre la réalisation du film, est une immense satisfaction pour moi.” “C’est peut-être la pré-production la plus difficile que j'aie jamais eue à faire, renchérit Stone. Nous étions sur quatre continents à la fois : Amérique, Asie (Thaïlande, Inde), Europe (Londres, Malte) et Afrique (Maroc). C'était compliqué, avec des coups de téléphone à toutes les heures de la nuit et une bonne partie du temps, je devais penser au financement du film et regarder derrière moi au lieu de regarder vers l'avant. Nous n'avons pas disposé du temps de préparation logique pour une production si complexe. Mais il arrive qu'on n'ait pas les moyens d'être logique. On va de l'avant, obstinément. On fixe une date et plus la pression est grande, plus chacun se montre à la hauteur des circonstances.”

Avant le tournage
DES PAYSAGES, DU MAROC A LA THAÏLANDE

Peu d'aspects du tournage d'ALEXANDRE allaient être aussi éprouvants que la reconstitution de l'environnement historique et géographique où se déroulèrent les événements de la vie du jeune roi, sur plus de trente ans de l'histoire de l'Antiquité et dans plusieurs parties du monde. Jan Roelfs, le chef décorateur, a été l’un des premiers à intervenir sur la préparation du film. Avec son équipe, Roelfs devait recréer le monde antique avec autant d'imagination que d'authenticité. Il en résulte des reconstitutions aussi précises que possible. “Oliver n'est pas le genre de réalisateur qui fait un plan pour sa beauté, note le chef décorateur. Chaque plan doit avoir du sens. Le chef décorateur est responsable de l'apparence du film et de tout ce que cela implique. Cela commence par la recherche des décors naturels. Parce que c'est une sorte de “road movie”, ALEXANDRE nous imposait de trouver des paysages correspondant à la Macédoine, la Perse, la Bactriane, la Sogdiane, l'Hindu Kush et l'Inde. Un incroyable puzzle à assembler, en sachant que les paysages choisis devaient être très reconnaissables, sous peine de se mélanger et de se confondre tous.” Pendant les repérages, Stone et Roelfs passèrent beaucoup de temps à la
recherche de sites appropriés, avant d'arrêter leur choix sur le Maroc et la Thaïlande et sur les studios londoniens de Pinewood et Shepperton, où seront tournés les intérieurs. Le Maroc était idéal pour les énormes besoins d’extérieurs du film. Ce que le pays avait à offrir en termes de paysages, de main-d'oeuvre et d'atmosphère rappelant les époques concernées, en faisait le
lieu idéal pour reconstituer une grande partie de la vie d'Alexandre. “On ne pouvait pas se permettre de parcourir les dizaines de pays et les milliers de kilomètres du voyage d'Alexandre, explique Roelfs. C’est pourquoi nous avons choisi le Maroc, pour représenter les extérieurs de différents pays traversés par Alexandre. Dans les environs de Marrakech, nous avions des déserts, des plaines, des montagnes, de la chaleur et de la neige à une heure et demie les uns des autres. Avec Essaouira, nous tenions notre Macédoine : l'océan et la végétation variée. Il nous fallait un fleuve en Inde et nous n'avons rien trouvé d'assez exotique au Maroc. Nous avons donc cherché ailleurs et trouvé un endroit époustouflant dans la province d'Ubon Ratchathani, sur le Mékong, en Thaïlande. La Thaïlande nous a aussi permis de résoudre le problème de la bataille avec des éléphants dressés.” En outre, bien avant le début du tournage, Stone et son directeur de la photo, Rodrigo Prieto, étaient partis filmer à Malte et dans l'Himalaya des images de fond pour les effets visuels : à Malte, le port d'Alexandrie et le célèbre phare qui fut l'une des sept merveilles du monde et en Inde, des images qui serviront notamment de décor au voyage d'Alexandre à travers les étendues neigeuses de l'Hindu Kush.

RECONSTITUER UNE ARMEE DE L'ANTIQUITE

Le capitaine Dale Dye - collaborateur de longue date d'Oliver Stone - a entraîné et formé Colin Farrell et les principaux comédiens, pendant un long mois. Il fallait leur permettre d'acquérir les connaissances utiles, touchant au maniement des armes : avec le glaive, le bouclier, l'arc et les flèches, la fronde, le javelot et la sarissa (lance d’environ six mètres de long) et de les initier à la cavalerie, au port des étendards, à la phalange, et aux autres formations militaires antiques. Pour ALEXANDRE, Dye devait affronter une tâche plus harassante et démesurée que toutes celles qu'il avait connues (en dehors du champ de bataille) : il lui incombait en effet non seulement d'entraîner des dizaines de comédiens et des centaines de figurants pour les familiariser avec les formes de combats de l’époque mais également de recréer la stratégie d’Alexandre.

DANS LE DESERT MAROCAIN

Le camp d'entraînement fut installé au Maroc, dans une zone désertique à une heure de Marrakech, près du site (d’environ 4 km de rayon) choisi pour la reconstitution de la bataille de Gaugamèle. Là, Dye et son équipe, rassemblèrent Colin Farrell et tous les acteurs incarnant les rôles des compagnons et des généraux d'Alexandre.
“Pendant trois semaines, explique Dye, nous avons enseigné à Colin Farrell, aux acteurs principaux et à 1500 soldats marocains, les formations et les techniques qu'Alexandre avait mises au point. C'est le genre d'entraînement que nous pratiquons pour tous les films sur lesquels nous intervenons. Les jeunes acteurs et les figurants ne comprennent pas ce que cela signifiait d'être militaire voilà plus de deux mille ans, ils n'ont aucune référence. Ce long entraînement dans le désert marocain était nécessaire, les acteurs ont vécu ensemble pendant plusieurs semaines, dans la situation même d'Alexandre et de ses compagnons. Ils ont tous vécu une expérience qui leur a permis de comprendre ce qu'était la mise en condition physique des soldats macédoniens.”

UNE EPREUVE PHYSIQUE ET MENTALE POUR LES ACTEURS

L’entraînement allait se muer en une sorte de “laboratoire historique”, dans lequel Dye et Oliver Stone découvriront par l'expérience sur le terrain, la manière dont les guerres étaient menées au temps d'Alexandre. Cela permettra au réalisateur de créer à l'écran des batailles aussi fidèles et réalistes que possible.

L'emploi du temps du camp d'entraînement mit à rude épreuve autant les capacités physiques que mentales des différents participants. Parmi les cours, figuraient l'entraînement au combat, l'équitation, la conduite de char, des exercices “d'agressivité”, des répétitions de chutes, de blessures et de “mort”. L'une des clés de la formation des acteurs, des cascadeurs et des figurants au Maroc et en Thaïlande fut la reconstitution de la phalange, formation stratégique inventée par Philippe de Macédoine et perfectionnée, plus tard, par Alexandre. La phalange se composait de 256 hommes formés en carré de 16 hommes sur 16, armés de sarissas, de manière à être quasiment impénétrable. “Son équivalent moderne serait le char d'assaut, explique Dye. Cette création de Philippe de Macédoine permit à son fils de conquérir le monde, car il n'avait pas seulement inventé la phalange mais aussi l'idée d'une armée permanente percevant une solde. Au début de son règne, Alexandre disposait donc des outils qui allaient lui permettre de réaliser son ambition. Les tactiques de la phalange étaient si efficaces, qu'elle demeura la principale formation d'infanterie pendant les cent cinquante années qui suivirent. Seuls les Romains furent capables de la battre. Alexandre disposait donc d'une infanterie puissante que rien ne pouvait arrêter.” Il n'y eut aucun traitement de faveur pour quiconque pendant la durée du camp d'entraînement, et moins encore pour Colin Farrell. L'acteur avait en fait commencé l'entraînement six semaines avant l'ouverture du camp.
“Ce furent des semaines extraordinaires, nous dit Colin Farrell. Dye nous faisait bosser toute la journée et le soir, il nous parlait de la tactique, de la stratégie et de la psychologie d'Alexandre. Cela nous a renforcés physiquement et préparés au tournage de la première séquence : la bataille de
Gaugamèle.”

“Fondamentalement, cette formation avait un double objectif, explique Eliot Cowan, qui incarne Ptolémée jeune. D'un côté, il fallait nous apprendre tous les mouvements, les formations d'infanterie et de cavalerie qui figureraient dans le film, de l'autre, il s'agissait de faire de nous des soldats, des hommes conscients de leur mission. J’espère que cela se voit dans notre allure et notre façon de nous déplacer dans le film.”
“Le camp, c'était un peu comme le Club Med en Somalie, plaisante Jared Leto. Quand on est coincé au milieu de nulle part, mort de faim, qu'on bouffe du fromage pourri et des raisins secs pleins d'asticots, on peut dire qu'on se rapproche les uns des autres. Ça crée des liens ! C'était nécessaire pour le film, poursuit Leto redevenu sérieux. Je n'aurais rien pu faire sans cette expérience. On a appris énormément de choses sur Alexandre et son époque.”

“Pas de téléphone, aucun moyen de s'échapper, rien d'individuel, ajoute Erol Sander, qui joue Pharnakès. On était ensemble, point final. Il y avait des acteurs d'Amérique, d'Irlande, de France, d'Allemagne, et on a tous fini par former un groupe. C'était comme une bonne équipe de foot avec un entraîneur génial, Oliver Stone.”

“La deuxième semaine, dit Lombard (Leonnatos), nous avons été rejoints par les soldats marocains. Dye nous a alors indiqué que notre boulot était désormais de prendre leur tête et de les diriger comme des généraux.” “Je ne m'occupe pas d'entraîner et de former des acteurs, affirme Dye. J'entraîne et je forme des
gens à devenir des soldats, en espérant qu'ils auront aussi un certain talent d'acteur !”

