Né le 22 Avril 1937, Neptune, New Jersey, USA
4 décennies de cinéma en quelques lignes? Jack Nicholson ne se
résume pas. Qu'on s'entende, il s'agit bien d'un des rares acteurs
"bigger than life". Tellement singulier, tellement talentueux,
tellement rare qu'il trouve peu de rôles qui lui conviennent. Nicholson
est un monstre sacré vivant. Il aura touché à tous les genres avec brio
: l'horreur, la comédie, le drame social, le mélo, le drame
psychologique, le polar, le fantastique, le film d'action ... sans
parler des films cultes.
Car Nicholson cultive l'excès : le fric, qu'il brûle
tellement il en a, les femmes, le golf... et les Oscars. Avec Spencer
Tracy, il est l'acteur le plus nominé de l'Histoire. De tête, on peut
citer à peu près dix chefs d'oeuvres dans lesquels il a eu un rôle. Sa
loyauté l'a souvent fait tourner avec les mêmes réalisateurs. On
remarque aussi dans sa filmo la présence importante d'acteurs (rebelles
et politiques) derrière la caméra (Warren Beatty, Sean Penn, Dennis
Hopper). De Kazan à Kubrick, de Polanski à Arthur Penn, de Forman à
Ashby, de Burton à Antonioni, la plupart des grands maîtres l'ont voulu
sur leurs plateaux. Bien sût on note qu'avec Corman, Hellman, Rafelson,
Nichols et Brooks la relation est un peu plus profonde. Ils utiliseront
et abuseront de ce comédien plus grand que l'écran, prêt à la
surenchère dans son jeu, capable de tout faire passer dans un regard
d'acier ou un rire de requin. On ne sait jamais s'il séduit ou s'il va
dévorer sa partenaire... Cette frayeur calculée, cette folie maîtrisée,
cette fantaisie infinie produisent un effet unique sur le spectateur :
on en redemande! On se régale avec ses rôles principaux, on désire et
on se sent frustré avec ses petits rôles qu'il accepte pour la beauté
du jeu.
On le découvre avec son premier petit rôle dans La petite boutique des horreurs.
Durant 10 ans, il tournera dans des film de motards (parfois scénarisés
par ses soins) ou d'horreur, des séries Z réalisés par le pape du
genre, Roger Corman. Les débuts ne sont pas flamboyants. Même les
westerns existentialistes de Jelmman ne sont pas des mounuments du
genre. C'est à cette époque qu'il rencontre Bob Rafelson. Tous ces
films à petits budgets ne le propulsent pas tandis qu'Hoffman, Redford,
Beatty apparaissent déjà comme des étoiles montantes.
Rip Torn, finalement, lui rend un grand service en refusant son rôle dans Easy Rider, en 69. Outre la philosophie que véhicule le film, Easy Rider
permet à Nicholson de se révéler à l'industrie hollywoodienne. Le film,
un éloge de la contre culture américaine de l'époque, est un succès
phénoménal. Il obtient sa première nomination aux Oscars. ce film lui
donnera évidemment son image de marginal. Alors que Nicholson, malgré
ses positions politiques, sa mysoginie et ses provocations, est
totalement intégré au système.
Les années 60 ont été celles des films merdiques. Les années 70 lui offrent des morceaux de choix. Cela commence avec Five Easy Pieces.
C'est une scène de dîner, avec un discours sur le sandwich
poulet/salade qui en font une vâleur sûre hollywoodienne. Il rentre
dans la cour des grands. La même année, il tourne avec Vincente
Minelli. Il enchaîne avec d'autres personnages mémorables : un
politicien cynique et libidineux dans Carnal Knowledge, un animateur radio sur la mauvaise pente dans The King of Marvin gardens... Il réalise et co-écrit son premier film (Drive He said),
classé X. Copain de Polanski, laissant traîné des rumeurs d'orgies
indécentes, Nicholson a vite fait de se faire traiter de "bad boy"...
Mais en 3 films il devient une star incontournable, multi-primée (de Cannes aux Oscars), dévoilant un énorme talent : The last detail (en militaire de la Navy), Chinatown (en détective de L.A., sans doute l'un des meilleurs Polanski) et Vol au dessus d'un nid de coucou
(en prisonnier "normal" devenu patient d'un asile, sans doute l'un des
meilleurs Forman). Il peut tout jouer. Il bouleverse comme il
impressione dans sa démesure. Ces classiques du genre lui permettent
une liberté unique à Hollywood. Le fait que des films de qualité
emportent un tel succès populaire le propulse dans une catégorie à
part.