UN ENTRAINEMENT EQUESTRE INTENSE

Certains acteurs étaient à l'aise en selle et d'autres n'avaient quasiment jamais monté. C'est à Ricardo Cruz Moral et à son équipe, qu'incomba la mission de les transformer en “centaures”…
“L'équitation a été l'un des principaux aspects de notre formation, souligne Eliot Cowan. Quand je suis arrivé au Maroc, je n'étais pour ainsi dire jamais monté à cheval en dehors de quelques randonnées au Pays de Galles. D'autres avaient plus d'expérience, mais aucun d'entre nous n'avait le niveau pour ce film. Ricardo et son équipe nous ont fait bosser dur, d'abord avec des selles, puis à cru, avant de nous initier au maniement des armes à cheval. C'est bien joli de se battre à pied avec un glaive mais c'est une autre paire de manches sur une monture puissante, en tenant une lance de quatre mètres d'une main et son cheval de l'autre, à cru, sans étriers. En plus, pour être fidèles historiquement, nous devions être capables de galoper en formation à travers des nuages de poussière dans lesquels on ne voyait pas à un mètre. On ne discernait qu'une bouillie marron, on sentait le cheval galoper en dessous, on avait l'impression de voler à travers un nuage.” Le jeune Connor Paolo, treize ans (Alexandre jeune) a lui aussi participé au camp avec ses aînés. L'adolescent, en effet, ne devait pas seulement incarner Alexandre mais aussi devenir assez bon cavalier pour jouer de façon convaincante la première rencontre d'Alexandre avec le farouche Bucéphale.

“Le cheval d'Alexandre était comme un prolongement de son esprit, remarque Paolo. Il était lié à Bucéphale autant qu'à chacun de ses généraux. Il est très important pour le film qu'on sente l'amour qui unissait Bucéphale et Alexandre. Je n'étais jamais monté à cheval de ma vie, avoue l'acteur. Ricardo m'a fait monter tous les jours pendant deux mois.” Au cours de l'entraînement, Oliver Stone taquina le jeune comédien : “Tu as encore l'air d'avoir un peu peur de Bucéphale.” Ce à quoi l'adolescent répondit : “J'ai beaucoup plus peur de toi, Oliver.”

RECREER LES COSTUMES, LES ARMES, LES OBJETS DE LA VIE QUOTIDIENNE

Des milliers d'artisans du monde entier, représentant des dizaines de corps de métiers, ont été mobilisés pour la fabrication d'armes, d'accessoires et de décors destinés à la recréation méticuleuse du monde d'Alexandre. Des milliers de costumes ont été conçus par Jenny Beavan pour habiller acteurs et figurants. Jenny Beavan a créé des costumes de rois, de paysans, de marchands, d'artisans, de soldats et de diverses tribus. Aidée par Robin Lane Fox et Lloyd Llewellyn-Jones, Docteur en histoire de l'Antiquité de l'Université d'Exeter, elle a dessiné plus de 20000 pièces de vêtements.
“On dispose aujourd'hui de fresques et d'un très grand nombre de vases peints issus de la civilisation grecque. Plusieurs écrits nous informent sur les techniques de tissage de l'époque. Ce que nous avons cherché en priorité, ce sont des tissus lâches, difficiles à trouver de nos jours. On peut acheter sans difficulté des kilomètres de toile blanche, mais elle est tissée trop serré et mêlée de polyester, ce qui ne permet pas de la teindre facilement. Nous avons fait tisser en Inde les kilomètres de toile, tels que nous les souhaitions.” Jenny Beavan s’est entourée d'une équipe de cinquante personnes, réparties dans des ateliers en Angleterre et au Maroc pour la fabrication non seulement des costumes et des chaussures mais aussi des armures qui équipent les soldats d'Alexandre.
“Nous avons fabriqué notre première armure en cuir et les casques en cuivre avant de les reproduire dans un plastique plus souple et plus léger, explique Beavan. Dye nous a beaucoup aidés dans nos recherches sur les divers costumes de militaires. Il fallait en effet s'efforcer de laisser aux acteurs, aux figurants et aux cascadeurs un confort et une liberté de mouvements suffisants.”
Une attention toute particulière fut portée aux diverses armures qui équipent Alexandre et ses généraux, et dont certaines pesaient jusqu'à douze kilos. Au cours de la bataille de Gaugamèle, les tuniques de coton blanc et la cuirasse des soldats grecs et macédoniens contrastent avec les tenues plus ornées et colorées de leurs ennemis perses.
“Les Perses taillaient et cousaient leurs vêtements au lieu de se contenter de les draper comme les Grecs, note Jenny Beavan. Ils fabriquaient des pantalons, des ceintures, des boucles et des souliers très décorés. Ils portaient une grande attention à leurs vêtements, tandis que les Grecs s'intéressaient plutôt à l'esthétique du corps.”
Les costumes du roi Darius, du prince Pharnakès et de la cour, resplendissent de couleurs exotiques et sont ornés de nombreux colifichets. L'une des pièces les plus emblématiques du travail de Jenny Beavan reste le casque d'Alexandre en forme de tête de lion à double plumet. Dix répliques en furent réalisées, en cuivre ou en plastique.

DES COMBATANTS EN ARMES

Richard Hooper, l’armurier, a fourni toute la gamme des armes utilisées par les soldats macédoniens, perses, indiens et scythes.
“Nous avons évidemment fait beaucoup de recherches, explique Richard Hooper, et utilisé une grande quantité de références disponibles sur leurs armes et leurs différents styles de combat. Nous avons consulté Robin Lane Fox et certains de ses collègues d'Oxford, et nous nous sommes inspirés de toutes sortes d'oeuvres d'art de Grèce, de Perse et d'Inde.” Hooper fit cependant quelques compromis dans la conception des armes, pour faciliter le tournage.
“On a un peu triché sur la longueur de la sarissa, on a également dû allonger les glaives et rétrécir les boucliers pour les rendre plus maniables.”
Hooper et ses collaborateurs, qui avaient parfois à équiper jusqu'à 1500 soldats par jour, conçurent et fabriquèrent pour le film, 12000 pièces d'armement : environ 1000 sarissas, 2000 boucliers, 2000 glaives de diverses formes, 750 arcs, des milliers de flèches.
“La plus grande difficulté tenait à la grande diversité des styles, poursuit Hooper. L'armurerie des Perses se composait d'éléments très différents puisque l'armée était elle-même composée de troupes venues de différentes parties du monde.
Oliver tenait à ce que la différence soit bien visible, non seulement en accord avec les divers lieux où l'on tournait mais aussi dans chaque bataille, entre les couleurs et les formes des armes utilisées”. La plupart des armes furent fabriquées par Richard Hooper en métal, puis reproduites en plastique pour les cascades et les charges de cavalerie. Lances et flèches étaient mouchetées de caoutchouc pour la sécurité. L'ensemble des armes étant mis à rude épreuve, Hooper et son équipe en assurèrent la réparation tout au long du tournage.

DES MILLIERS DE MEUBLES, DE VASES ET D'OBJETS

Chaque accessoire, chaque arme, chaque meuble, chaque décor a été conçu et créé spécialement pour le film, utilisant des artistes et des artisans du monde entier. Rien n'a été exhumé d'entrepôts ou emprunté à des films précédents. Deux entrepôts de la taille d'un terrain de football, situés dans la zone industrielle de Marrakech, furent convertis en gigantesques ateliers pour la fabrication des accessoires et des costumes d'ALEXANDRE.
Plusieurs mois avant le début du tournage, les deux installations débordaient d'activité. Des milliers de pièces qui devaient orner les décors ont été créées : mobilier, poteries, statues, instruments de musique, tissus, lampes de toutes les tailles et de toutes les formes, des milliers d'objets décoratifs de toutes sortes… À l'extérieur de l'entrepôt des accessoires, des artisans marocains fabriquaient des chars - la pièce maîtresse étant l'immense char d'or de Darius - et toutes sortes de charrettes et de chariots. Des artisans, dans d’autres parties du monde (en Inde, en particulier), fabriquaient des étendards, des broderies, des jetés de lit, des tentures et toutes sortes d’autres accessoires. Une centaine de maîtres et de compagnons s'y consacrèrent chaque jour pendant sept mois.

Le tournage
L’équipe a fonctionné comme une “armée” qu'il fallait adapter au fur et à mesure des besoins en matériel et en main d’oeuvre. Au total, quelques deux mille personnes ont consacré leur savoir faire à ce film, non seulement dans les cinq pays où ALEXANDRE a été tourné, mais dans plusieurs autres encore, comme l’Inde, le Pakistan et l'Italie où des artistes et des artisans talentueux ont créé une multitude d'objets, d'articles et d'accessoires.

LA BATAILLE DE GAUGAMELE

Une vaste zone désertique non loin de Marrakech allait servir de cadre à la reconstitution de la bataille de Gaugamèle, où les quelques 50 000 soldats d'Alexandre ont eu raison du demi-million d'hommes de l'armée de Darius III, le Grand Roi. La zone désertique d'environ 4 km de rayon retenue par Oliver Stone et Jan Roelfs pour la bataille de Gaugamèle a exigé beaucoup de préparation. Il a fallu retirer des milliers de pierres et de rochers pour la rendre plus conforme au modèle original, mais aussi pour des raisons de sécurité. “D'ailleurs, fait remarquer Roelfs, l'histoire ne faisait que se répéter, car Darius avait lui aussi fait débarrasser le champ de bataille de Gaugamèle de toutes ses pierres, pour faciliter le passage des chars de son armée. Nous n'avons fait que suivre méticuleusement son exemple.”
Le camp de base du film sur le site choisi pour Gaugamèle était gigantesque, composé d'une véritable armada de camions de matériel, de caravanes servant de loges et d'immenses tentes pour les costumes, le maquillage et la coiffure, ainsi que d'écuries pour les chevaux et d'étables pour les autres animaux, de parkings pour les chars et les divers véhicules antiques. Sans parler du campement militaire de l'armée royale marocaine, dont la participation était de plusieurs centaines d'hommes (dont de nombreux cavaliers) et d'unités de soutien pour la production.