Il n'oublie pas qu'il est membre d'un club élitiste. Que le
fric fait tourner toute cette industrie. Lorsqu'il reçoit son premier
Oscar, Jack rend hommage à la grande Mary Pickford parce qu'elle fut la
première à obtenir un pourcentage sur les recettes de ses films. Grâce
à ce système, Nicholson obtiendra près de 60 millions de $ du triomphe
de Batman... Joker imparable.
Dans la seconde moitié des seventies, Nicholson abuse de son
pouvoir et tourne ce qu'il veut : une farce avec son copain Warren
Beatty, un passage dans la comédie musicale Tommy,
une participation chez Kazan, une rencontre avec Brando (pour un
salaire dérisoire de 1250 $); il réalise une comédie insolite... Bref,
il s'amuse et attend de nouveau que son étoile brille.
Kubrick lui assurera son come-back et établira son statut pour les dix
ans qui viennent, sans aucun doute la décennie la plus profitable pour
le comédien.
Avec un instinct certain, Nicholson accepte d'être Jack (Torrance) dans The Shining,
un chef d'oeuvre du Maître dans le film d'horreur (un roman de Stephen
King), avec ces interminables couloirs et cette steadycam omniprésente.
Et ce cri aliénant, "Heeeeere's Johnny!". Nicholson se lâche, sa démence (déjà éprouvée dans le Nid de Coucou)
est exponentielle et Kubrick nous la livre en pâture comme on jette un
os et ses lambeaux de chair sanguignolante à des chiens affamés. Un
régal.
Rafelson le rappelle pour jouer les facteurs torrides entre
les jambes de Jessica Lange. Beatty l'emploie pour un second-rôle
éminent (incarnant l'auteur Eugene O'Neill) dans l'épique et fortement
gauchiste Reds.
Il se transforme en astronaute sur le retour, charmant et dissolu,
draguant Shirley MacLaine (la soeur de Beatty), et obtient un Oscar de
plus dans Terms of Endearment. Un second-rôle en or, qui le fera brièvement revenir dans la suite ratée (The evening stars). Entre folie pure et mélos mélancoliques, films noirs d'auteurs tourmentés et comédies acerbes où il prend de la bouteille.
Il alterne les personnages plutôt gagneurs avec les "losers". John
Huston, le papa de sa compagne d'alors, la grandiose Anjelica Huston,
lui offre un rôle de tueur à gages lié à la maffia, bêta et amoureux
d'une blonde fatale, Kathleen Turner. Une relation à couteaux tirés où
les deux ont un contrat sur l'autre. L'honneur des Prizzi
est un succès commercial et critique de plus. Ses performances ne
déclinent pas. Il tombe amoureux deux fois de Meryl Streep. Le léger Heartburn et le noir Ironweed.
Là encore il alterne les héros et les anti-héros. Mais c'est surtout
face au trio de sorcières, la brune Cher, la rousse sarandon et la
blonde Pfeiffer qu'il confirme sa relation perverse avec les
personnages politiquement incorrects. A Eastwick, il est Satan. Qui
d'autre aurait pu l'être? Sa force est de savoir surjouer avec
subtilité, d'accepter des caméos (dans le sous-estimé et néanmoins
excellent Broadcast news) délirants dans les films d'amis, de
passer d'une grosse production à effets spéciaux, limite fantastique, à
un film d'auteur à forte connotation sociale.
Il conclut son ascension avec le célèbre Joker de Batman
sous les yeux du jeune prodige nommé Burton. Son sourire élastique
comme un chewing gum devient sa marque de commerce. Il jubile à devenir
un personnage de cartoon, diabolique, et piquant Kim Basinger à l'homme
chauve souris. Toutes les grandes comédiennes des années 80 auront été
dans ses bras. Un exploit qui en fait le chéri de ses dames.