EN ORDRE DE BATAILLE

Les tourbillons de poussière, le bruit et les cris, le tonnerre des sabots et l'odeur du crottin imprégnèrent le tournage de la bataille. Robin Lane Fox allait, comme promis par Oliver Stone, participer à la charge immortelle d'Alexandre contre le centre de l'armée perse qui mit Darius en déroute.
“Mon rêve devenait réalité, explique l'historien. Ce que j'avais écrit dans la biographie d'Alexandre trente ans auparavant revivait sous mes yeux. Ce fut un moment absolument fantastique. Oliver et son équipe ont pris grand soin d'équiper les combattants en respectant la vérité historique. Il en résulte une bataille réellement terrifiante, d'une vérité et d'une authenticité absolues. Mais mes reins en ont pris un coup !”

Le directeur de la photo, Rodrigo Prieto, a filmé la bataille de Gaugamèle avec deux équipes caméra complètes et jusqu'à huit caméras. Stone et Prieto avaient mis au point la totalité du schéma visuel du film. “Nous voulions faire ressentir le passage du temps au cours du film, et l'évolution émotionnelle des personnages, explique Prieto. Nous avons décidé de donner à chacune des périodes de la vie d'Alexandre, que nous explorions, un aspect visuel différent. Par exemple, les séquences macédoniennes, pendant l'enfance et la jeunesse d'Alexandre, ont des couleurs très pures, “innocentes”, disait Oliver.
Des blancs, des rouges, des jaunes, des bleus, clairs et transparents. Pour Gaugamèle, nous souhaitions que la couleur du désert envahisse toute l'image et nous nous sommes servis d'un filtre havane, qui donne à l'ensemble un ton jaune orangé. Nous avons également utilisé une pellicule avec un peu plus de grain pour donner plus de texture à la bataille. Nous voulions une ambiance dorée et des couleurs saturées, pour les séquences de Babylone, moment de gloire dans la vie d'Alexandre. Ensuite, quand Alexandre traverse l'Hindu Kush, on est passé à des bleus un peu plus froids et métalliques, ce qui donne la sensation de quitter la chaleur des plaines pour la montagne. Pour la séquence indienne, nous voulions l'exact opposé de la Macédoine : nous avons recouru à une pellicule avec beaucoup de grain et travaillé le négatif pour rehausser le contraste.”

Rodrigo Prieto insiste sur le fait que le réalisateur et lui ne souhaitaient absolument pas que quoi que ce soit semble imposé par un regard moderne.
“Oliver voulait donner le sentiment qu'on est vraiment présent, qu'on peut éprouver et sentir les lieux et l'époque. Nous avons donc abordé le travail de l'image d'une façon très subjective. Toutes les décisions de style devaient être en harmonie avec les sentiments d'Alexandre.”

UNE RECONSTITUTION TRES REALISTE

“Oliver voulait du réalisme, confirme le coordinateur des cascades Gary Powell. Il ne voulait pas de scènes de combat exagérées comme on en voit dans les films de cape et d'épée. Quand on cherche le réalisme, la plupart des combats individuels ne durent pas très longtemps, surtout avec le genre d'armes dont disposaient les soldats de l'époque. C'est rapide et violent. À Gaugamèle, on avait plus de 1000 personnes entassées dans un espace relativement restreint. Personne n'était à l'abri de recevoir un coup en plein visage. Les risques de blessure sont grands. Et il faut également s'occuper de ceux qui sont derrière la caméra, et s'assurer qu'ils ne courent aucun danger.”
“J'ai eu un accident de cheval le premier jour du tournage, raconte Jonathan Rhys Meyers. J'ai dégainé mon glaive tout en galopant, mon cheval a pris peur et s'est cabré, j'ai été désarçonné et je me suis blessé à la bouche. On peut faire du cheval sans problème dans le désert, mais si on ajoute les caméras, les machines, l'éclairage, les chars, les gens qui hurlent “Action !”, le cheval devient comme un enfant de trois ans. On peut habituer les chevaux à la bataille, on n'arrivera jamais à les habituer à un tournage.”

UNE TEMPETE 'PROVIDENTIELLE'

Le climat désertique, avec ses tempêtes de sable, réservait quelques surprises à l'équipe. Un jour, en particulier, on annonça qu'un gigantesque mur de sable se dirigeait droit sur les lieux où la bataille était reconstituée. Oliver Stone avait déjà dû affronter quelques tempêtes de sable de moindre envergure et d'innombrables tourbillons, mais ce qui arrivait s'annonçait monstrueux.
“On allait tourner un plan rapproché de Darius, se rappelle Rodrigo Prieto, quand une énorme tempête de sable s'est levée. On est tous allés s'abriter aussi vite que possible et j'ai couru jusqu'à une camionnette avec Oliver et quelques autres. On ne voyait plus rien par les fenêtres. On se disait tous : bon, c'est réglé, on ne peut plus tourner aujourd'hui. Et soudain, Oliver a eu l'idée de passer directement à la suite, après la bataille, et de montrer Alexandre parcourant le paysage jonché de cadavres en utilisant cette tempête comme arrière-plan. Personne ne s'attendait à cela. Mais j'ai vu l'inspiration dans les yeux d'Oliver et je me suis dit, il faut le faire. Et on l'a fait. Tout le monde s'est défoncé au beau milieu de la tempête de sable et ça a marché. C'est ce qui est assez extraordinaire quand on travaille avec Oliver, ajoute Prieto. Il fait des choses que personne ne trouverait raisonnables et pourtant ce sont des idées excellentes. Il travaille toujours en suivant le mouvement de ce qui se passe. Il a senti que cette terrible tempête de sable était parfaitement appropriée. Cet instant d'inspiration m'a beaucoup impressionné.”
Les températures, qui avoisinaient d'ordinaire 30 à 35 degrés et pouvaient, à l'occasion, monter au-dessus de 40 degrés (avec des chutes soudaines de 20 à 25 degrés pendant les averses ou les vents de sable), mirent à rude épreuve non seulement l'équipe technique mais aussi les acteurs, les figurants, les militaires marocains et les cascadeurs, écrasés sous plusieurs kilos de cuirasse et de matériel.

LA BACTRIANE EN PAYS BERBERE

L'ensemble de l’équipe s’est ensuite retrouvée à 2000 mètres d'altitude, dans le Moyen Atlas, en plein pays berbère, une région dont les habitants mènent encore une existence assez proche de celle d'il y a deux mille ans. Sur ce plateau, Roelfs et son équipe ont effectué un travail considérable, érigeant un vaste décor représentant une forteresse de l’ancienne Bactriane (aujourd’hui l’Afghanistan).
Six semaines de travaux de terrassement ont été nécessaires, suivies de quatorze pour la construction du décor. Comme il ne reste rien de l'antique Bactriane, Roelfs conçut la forteresse autant à partir de ses recherches que de son imagination. L'architecture afghane contemporaine comporte beaucoup de murs de brique crue, et le fort a été créé à partir d'une combinaison de terre, de plâtre et de poutres sculptées par des artisans, suggérant une culture essentiellement tribale. Cette construction a servi de décor aux noces d'Alexandre et de Roxane. Pour la séquence de la fête qui suit, Rosario Dawson (Roxane) a dû exécuter la première des deux principales scènes dansées, chorégraphiées pour le film par Piers Gielgud, ancien membre de l'English National Ballet, sur une musique de Vangelis. Gielgud a puisé son inspiration dans les danses antiques d'Afghanistan, d'Ouzbekistan, d'Inde et de Perse.
“C'est une espèce de rite d'accouplement tribal, explique le chorégraphe, dans lequel Roxane manifeste avec beaucoup d'intensité le côté agressivement sexuel de sa nature. Elle marque la cérémonie de son empreinte avec cette danse hypnotique, pleine de séduction. Rosario n’a pas étudié la danse, mais elle s'en est tirée à merveille. Elle est subtile, elle bouge bien et a très vite appris.
Le groupe qui se produit avec elle, et qui interprète les suivantes de Roxane, était composé de danseuses venues de Londres.”
“Cette danse a été la réalisation d'un rêve, explique Rosario Dawson. J'ai été ballerine pendant deux semaines de répétition. C'était la première scène importante que je tournais pour le film et c'était une rude épreuve pour les nerfs. J’en ai été très fière après, parce que tous les types baraqués qui venaient de tourner des scènes de bataille pendant un mois ont semblé vraiment
impressionnés. Je me suis dit, ça y est, je fais partie de l'équipe !”.

La fournaise du tournage dans le désert était désormais remplacée par les nuits glaciales de l'Atlas, les sons joyeux d'une véritable noce berbère glissaient parfois dans la vallée jusqu'aux noces de cinéma que l'équipe était en train de tourner. Les nombreux costumes créés pour cette séquence témoignent du métissage culturel du monde d'Alexandre, en particulier la splendide et exotique parure de noces de Roxane. “Je me suis inspirée d'un article de National Geographic sur l'Afghanistan contemporain que m'avait passé Oliver, se rappelle Beavan. Les techniques de tissages mêlés de fils d’or n’ont pas changé depuis deux mille ans”.