Les années 90 seront plus contrastées. Sa fidélité à
Rafelson ou à Penn, le besoin de tourner des films prévisibles, ses
choix plus ambitieux (The Two Jake, la suite de Chinatown, qu'il réalise ou Hoffa,
le célèbre syndicaliste) démontrent à quel point il cherche ses marques
dans un système qui rajeunit les stars à grande vitesse. Beaucoup de
films déçoivent. Mais le public suit pour certains : Wolf en duo avec Pfeiffer, A few good men
face à Cruise qu'il bouffe cru scène après scène. Loup garou ou
militaire macchiavélique, il donne le meilleur de lui-même. Mais les
films sont souvent des déceptions. Il parvient à nous toucher subliment
chez Sean Penn (The Crossing guard avec Anjelica Huston, rempli de cette fêlure d'un passé recomposé, ou The Pledge où il se noie dans la douleur d'un pacte avec son âme). Il a souvent joué le diable. le démon se joue de lui. Dans Mars attacks!,
il retouve Burton, et interprète (entre autres) un Président des USA
qui se croit leader d'un monde libre. Bousillé en un rayon laser par
les immondes aliens (qu'il combattait 15 ans auparavant dans The border). mais après un glorieux discours politique et creux à tirer des larmes à un cochon.
Nicholson reçoit de plus en plus d'honneurs, tourne de moins en moins.
Une sorte de déclin, d'absence apparaît. Une brisure qui s'éclaire
parfois sous les projecteurs. Entre la contreculture à laquelle il a
souvent appartenu et ses nouveaux choix de vie qu'il a épousé (la vie
d'un retraité qui fait des enfants sur le tard), la star est un modèle
de l'anticonformisme.
En 97, il revient sur les écrans, avec Pour le pire et pour le meilleur.
Phobique de tout, maniaque absolu, insupportable célibataire, voisin
détestable, client cynique, il découvre d'un coup que son égoïsme et
son sectarisme est à l'origine de tous ses maux. Il en devient trop
généreux, et tombe amoureux d'Helen Hunt (celle là il ne l'avait pas
encore embrassée...). Le pire est qu'il nous fait aimer son personnage
haïssable et le meilleur est bien entendu le concensus critique et
public, les multiples prix récoltés obtenus pour ce film. La magie de
Jack. Il retrouvera ce type de personnage avec Tout peut arriver,
où il devient séducteur d'une féministe qui lui résiste, Diane Keaton.
Il semble confortable dans les comédies. même si elles ne sont pas
toujours à la hauteur de son talent. mais avec un certain flair, il
sait trouver les bons projets. About Schmidt, de l'encore méconnu Alexander Payne (avant sa razzai de Sideways),
présenté à Cannes, est sans aucun doute son plus grand personnage et
son meilleur film depuis 20 ans. Il est à la fois hilarant, pathétique,
touchant, détestable. Grandiose et intime.
Son parcours riche l'a
envoyé très haut dans les étoiles d'Hollywood. Et même s'il ne tourne
plus beaucoup, s'il refuse beaucoup de scripts, Jack Nicholson reste
l'un des rares comédiens au dessus des lois d'un système qu'il a su
apprivoiser, et même dompter.
ACTEUR :
(2006) The Departed, de Martin Scorsese
(2004) Tout peut arriver, de Nancy Meyers : Harry Sanborn
(2003) Deux en un, de Bobby Farrelly : lui-même
(2002) Self control, de Peter Segal : Buddy Rydell
(2002) Monsieur Schmidt, de Alexander Payne : Warren Schmidt
(2000) The Pledge, de Sean Penn : Jerry Black
(1997) Pour le pire et pour le meilleur, de James L. Brooks : Melvin Udall
(1996) Etoile du soir, de Robert Harling : Garrett Breedlove
(1996) Blood and wine, de Bob Rafelson : Alex
(1996) Mars Attacks!, de Tim Burton : Le Président Dale / Art Land
(1995) Crossing Guard, de Sean Penn : Freddy Gale
(1994) Wolf, de Mike Nichols : Will Randall
(1992) Man Trouble, de Bob Rafelson : Eugene Earl Axline
(1992) Des hommes d'honneur, de Rob Reiner : Colonel Nathan R. Jessup
(1992) Hoffa, de Danny DeVito : Jimmy Hoffa
(1990) Two Jakes, de Jack Nicholson : Jake Gittes/Narrateur