LES PORTES DE BABYLONE

Après être montée d'encore cinq ou six cents mètres dans l'Atlas, jusqu'à Oukaimeden, pour filmer la traversée des étendues neigeuses de l'Hindu-Kush, la production redescendit jusqu'à la zone industrielle de Marrakech. Dans ce quartier plutôt sinistre d'entrepôts et d'usines, se sont dressées - comme par miracle - les portes monumentales de Babylone.
“Le décor que nous avons construit est énorme, dit Roelfs, mais il ne représente qu'une parcelle d'une cité bien plus gigantesque encore. Des fragments des portes orientales de Babylone sont aujourd'hui conservés dans un musée berlinois. Ils m'ont fourni des idées formidables pour la conception générale, mais je n'ai pas voulu en faire une simple copie. Après réflexion, j'ai choisi de situer les portes principales de la ville à l'entrée d'un pont franchissant l'Euphrate. À ce moment Babylone était en effet la terre où coulaient le lait et le miel, un pays fertile sur les rives d'un grand fleuve. Quand Alexandre et ses troupes y font leur entrée, il faut que l'on comprenne qu'il s'agit du lieu le plus riche de la Terre.”
Éclatantes de céramique bleue et de hautsreliefs représentant des créatures
mythologiques, les portes de Babylone furent reconstruites à l’échelle atteignant une hauteur spectaculaire. Les immenses portes de bois étaient armées de ferrures ouvragées et les grandes statues de taureaux ailés qui se dressent sur le pont furent sculptées en Angleterre et expédiées au Maroc pour y être
peintes et polies.

MACEDOINE, IVe SIECLE AVANT J.-C.

C'est sur les bords de l'Atlantique, dans la région d'Essaouira, qu'Oliver Stone recrée la Macédoine de l’enfance d’Alexandre. Les premières séquences tournées devaient être celles du marché aux chevaux où le jeune Alexandre rencontre pour la première fois, puis dompte, le cheval qui sera le compagnon de toute sa vie, Bucéphale. Le temps extrêmement changeant de cette saison permit heureusement que le soleil paraisse juste avant le début du tournage. Le plateau avait été installé dans une luxuriante vallée verte aménagée de terrasses et de routes empierrées et plantée de cyprès par l’équipe du film. Plus de cinquante ânes et chevaux étaient à vendre au marché, qui comportait également des étals de fruits et de légumes d'automne. Deux pavillons de part et d'autre d'une piste d'équitation étaient destinés à Philippe et Olympias, époux séparés incarnés par
Val Kilmer et Angelina Jolie. Pour incarner le roi borgne, Val Kilmer a dû accepter de prendre du poids, comme il l'avait fait voilà près de quinze ans, pour les dernières séquences du film LES DOORS. Il lui a fallu aussi passer chaque jour une heure au maquillage pour qu'on lui applique le tissu cicatriciel très réaliste, mais particulièrement gênant, qui couvre l'oeil perdu par Philippe au combat.
“Philippe, explique l'acteur, avait jeté les fondations de tout ce qui permit à son fils de devenir Alexandre le Grand. C'était un personnage fort en gueule, aimant les femmes et l’alcool. Sa puissance au combat était terrifiante, comme celle de son fils. Philippe avait une connaissance aiguë de la nature humaine.
Chaque fois qu'il s’emparait d'une région, il y établissait la paix puis des liens de famille par les mariages.”
Adoratrice de Dionysos, la reine de Macédoine Olympias s'entourait volontiers de serpents. Angelina Jolie s'habitua rapidement à avoir des vipères enroulées autour du cou ou ondulant à ses pieds, ce qui allait être le cas pendant une bonne partie du tournage.

LES LECONS D'ARISTOTE

C'est un petit temple en ruines dédié à Pallas Athena, érigé à 38 km au sud d'Essaouira sur une avancée rocheuse, qui a servi de cadre aux leçons que donne Aristote au jeune Alexandre et à ses amis. L'idée de redonner vie à Aristote a enthousiasmé Christopher Plummer : “C'est un rôle difficile à jouer, admet l’acteur, car nous n’avons que très peu d’indications sur Aristote. Les écrits qui lui sont consacrés ne s'accordent pas entre eux. Pour son apparence, on doit se fier par exemple à de vieilles statues. Je me suis remis entre les mains d'Oliver, il faut jouer le scénario tel qu'il est écrit, en y introduisant autant de couleurs qu'on peut, pour suggérer l'intelligence d'Aristote, son esprit, son énergie et son charisme presque hypnotique d'enseignant. Pas facile dans une scène plutôt courte. Mais très motivant quand on travaille avec un homme qui a lui-même écrit la scène et dans le décor extraordinaire de Jan Roelfs.”
Aristote aborde des sujets aussi différents que la géographie, la politique, la religion, aussi bien que la sexualité telle qu’on la concevait à l’époque. Cette leçon était suivie par Alexandre et par ceux qui deviendront, plus tard, ses plus proches compagnons, parmi lesquels, Héphaïstion. Le réalisateur s'est attaché à traiter des moeurs sexuelles de l'époque avec naturel, sans fausse pudeur ni sensationnalisme.
“Dans la Grèce antique, explique Oliver Stone, la semence mâle était considérée comme la source de toute création et l'on ne comprenait pas vraiment le rôle de la femme dans ce processus. Dans cette société profondément patriarcale, les femmes étaient traitées en citoyennes de seconde classe, ainsi qu'Aristote l'enseigne à Alexandre et à ses amis.”
“On pensait alors, ajoute Colin Farrell, que le partage des connaissances et des contacts physiques était une chose très pure entre hommes. C'est Eros, le pur amour, qui présidait à l'éducation, à la croissance et au partage. Il n'y avait ni homosexualité ni bisexualité. Il n'y avait qu'une sexualité, inévitable chaque fois qu'elle se produisait.
Héphaïstion est un garçon avec lequel Alexandre a grandi, qu'il aime de tout son amour et qui, du début jusqu'à la fin de sa vie, a été son seul vrai compagnon, dans le sens le plus noble du mot, un véritable ami.”

UN AMPHITHEATRE MACEDONIEN

À quelques kilomètres de là, à Boufarziza, un grand décor était en préparation : la reconstitution d'un amphithéâtre macédonien entouré de vingt constructions, parmi lesquelles un autre temple plus vaste dédié à Pallas Athena. Peints de couleurs vives, les bâtiments et les statues viennent rappeler opportunément que l'architecture de l'Antiquité n'a pas été aussi uniformément blanche que ce qu'il en subsiste.
“Nous avons beaucoup expérimenté avec les couleurs, explique Roelfs. Trop, et on se serait cru dans un parc à thème. Pas assez, et il n'y aurait plus eu ni vie, ni réalisme.” Les proportions de l'amphithéâtre étaient volontairement modestes, comme il convient à une ville provinciale.
“La Macédoine était loin d'être aussi fastueuse qu'Athènes, Thèbes ou Sparte”, poursuit Roelfs, qui fit créer pour l'amphithéâtre des statues polychromes de chaque dieu, presque criardes, d'un aspect délibérément plus théâtral qu'artistique. Cette séquence est l'occasion de découvrir l'une des créations les plus audacieuses de Jenny Beavan : la robe rouge qu'arbore Angelina Jolie, au milieu d'un océan de lin blanc porté par les centaines d'autres acteurs et de figurants.
“Oliver voulait que les scènes de l'enfance d'Alexandre soient relativement monochromes, explique Jenny Beavan, mais la robe rouge indique à quel point Olympias se distinguait à la fois dans la société macédonienne et dans le coeur et l'esprit d'Alexandre.”

Le tournage (suite)
DANS LES PALAIS DE PELLA, DE BABYLONE ET D'ALEXANDRIE

Pendant qu’une équipe tournait au Maroc, une autre équipe était à l'oeuvre à Londres pour achever les décors énormes conçus par Jan Roelfs, sur les plateaux des deux studios de Pinewood et de Shepperton. 100 mètres de long, 42 mètres de large, 12 mètres de haut, le “plateau 007” de Pinewood, semblable à un hangar, est le plus grand plateau en dur du monde. Deux des décors d'ALEXANDRE, dessinés par Roelfs, allaient remplir complètement cet espace : le palais de Babylone et la cour à ciel ouvert d'un palais indien. Ces constructions ont exigé 300 tonnes de plâtre, 6 km de poutres, 16 km de tuyauterie et 750 rouleaux de toile, que Roelfs et son équipe ont transformés en répliques très élaborées de ces monuments aujourd'hui disparus. Le film a nécessité le savoir-faire de seize directeurs artistiques avec leurs assistants, de trois “storyboarders”, de quatre illustrateurs et de sept dessinateurs. Pour réaliser ces plans, cent vingthuit menuisiers et charpentiers, quarante-six peintres, quatre-vingt trois plâtriers et treize sculpteurs ont été employés.

PELLA, PALAIS ROYAL MACEDONIEN

Le tournage à Pinewood a démarré dans un décor de caverne inondée. Cette caverne est ornée de vingt fresques primitives, illustrant des mythes grecs. Philippe de Macédoine y enseigne au jeune Alexandre, son fils, les moeurs violentes et terrifiantes du monde dans lequel ils vivent. L'intérieur et la cour du palais royal de Pella, capitale de la Macédoine où naquit Alexandre, ont été filmés ensuite sur le plateau voisin.
“Avec ce palais, nous voulions montrer d'où Alexandre était parti, explique Roelfs. À l'époque, la Macédoine était beaucoup moins évoluée que les autres cités grecques.”
La réalisation du palais de Pella a représenté un travail considérable. Les appartements d'Olympias - dans lesquels Alexandre passe les premiers jours de sa vie - sont décorés de vastes fresques illustrant divers épisodes de l'Iliade, notamment le sac de la ville de Troie et l'épisode où Achille traîne le cadavre d'Hector vaincu, derrière son char - occasion de souligner encore l'influence que ces récits ont eue sur le jeune garçon. Les sols sont pavés de galets (en réalité un matériau moulé), les murs décorés de basreliefs représentant des silhouettes humaines. Une petite statue polychrome de Pallas Athéna et d'autres détails de l'époque ont été fournis par l'équipe de Roelfs. La cour du palais a servi de cadre aux noces de Philippe, ainsi qu’à une séquence où Alexandre et ses jeunes amis s'entraînent à la lutte.