(1989) Batman, de Tim Burton : Le jocker / Jack Napier
(1987) Les Sorcières d'Eastwick, de George Miller : Daryl Van Horne
(1987) Ironweed, de Hector Babenco : Francis Phelan
(1987) Broadcast News, de James L. Brooks : Bill Rorich
(1986) La Brûlure, de Mike Nichols : Mark
(1985) L' Honneur des Prizzi, de John Huston : Charley Partanna
(1983) Tendres Passions, de James L. Brooks : Garrett Breedlove
(1981) Reds, de Warren Beatty : Eugene O'Neill
(1980) Le facteur sonne toujours deux fois, de Bob Rafelson : Frank Chambers
(1980) Shining, de Stanley Kubrick : Jack Torrance
(1978) En route vers le sud, de Jack Nicholson : Henry Moon
(1976) Le Dernier Nabab, de Elia Kazan : Brimmer
(1976) Missouri Breaks, de Arthur Penn : Tom Logan
(1975) Tommy, de Ken Russell : l'expert
(1975) Vol au-dessus d'un nid de coucou, de Milos Forman : Randle Patrick McMurphy
(1975) La Bonne fortune, de Mike Nichols : Oscar Sullivan
(1975) Profession : reporter, de Michelangelo Antonioni : David Locke
(1974) La Dernière Corvée, de Hal Ashby : Buddusky
(1974) Chinatown, de Roman Polanski : Jake Gittes
(1972) The King of Marvin Gardens, de Bob Rafelson : David Staebler
(1971) Ce plaisir qu'on dit charnel, de Mike Nichols : Jonathan Fuerst
(1970) Cinq pièces faciles, de Bob Rafelson : Robert Eroica Dupea
(1970) Melinda, de Vincente Minnelli : Tad Pringle
(1968) Easy Rider, de Dennis Hopper : George Hanson
(1968) Head, de Bob Rafelson : Lui-même
(1967) The Shooting, de Monte Hellman : Billy Spear
(1966) L' Ouragan de la vengeance, de Monte Hellman : Wes
(1966) Flight to Fury, de Monte Hellman : Jay Wickham
(1964) Back Door To Hell, de Monte Hellman : Burnett
(1963) L'Hallucine, de Roger Corman : Lieutenant André Duvalier
(1962) Le Corbeau, de Roger Corman : Rexford Bedlo
(1960) La Petite Boutique des horreurs, de Roger Corman : Wilbur Force
(1960) Too soon to love, de Richard Rush : Buddy
(1958) The Cry Baby Killer, de Jus Addiss : Jimmy Wallace
American Caesar , de Oliver Stone
REALISATEUR :
(1990) Two Jakes
(1978) En route vers le sud
(1971) Vas-y, fonce
(1963) L'Hallucine
SCENARISTE :
(1971) Vas-y, fonce, de Jack Nicholson
(1968) Head, de Bob Rafelson
(1967) The Trip, de Roger Corman
(1966) L' Ouragan de la vengeance, de Monte Hellman
(1966) Flight to Fury, de Monte Hellman
PRODUCTEUR :
(1971) Vas-y, fonce, de Jack Nicholson
(1968) Head, de Bob Rafelson
(1967) The Shooting, de Monte Hellman
(1966) L' Ouragan de la vengeance, de Monte Hellman
Oscar :
2003 : Nomination Meilleur acteur pour Monsieur
Schmidt
1998 : Meilleur acteur pour Pour le pire et pour le meilleur
1988 : Nomination Meilleur acteur pour Ironweed : La force d'un destin
1986 : Nomination Meilleur acteur pour L'Honneur des Prizzi
1976 : Meilleur acteur pour Vol au-dessus d'un nid de coucou
1975 : Nomination Meilleur acteur pour Chinatown
1974 : Nomination Meilleur acteur pour La Dernière corvée
1971 : Nomination Meilleur acteur pour Cinq pièces faciles
Golden Globe
:
2004 : Nomination Meilleur acteur dans une comédie ou une comédie
musicale pour Tout peut arriver
2003 : Meilleur acteur dans un drame pour Monsieur
Schmidt
1998 : Meilleur acteur dans une comédie ou une comédie musicale
pour Pour le pire et pour le meilleur
1993 : Nomination Meilleur acteur dans un drame pour Hoffa
1993 : Nomination Meilleur second rôle masculin pour Des Hommes d'honneur
1990 : Nomination Meilleur acteur dans une comédie ou une comédie
musicale pour Batman
1988 : Nomination Meilleur acteur dans un drame pour Ironweed : La force d'un
destin
1986 : Meilleur acteur dans une comédie ou une comédie musicale
pour L'Honneur des Prizzi
1984 : Meilleur second rôle masculin pour Tendres passions
1976 : Meilleur acteur dans un drame pour Vol au-dessus d'un nid de coucou
1975 : Meilleur acteur dans un drame pour Chinatown
1974 : Nomination Meilleur acteur dans un drame pour La Dernière corvée