LE PALAIS INDIEN

“Il ne nous reste rien de l'architecture indienne de cette époque, explique le chef décorateur. Les Palais en bois ont tous été perdus. Dans cette partie du film, Alexandre et ses hommes sont en Inde pendant la mousson. Tout est donc luxuriant, vert et sombre. Nous avons imaginé une cour à ciel ouvert, ornée de bassins, d'un palais grandiose.”
Roelfs a commencé sa carrière sur des films de Peter Greenaway et il n’est pas étonnant que ses conceptions soient théâtrales. Il accorde de l’importance à la couleur, à la texture et à la lumière. Il s'est inspiré des sanctuaires indiens.
Cent cinquante charpentiers, plâtriers, peintres et sculpteurs ont travaillé 4 mois pour construire ce décor. Un immense dais brodé recouvre le centre de la cour et les bassins qui l'entourent. C'est le théâtre d'une séquence cruciale et spectaculaire du film, qui commence par une danse extrêmement sensuelle de Bagoas, le domestique perse d'Alexandre. Cette danse est la création du chorégraphe Piers Gielgud. Le rôle de Bagoas est tenu par un danseur de l'English National Ballet, l'Espagnol Francisco Bosch.
“Francisco est l'un des meilleurs jeunes danseurs actuels, affirme Gielgud. Il fallait que sa prestation semble venir d'un autre monde…”

BABYLONE, LES FASTES DU GRAND ROI

“Babylone est indiscutablement le décor le plus riche que j'aie jamais réalisé, explique Roelfs, pas pour me faire plaisir, mais parce que c'était absolument nécessaire. L'entrée d'Alexandre dans Babylone est l'apogée de sa conquête. Il n'a jamais vu une telle splendeur et n'a jamais rencontré une culture, par tant d'aspects, supérieure à la sienne. La conception a été assez rapide. C'est l'un des premiers décors pour lequel je savais exactement ce que je voulais. En revanche, sa construction, qui a duré plus de quatre mois, a représenté un vrai défi technique et a demandé une quantité impressionnante de plans. J'avais décidé d'y intégrer les célèbres jardins suspendus de Babylone, de telle sorte qu'il s'agisse d'un palais à la fois fermé et ouvert sur l'extérieur. Je voulais aussi de très hauts plafonds et de nombreux niveaux différents à l'intérieur du palais. Ce devait être le décor le plus luxueux, le plus fouillé, le plus exubérant de tous et nous en avons travaillé le moindre détail. Toutes les surfaces portent des sujets sculptés ou gravés. Une quantité de détails absolument incroyable ! Une partie de la porte d'Ishtar, l’entrée principale de Babylone, existe encore. Au XIXe siècle, un certain nombre d'archéologues français et allemands l'ont examinée et beaucoup d'ouvrages la décrivent. Un Allemand en a emporté la moitié pour la faire remonter dans un musée de Berlin. Notre décor reprend les briques de céramique bleue sculptées d'animaux, d'arbres et de créatures mythologiques. La tête de taureau et les cent trente-quatre fûts de colonnes sont également le fruit de nos recherches.”
La partie la plus éblouissante du décor est probablement la chambre à coucher de Darius, qu'Alexandre s’approprie après avoir défait le Grand Roi à Gaugamèle. Les paravents de bois minutieusement sculptés ont tous été réalisés à la main au Maroc. L'immense éventail suspendu qui porte l'image de la divinité suprême perse, Ahura Mazda, ainsi que les dais et les tentures, tissés au Pakistan, ont été également réalisés à la main. Ce décor nous fait découvrir une ville dont le paysage est parsemé de hautes tours, de ziggurats, de ponts, de jardins, de chaussées pavées. Toute une civilisation à son apogée. Les fameux jardins suspendus ont été recréés avec minutie. Une fois le palais entièrement peuplé d'acteurs et de figurants, éclairé de torches, dans les fumées d’encens, et tandis qu'un système de pompes alimentait les fontaines et les bassins, qui ajoutaient à la splendeur du lieu, l'illusion était complète. Oliver Stone lui-même était parfois surpris de passer du plateau à la triste lumière de l'hiver britannique. “Quand nous avions pénétré dans ces palais imaginaires, il nous devenait très difficile d'en ressortir.”, ajouta-t-il.

ALEXANDRIE, EGYPTE

Pinewood ne disposant pas d'autre plateau, la production passe aux studios Shepperton, de l'autre côté de Londres, pour le dernier décor : une reconstitution d'un des plus grands trésors perdus de l'humanité, la bibliothèque d'Alexandrie. On allait y filmer plusieurs séquences avec Anthony Hopkins dans le rôle de Ptolémée âgé. Ce décor comporte deux pièces principales : le cabinet de Ptolémée, dans une vaste rotonde, et une terrasse surplombant le port de la ville, le tout dans un style architectural combinant les influences égyptiennes et grecques. Les murs de l'atrium, dont le sol est dallé de marbre à motifs géométriques, sont décorés de mosaïques représentant les hauts-faits d'Alexandre, notamment la charge contre le char de Darius (inspirée d'une oeuvre découverte dans les ruines de Pompéï), et Alexandre sur Bucéphale, qui affronte un roi indien monté sur un éléphant. Le long des murs courent des étagères où sont alignés les milliers de rouleaux qui faisaient la richesse unique de cette bibliothèque.

ALEXANDRE ACCOMPLIT SON REVE D'ORIENT

Toute l’équipe s’envole de Londres pour la Thaïlande, choisie pour tourner les scènes dans l’Inde de l’Antiquité. Après quatre mois de tournage, le plus dur restait à venir. Douze ans auparavant, Oliver Stone avait filmé la plus grande partie du décor vietnamien de ENTRE CIEL ET TERRE en Thaïlande. Comme dans ce film, Santa Pestonji, figure importante de l'industrie du cinéma thaïlandais allait fournir les services de production locaux. Stone a engagé des centaines d'Indiens, installés en Thaïlande, comme guerriers et figurants, ainsi que les deux stars du cinéma thaïlandais, Bin Bunruelit et Jaran Ngandee pour jouer les rôles du roi et du prince indiens qui défieront Alexandre sur le champ de bataille. Un autre élément important avait attiré Stone en Thaïlande : la nécessité de trouver trente éléphants pour la bataille féroce qui oppose les troupes macédoniennes et indiennes, dans la jungle. Ce combat n'est pas la transposition d'un événementdonné, il associe des éléments de plusieurs affrontements qui ont eu lieu pendant la campagne indienne d'Alexandre.

UN CASTING D'ELEPHANTS

“La résolution des problèmes liés à cette bataille, afin qu'elle soit conforme au script, a probablement représenté le plus grand défi du film, raconte Jon Kilik, étant donné la quantité considérable d'hommes, de chevaux et d'éléphants qui devaient y participer. Nous avons visité deux ou trois élevages en Thaïlande, chargés de la préservation des éléphants et avons fini par découvrir l'Ayutthaya Elephant Palace, dont les responsables étaient parfaitement aptes à dresser et maîtriser leurs pachydermes de manière à recréer cette bataille. Nous avons également fait appel à Richard Lair, de l'Elephant Conservation Center de Laphung. Le script demandait un certain nombre d'actions bien précises que les éléphants devaient accomplir : se cabrer, se coucher et faire le mort. Les éléphants et leurs cornacs ont répété pendant 2 mois.”

HOMMES ET ANIMAUX A LA PEINE

Comme au Maroc, le gouvernement thaïlandais a fourni à la production un grand nombre de militaires. Les figurants thaïlandais ont appris très vite la formation en phalanges, comment rompre les rangs et se regrouper dans l'environnement particulier de la forêt, les tactiques et le maniement d’armes comme il y a 2300 ans. “On peut difficilement demander à des éléphants de suivre
des marques, observe Dye. Nous avions un troupeau d'éléphants extraordinaires, entraînés depuis des mois. Certains des cornacs ont commencé à travailler avec leurs animaux quand ils n'étaient encore que des éléphanteaux. Il nous a surtout fallu débarrasser les éléphants d'une partie de leur douceur naturelle et leur inculquer une dose d'agressivité qui leur permette d'avoir l'air d'éléphants de combat. Provisoirement, bien entendu.” Pour entraîner ses troupes, Dye a dû affronter certains des problèmes auxquels Alexandre lui-même s'était heurté. “La phalange a 28 29 été la formation de combat la plus redoutable pendant 150 ans. Le problème en Inde, c'est qu’elle était contrainte de rompre les rangs et de se séparer, perdant ainsi sa cohésion et son unité, pour circuler autour des obstacles naturels. Quand Alexandre utilise la phalange en terrain plat et dégagé comme à Gaugamèle, elle a toute la force nécessaire, mais dès que le terrain présente des obstacles, la phalange est en danger et c'est exactement ce que nous avons montré lors de cette bataille dans la forêt.”

CHEVAUX CONTRE ELEPHANTS

Le spectacle de vingt énormes éléphants cuirassés et peints pour la guerre, surmontés chacun de son cornac dans son howdah (nacelle), entourés de guerriers accrochés à leurs flancs par des cordes, qui chargent et dispersent une phalange macédonienne, est une image qui ne s'effacera pas de si tôt de la mémoire des témoins, acteurs ou techniciens.
“Quand on voit une charge d'éléphants qui court à votre rencontre, on peut se faire une idée de la peur que les hommes d'Alexandre ont dû éprouver à la vue de ces monstres inconnus d’eux, souligne Dye. Leur taille est à elle seule extraordinairement intimidante et, aussi doux et bien dressés qu'ils soient, ils restent des animaux. Il faut garder à l’esprit que cette bête de quatre tonnes peut vous piétiner, sans oublier les différents gestes à accomplir, ni les déplacements qui vous ont été assignés tout en veillant à ne blesser personne, sans quitter des yeux l’animal qui peut à tout moment s'emballer.”
Richard Hooper, l'armurier, a fourni pour cette bataille 500 boucliers, le même nombre de glaives, de haches et de gourdins, 150 arcs et 2000 flèches ainsi que le caparaçon des cavaleries perse et macédonienne et des trente éléphants. Le paysage forestier de la bataille, a été provisoirement transformé par Roelfs. “Nous avons tourné pendant la saison sèche et il nous a donc fallu arroser la portion de forêt mise à notre disposition pendant trois mois. Pour des raisons pratiques de mise en scène et d’éclairage, nous ne pouvions pas tourner dans une vraie jungle. Nous l’avons donc recréée.”

L'ADIEU A L'ORIENT

Pour finir, l'équipe se rend à l'extrêmité orientale de la Thaïlande, la province rurale d'Ubon Ratchathani, où des falaises surplombant le Mékong figuraient les rives du fleuve Hyphase, en Inde.
“C'est là qu'Alexandre dit adieu à son rêve d'Orient” souligne Roelfs. C’est là aussi, que toute l'équipe allait clore le tournage. Un accident va marquer ces derniers moments : Colin Farrell se casse la cheville et le poignet à l'hôtel. Il restait encore quelques séquences à tourner en Ubon Ratchathani. Farrell part aussitôt à Bangkok se faire poser un plâtre amovible sur la jambe. De retour le lendemain matin, il est de nouveau devant les caméras peu après le lever du soleil, claudiquant sur le terrain rocailleux pour une scène dans laquelle il doit, très opportunément, avoir l'air de venir d'échapper de justesse à la mort après avoir été gravement blessé dans le combat. Entre les premiers jours au camp d'entraînement marocain et les derniers jours de tournage en Thaïlande, l'art et la vie avaient fini par se confondre.

LE CLAP DE FIN

Dix ans, quelques mois… et quatre-vingt quatorze jours plus tard.
“L'aventure du film a ressemblé à l'histoire qu'il raconte, constate Jon Kilik. Il a réuni un véritable mélange de cultures et de personnalités, qui lui ont toutes apporté une voix et un style.” Stone se rappelle les tout derniers moments du tournage :
“Colin boitait depuis une semaine et nous savions qu'il avait mal. Je me rappelle sa tête pendant qu'on l'emmenait en fauteuil roulant jusqu'à la voiture qui le conduirait dans la forêt où il allait devoir enfourcher Bucéphale et recommencer à se battre. Il souffrait énormément mais le supportait avec le sourire, probablement parce que, comme nous tous, il ne voulait pas revenir deux ou trois mois plus tard pour recommencer. Je me rappellerai toujours, poursuit le réalisateur, de la dernière image de Colin, debout avec ses béquilles, le visage, le corps et la cuirasse ruisselants de sang, son merveilleux sourire et son regard fou d'Irlandais. On avait réussi. On était allé jusqu'au bout, on avait tenu le pari, et Colin avait vraiment l'air d'être au bout du rouleau.”
Le dernier jour en Thaïlande, tandis que le soleil se couche sur le Mékong, Colin Farrell - Alexandre fait ses offrandes à Zeus sur un grand autel qui domine son armée, avant d’entreprendre le long voyage de retour vers la Macédoine.

Galerie de portraits
LES PARENTS D'ALEXANDRE

# Philippe II

Monté sur le trône (le Macédoine en 359 av. J.-C., Philippe II, le père d'Alexandre, avait l'âme d'un conquérant. Après avoir affermi localement son pouvoir, il entreprend de rallier les grandes cités grecques et les contraint à signer un traité (le Traité de Corinthe) qui, tour en préservant leur autonomie, les place - militairement au moins - sous son autorité. Philippe est assassiné en 336 par un jeune noble macédonien, lors du mariage de sa fille Cléopâtre, la soeur d'Alexandre.
Outre un caractère bien trempé, Alexandre allais hériter de ce guerrier intrépide le principe de la phalange (formation de fantassins armés de piques, qui fera merveille dans les combats en terrain dégagé) et une solide formation de stratège et d'homme politique.

# Olympias

La mère d'Alexandre avait épousé très jeune Philippe II, roi de Macédoine. Elle était lu fille du Roi d'Épire (Albanie actuelle). La rumeur prétend - et Philippe lui-même était porté à le croire - que c'est Zeus, sous la forme d'un serpent (animal favori de la reine), qui se serait uni à elle pour engendrer Alexandre. On prête également à cette femme de tête - mais rien ne l'atteste - d'avoir fait assassiner son époux par jalousie, après qu'il eut épousé la nièce d'un de ses généraux, Attale. Il est en tout cas avéré que c'est elle qui donna l'ordre d'égorger cette nouvelle femme et le nourrisson auquel elle avait donné le jour. Très influente sur Alexandre, Olympias a toujours été en contact avec son fils, tout au long des campagnes de celui-ci. Elle meurt assassinée en 318 av. J,-C. sur l'instigation de Cassandre, ancien compagnon d'Alexandre qui s'est autoproclamé roi de Macédoine.

LES COMPAGNONS DE TOUTE UNE VIE

# Héphaïstion

On disait du plus proche compagnon d'Alexandre, ami d'enfance et général fidèle, qu'il était son “Patrocle”, en référence à l'ami du héros de la guerre de Troie, Achille, auquel Alexandre aimait à se comparer. Héphaïstion a accompagné Alexandre dans toutes ses campagnes et partagé sa gloire.
Quand il meurt, en 324 à Ecbatane, victime d'un excès alimentaire (selon Plutarque, un coq bouilli et deux litres de vin) alors que son médecin avait exigé une diète sévère, Alexandre, fou de douleur, fait crucifier le médecin et donne à son ami des funérailles grandioses. Il fait élever pour lui un bûcher gigantesque (de 180 mètres de côté, selon Diodore de Sicile), orné somptueusement et sacrifier “dix mille victimes variées”
(Diodore)

# Ptolémée

Il fut l'un des plus fameux diadoques, ainsi nommait-on les généraux d'Alexandre. Ami d'enfance du conquérant, Ptolémée allait hériter de l'Égypte et y fonder une dynastie dont l'une des représentantes éminentes sera, deux siècles plus tard, la grande Cléopâtre.
Ptolémée a écrit une chronique des conquêtes d'Alexandre, mais ce texte a disparu. C'est lui qui s'arrogea la dépouille d'Alexandre et la fit transporter en Égypte, à Alexandrie, dont il avait fait sa capitale et où il fit construire la célèbre bibliothèque.

# Cassandre

Fils d'Antipatros, auquel Alexandre avait confié la “régence” de la Macédoine et de la Grèce en son absence, Cassandre a partagé l'enfance et les jeux d'Alexandre. Après la mort d'Alexandre, il se proclame roi de Macédoine. Il fait assassiner la reine mère, Olympias, puis, en 311, décide de supprimer Roxane, la femme d'Alexandre et son fils, Alexandre IV, qui risquait à terme de lui disputer le pouvoir. On l’accusa aussi d'avoir empoisonné Alexandre, une violente dispute l'ayant opposé au roi peu avant sa mort.

# Perdiccas, Antigone le borgne, Leonnatos, Seleucos…

Avec Cleitos, Ptolémée, Héphaïstion, Cassandre, ils ont partagé la jeunesse d'Alexandre et l'enseignement d'Aristote à la cour de Pella. À des titres divers, ils ont occupé ensuite, les plus hautes fonctions dans l'armée, constituant l'état-major d'Alexandre et sa véritable “garde rapprochée”. Ils se disputèrent un morceau de l'Empire, ne manquant pas de se déchirer, se trahir et, parfois, se faire la guerre.

# Roxane

Elle était la fille d'un noble de Bactriane, Oxyartès. Première épouse d'Alexandre, elle lui donnera un fils posthume, Alexandre IV. Roxane, la radieuse. “D'une beauté sans égale chez les Barbares”, selon Quinte-Curce. Elle fit elle-même étrangler la malheureuse Stateira, fille de Darius et deuxième femme d'Alexandre, après la mort de celui-ci.

# Bucéphale

Littéralement “tête de boeuf”. Alexandre était encore un adolescent lorsqu'il fit la conquête de l'animal. Alors que le roi Philippe avait déjà refusé d'acheter ce cheval fougueux, le jeune Alexandre proposa qu'on le laisse essayer de le monter et promit d'en payer lui-même le prix s'il n'y parvenait pas. On connaît la suite. Cet exploit de jeunesse, qui devait autant à l'intelligence qu'aux talents équestres du jeune garçon, impressionna fortement les témoins de la scène au premier rang desquels le roi Philippe. Bucéphale allait le suivre jusqu'en Inde. Il mourra lors d'une bataille. Alexandre, profondément affecté par sa mort, fonde une ville à son nom : Bucéphalie.

DEUX GENERAUX INFORTUNES

# Parménion

Le vieux général, compagnon de la première heure de Philippe II, a servi Alexandre avec vaillance, jusqu'à ce que ce dernier décide de le faire supprimer.
Parménion n'avait pas démérité, il avait juste le tort d'être le père du “traître” Philotas.

# Philotas

Fils de Parménion, il est depuis l'enfance un compagnon fidèle d'Alexandre et un vaillant général de son armée. Il est torturé et exécuté en 330 pour n'avoir pas, croit-on, dénoncé un complot qui visait le roi.

L'ADVERSAIRE

# Darius III, le Grand Roi

Le souverain perse régnait sur un immense empire parfaitement administré, qui s'étendait de l'Égypte à l'Indus, soit 4000 kilomètres d'est en ouest. Il disposait d'une armée puissante et de richesses colossales. Cela n'empêcha pas Alexandre de le combattre et de lui ravir, province après province, l'ensemble de ses possessions. Défait au Granique, à Issos, à Gaugamèle, le Grand Roi proposa à plusieurs reprises à Alexandre de lui céder une partie de l'empire et de s'allier avec lui. Mais le dessein du conquérant était autre. Darius III est assassiné en 330 par un satrape félon, Bessos, alors qu'il fuyait devant les troupes ennemies. Alexandre mit un point d'honneur à honorer sa mémoire, lui réservant des funérailles royales.

LE PHILOSOPHE PRECEPTEUR

# Aristote

Le philosophe, élève de Platon, doué d'un savoir encyclopédique, avait été sollicité par Philippe II pour éduquer son fils. Son enseignement profita également aux jeunes nobles élevés avec celui-ci, ses futurs généraux. Il semble qu'Alexandre ait été particulièrement intéressé par les leçons touchant à l'organisation politique des royaumes et des cités et qu'il se soit également montré très curieux de médecine, art où Aristote avait également compétence.

Les grandes dates
Juillet 356 av. J.-C.
Naissance d'Alexandre à Pella, en Macédoine. Son père, Philippe II, est roi ; sa mère, Olympias, est la fille du roi des Molosses, en Épire. On le dit descendant d'Héraclès et d'Achille, auquel il vouera un culte toute sa vie. Mais la légende lui prête également pour père Zeus lui-même.
“Du côté paternel, Alexandre descendait d'Héraclès par Caranos, du côté maternel, d'Éaque par Néoptolème : ce point est parfaitement attesté.” Plutarque

Vers 343 av. J.-C.
Le philosophe Aristote est requis par Philippe II, à la cour de Pella, pour l'instruction morale, philosophique et politique d'Alexandre. Celui-ci avait jusqu'alors été placé sous l'autorité de Léonidas, un parent de sa mère qui a veillé à lui donner une éducation propre à l'endurcir.
“Voyant que son fils était d'une nature inébranlable et renâclait devant toute contrainte, mais se laissait facilement conduire à son devoir par la raison (…) Philippe envoya chercher le plus illustre et le plus savant des philosophes, Aristote.” Plutarque

340 av. J.-C.
Alors que le roi, son père, combat en dehors du pays, Alexandre se voit confier la régence du pays. Il a seize ans.

338 av. J.-C.
Alexandre participe aux côtés de Philippe à la bataille de Chéronée, où les
Macédoniens défont les armées de Thèbes et d’Athènes. Fort de cette victoire, Philippe II suscite, à Corinthe, la création d'une ligue ayant pour but d'établir la paix entre les cités grecques et de constituer une armée sous son commandement, pour aller combattre les Perses.
“Je jure par Zeus, Gé, Hélios, Poséidon, Athéna, Arès, tous les dieux et déesses, que je resterai dans la paix et ne briserai pas les traités conclus avec Philippe de Macédoine.”
Traité de Corinthe

337 av. J.-C.
Philippe II épouse la nièce d'un de ses généraux, Attale. Lors des cérémonies, une violente dispute oppose Alexandre à son père, après qu'Attale ait publiquement souhaité que sa nièce donne un héritier au trône de Macédoine…
“Attale, l'oncle de la mariée (…) invita les Macédoniens à prier les dieux d'accorder à Philippe un fils légitime qui hériterait de la royauté. Aussitôt Alexandre, furieux, s'écria : “Et moi, mauvaise tête, suis-je donc un bâtard ?” Plutarque

336 av. J.-C.
Assassinat de Philippe II. Avènement d’Alexandre, il a vingt ans.
“Pausanias, jeune seigneur macédonien, qui n'excitait aucun soupçon, le poignarda dans un passage obscur où il s'était posté et changea en un jour de tristesse et de deuil ce jour d'allégresse publique.” Justin

335 av. J.-C.
Alexandre, à la tête de l'armée macédonienne, se rend jusqu'aux rives du Danube afin de mettre un terme aux troubles qui ont éclaté aux frontières septentrionales du royaume. Puis il doit faire face à la révolte de plusieurs cités grecques, encouragées à la rébellion par la mort de Philippe. Il assiège, conquiert et pille la ville de Thèbes. Cette victoire lui vaudra dès lors l'allégeance des cités grecques : la Ligue de Corinthe le nomme général en chef, chargé d'une expédition militaire contre l'empire perse pour libérer et venger les cités soeurs d'Asie Mineure du joug des “Barbares”.

334 av. J.-C.
À la tête des armées grecques coalisées, Alexandre prend pied en Asie, près de Troie. Le premier affrontement avec Darius III, roi des Perses, alors à la tête d'un immense empire, a lieu sur les bords du Granique. Quoique inférieures en nombre, les troupes d'Alexandre défont l'armée perse et la contraignent à la retraite. Alexandre poursuit sa route vers le sud, libère les cités grecques puis conquiert une à une les régions côtières de l'Asie Mineure.
“Quand il se rendit compte que les Thébains le méprisaient, il décida d'anéantir la ville et d'arrêter ainsi dans leur élan (…) les audacieux qui songeaient à la révolte.” Diodore

Novembre 333 av. J.-C.
Grande bataille entre Alexandre et Darius à Issos. Parvenu à priver l'armée perse de son aile gauche, Alexandre contraint Darius à la fuite. Celui-ci abandonne derrière lui les cadavres de plus de 100000 soldats, sa mère, sa femme et ses enfants. Darius, qui reconnaît la victoire d'Alexandre, propose de lui céder une partie de l'Asie Mineure et de devenir son allié. Alexandre refuse.
“Désormais, quand tu t'adresseras à moi, fais-le comme au roi de l'Asie. Ne m'écris pas d'égal à égal.” Alexandre à Darius

332 av. J.-C.
Ayant conquis les villes côtières de Syrie, de Phénicie et de Palestine, Alexandre parvient à soumettre la ville de Tyr après six mois de siège. Il y fait crucifier 2000 habitants, pour l'exemple. Puis il assiège Gaza, la soumet, avant d'envoyer par le fond les derniers navires de la flotte perse et de faire son entrée en Egypte.

331 av. J.-C.
Bien accueillie par les Égyptiens, Alexandre ne rencontre pas de résistance chez l'occupant Perse. Dans le delta du Nil, Alexandre décide de créer une nouvelle cité : ce sera Alexandrie. Puis il se rend en plein désert jusqu'au temple d'Ammon (assimilé à Zeus) où l'oracle lui confirme son ascendance divine et lui prédit un destin prodigieux. À son départ, au printemps, le pays fait désormais partie de son empire naissant.
“Lorsque Alexandre eut traversé le désert et fut parvenu à destination, le prophète d'Ammon le salua de la part du Dieu, en disant que c'était de la part de son père.” Plutarque
De retour en Mésopotamie, Alexandre affronte de nouveau le Grand Roi. Celui-ci a reconstitué une armée gigantesque issue de tout l'empire : entre 250000 et un million d'hommes, selon les sources.
C'est la bataille de Gaugamèle, à l'est du Tigre. Elle s'engage le 1er octobre. Une fois encore, Alexandre a pris la tête de la cavalerie macédonienne. Malgré leur supériorité numérique, les troupes de Darius sont défaites et, une fois de plus, le Grand Roi doit fuir. Un mois plus tard, Alexandre entre dans Babylone sans combattre, et se fait reconnaître maître de l'Asie.
“Beaucoup de Babyloniens s'étaient installés sur les murs, avides de connaître leur nouveau roi (…) le chemin entier était jonché de fleurs et de couronnes (…) des deux côtés étaient installés des autels d'argent.” Quinte-Curce

330 av. J.-C.
Alexandre a conduit ses troupes jusqu'à Persépolis, capitale de l'empire perse. La ville est livrée au pillage et Alexandre s'empare du trésor royal. Au cours d'une beuverie, la maîtresse de Ptolémée suggère de brûler le somptueux palais des souverains perses. Alexandre justifiera cet acte en expliquant qu'il a ainsi vengé les outrages autrefois faits aux Grecs par les aïeux de Darius. En juillet, Alexandre, qui s'était lancé à la poursuite de Darius, le rejoint près des portes caspiennes (nord de l'Iran). Il le trouve mort, victime d’un complot.
Alexandre adopte peu à peu les usages royaux perses (harem, cérémonial de cour…), ce qui suscite maintes contestations dans les rangs de ses généraux. À l'automne 330, il doit mater plusieurs révoltes régionales et faire face à un complot. Il fait exécuter l'un de ses plus proches amis, le chef de sa cavalerie, Philotas, soupçonné d'y avoir participé ; puis le père de celui-ci, compagnon de la première heure du roi Philippe, le général Parménion.
“Mort, il obtint d'Alexandre une sépulture royale et, pour ses enfants, les soins et l'éducation qu'ils auraient reçus s'il avait régné.” Arrien

329 av. J.-C.
Poursuivant l'assassin de Darius, le satrape Bessos, qui s'est proclamé Grand Roi, Alexandre conduit ses troupes toujours plus à l'est jusqu'à la Bactriane (Afghanistan). Il capture Bessos au-delà de l'Oxus, le fait juger et mettre à mort. Pendant des mois, de nombreux combats opposent ses troupes aux habitants de la Bactriane et de la Sogdiane (Ouzbekistan). Ces combats se soldent par des massacres et des pillages.

328 av. J.-C.
Lors d'un banquet très arrosé à Samarcande, Alexandre et Cleitos, son frère de lait et membre de sa garde rapprochée, s'opposent très violemment à propos du despotisme qui semble avoir gagné Alexandre. Sous le coup de la colère, Alexandre tue Cleitos. Peu après, il fera exécuter Callisthène, historien attaché à son armée et neveu d'Aristote, sous prétexte d'un complot. Il semble
que celui-ci, comme beaucoup d'autres, ait surtout eu le tort de manifester trop nettement sa désapprobation face au comportement tyrannique du successeur des rois perses.
“Alexandre s'empara de la lance d'un de ses gardes et, comme Cleitos venait vers lui (…) il l'en transperça (…) Il passa la nuit et le jour suivant à pleurer misérablement.” Plutarque

327 av. J.-C.
Alexandre épouse Roxane, la fille d'Oxyartes, satrape d'une région de Bactriane, qui lui donnera un fils posthume en 323. À l'automne, son armée de 120 000 hommes, scindée en deux corps, prend la direction de l'Inde.

326 av. J.-C.
Après de nombreux combats contre les tribus montagnardes et la soumission de plusieurs provinces indiennes, c'est le passage de l'Indus au printemps, puis la marche vers le sud-est, à la rencontre des armées du roi Poros qui refuse la souveraineté d'Alexandre. Le roi indien aligne des centaines de chars, 200 éléphants et 30000 fantassins. Vainqueur à l'issue d'un véritable carnage, Alexandre choisit de laisser Poros sur son trône et d'en faire son vassal. Dans la bataille, Bucéphale, le fidèle compagnon, est blessé à mort.
“Quand Poros fut capturé, Alexandre lui demanda comment il fallait le traiter. “En roi”, répondit-il (…) Alors Alexandre, non content de lui laisser gouverner son royaume (…) soumit des nations indépendantes et lui donna un territoire qui comprenait, dit-on, cinq mille cités importantes et un grand nombre de villages.” Plutarque
Puis l'armée reprend sa route vers le sud pour atteindre le Gange. Mais les soldats d'Alexandre, dont certains combattent à ses côtés depuis déjà huit ans, sont las de ces campagnes militaires et le font bruyamment savoir. Alexandre, à contre-coeur, doit renoncer à aller plus loin. Pour marquer la limite des territoires qu'il a conquis, et en hommage aux Dieux de l'Olympe qui l'y ont aidé, il fait élever douze autels monumentaux sur les rives de l'Hyphase.
“Rassemblant alors les plus anciens des compagnons et ceux qui lui étaient les plus intimes, comme tout conspirait pour le pousser au retour, il annonça à l'armée qu'il avait décidé de rebrousser chemin. Alors ils se mirent à hurler, comme une foule en liesse.” Arrien

325 av. J.-C.
L'armée, revenue sur ses pas, entame la descente de l'Indus. La plupart des princes locaux font allégeance à Alexandre mais certains peuples résistent, tels les Malliens. C'est dans un combat contre ces hommes qu'Alexandre reçoit la plus grave des multiples blessures (une flèche dans la poitrine) qui ont ponctué sa vie de combattant. Au début de 325, après avoir soumis les régions du sud de l'Indus, il séjourne quelques mois dans le delta du fleuve. Au printemps, il divise son armée pour lui faire rejoindre Suse par terre et par mer. En décembre, la jonction avec la flotte se fait en Carmanie, à l'entrée du Golfe persique.

324 av. J.-C.
À l'automne, son ami le plus cher et le plus fidèle depuis l'enfance, Héphaïstion, meurt subitement. Alexandre lui organise des funérailles dignes d'un roi.
“Il déclara essentiels pour affermir son empire les mariages entre Perses et Macédoniens. Il n'y avait pas d'autre moyen d'enlever leur honte aux vaincus, leur orgueil aux vainqueurs.” Quinte-Curce
“Quant aux autres Macédoniens qui avaient pris pour femmes des Asiatiques, il ordonna qu'on prenne aussi par écrit leurs noms, et ils étaient plus de dix mille. À eux aussi Alexandre offrit des cadeaux de mariage.” Arrien
“Or il se trouva que, ces jours-là, Héphaïstion avait de la fièvre. C'était un homme jeune et un soldat : il ne put se résigner à suivre une diète rigoureuse. Pendant que son médecin, Glaucos, était au théâtre, il se mit à dîner, dévora un coq rôti et vida un grand pot de vin. Après quoi il se sentit mal et mourut peu après.” Plutarque

323 av. J.-C.
Alexandre n'en a pas fini avec ses rêves de conquête. Après avoir remis de l'ordre en Perse, il envisage de conquérir les côtes arabes du Golfe persique, puis de remonter jusqu'en Égypte, point de départ d'une expédition qui le conduira ensuite à Carthage puis à Rome. Début juin, alors que le départ se profile, Alexandre est saisi de fièvres violentes à l'issue d'un banquet. Il n'y survivra pas, mourant le 13 juin, à 33 ans, vraisemblablement victime de la typhoïde ou de la malaria (paludisme). Mais la rumeur accusera Cassandre, fils d'Antipatros (auquel Alexandre avait confié le gouvernement de la Macédoine en son absence) de l'avoir empoisonné. Alexandre laisse derrière lui un immense empire que ne vont pas tarder à se disputer – et à se partager – ses généraux. Perdiccas, qui a reçu le sceau royal des mains du mourant et s'est aussitôt proclamé maître de l'Asie centrale, “distribue” les territoires conquis aux compagnons du roi défunt, tel Ptolémée, qui hérite de l'Égypte. De très nombreux conflits opposeront ceux-ci au cours de la décennie suivante. Son seul véritable héritier, né de son épouse Roxane, sera assassiné avec sa mère vers 311. Au début du IIIe siècle avant J.-C., chaque diadoque s'étant fait proclamer roi sur son territoire, l'empire est définitivement démantelé…
“Alexandre trépassait de ce monde à Babylone quand ses amis lui demandèrent à qui il laissait le royaume. “Au meilleur, dit-il, je prévois que mes amis se livreront à un grand combat funèbre en mon honneur.” Et c'est précisément ce qui se passa, car les plus éminents de ses amis se brouillèrent en se disputant la première place et engagèrent beaucoup de combats après sa mort.” Diodore

Une bande son signée Vangelis
Pour filmer les suites de la terrible et grandiose bataille de Gaugamèle, Oliver Stone a recouru à une technique habituelle chez lui : diffuser sur le plateau, entre les scènes, une musique susceptible de donner le ton et l'humeur requis aux acteurs et à l'équipe. Sur ses films précédents, il utilisait souvent une musique provisoire. Mais pour Alexandre, il a fait diffuser celle que composait au fur et à mesure, le compositeur athénien, Vangelis.
Profondément inspiré par l'histoire d'Alexandre, qui est l'un de ses héros personnels, Vangelis a écrit la musique du film sans pouvoir, étant donné la distance, visionner la moindre scène. Plongeant au coeur de l'héritage musical grec et macédonien, Vangelis n'a pas seulement écrit avec son célèbre synthétiseur mais aussi pour des instruments anciens tels les cornemuses (qui bien qu'associées à la musique celtique sont probablement nées au nord de la Macédoine, dans la Bulgarie d'aujourd'hui), les tambours, les luths et les lyres. “Il y a tout un mélange d'influences musicales dans les mélodies et les rythmes, où se fondent les cultures qu'Alexandre a rencontrées, en Perse, en Afghanistan, en Égypte et en Inde, explique le superviseur de la musique, Budd Carr. Quand on dépeint le IVe siècle avant Jésus Christ, impossible d'aller piocher dans une collection de CD ! Oliver a toujours intégré de la musique dans ses scénarios et on trouve dans le film plusieurs scènes où des groupes de musiciens jouent en Macédoine, en Perse, en Bactrie et en Inde. Avec le décorateur, nous avons fait des recherches sur la musique et les instruments de cette époque. Nous avons découvert dans la Grèce d’aujourd’hui des artisans qui fabriquent des répliques d’instruments antiques ; ce sont ceux que l’on voit et que l’on entend dans le film.”

Robin Lane Fox, conseiller historique
Oliver Stone s'est entouré de plusieurs experts pendant la rédaction du scénario, dont Robin Lane Fox, professeur d'Histoire de l'Antiquité à Oxford et auteur d’une biographie d’Alexandre (1974). Son savoir encyclopédique a été mis à
contribution par le réalisateur aussi bien dans la phase d'écriture du script que pendant le tournage.

“Je suis allé rencontrer Oliver pour la première fois à Londres voilà près de deux ans, se remémore Robin Lane Fox, et il m'a bombardé de questions. Ensuite, ça a duré des mois. Il voulait tout comprendre, depuis les manières de table des Grecs, leurs coutumes, jusqu'à ce que Aristote représentait pour Alexandre. Il a rédigé le scénario en pleine connaissance des fondements historiques de son récit et n'a pas cessé d'explorer la question. Réduire la vie extraordinaire d'Alexandre dans le cadre d'un seul film est littéralement impossible, sans compter que certains mystères ne seront peut-être jamais résolus. C'est pourquoi Oliver a pris la décision d'occulter certains incidents ou d'opérer de légers changements dans l'enchaînement des événements. Je crois qu'on peut le féliciter pour la pertinence de ses choix. Il dominait réellement son sujet et cela ressort de l'ensemble du scénario.

“Oliver, continue Robin Lane Fox, est doué d'une mémoire fantastique et il est capable de s'approprier une remarque pour la développer puis d’y ajouter quelque chose de son cru. Il possède un regard et une dimension épique réels. Beaucoup d'historiens se font une idée assez sinistre d'Alexandre. Ils ne voient en lui guère plus qu'un meurtrier paranoïaque. Des milliers de gens ont été tués au cours de ses campagnes, l'époque n'était pas tendre. Mais il faut expliquer ce que cela signifiait pour ses hommes de le suivre, de risquer leur vie avec lui, et pourquoi il possédait cette formidable faculté d'attraction qui lui permit
d'enrôler de plus en plus de soldats dans son armée, y compris ceux qu'il avait vaincus. Si l'on ne parvient pas à témoigner de cette magie, à la faire ressentir, c'est l'échec. Avec force et conviction, Oliver a su décrire de manière très intéressante les racines de l’ambition d’Alexandre, son mélange de certitudes et d’incertitudes.”