Oliver Twist
Réalisateur : Roman Polanski

Genre : Aventure, Drame

Date : 19 Octobre 2005

Durée : 2 h 05

Origine : Britanique, Français, Tchèque, Italien

Distribution : Pathé Distribution, Sony Pictures Entertainment

D'après l'oeuvre de : Charles Dikens

Résumé

Note de la production

Acteurs :

Barney Clark : Oliver Twist

Ben Kingsley : Fagin

Jamie Foreman : Bill Sykes

Leanne Rowe : Nancy

Lewis Chase : Charley Bates

Edward Hardwicke : Monsieur Brownlow

Jeremy Swift : Monsieur Bumble

Mark Strong : Toby Crackit

Harry Eden : The Artful Dodger

Frances Cuka : Madame Bedwin

Chris Overton : Noah Claypole

Directeur Photo : Pawel Edelman

Musique : Rachel Portman

Costume : Anna Sheppard

Monteur : Hervé De Luze

Chef Décorateur : Allan Starski

Scénario : Ronald Harwood

Producteur :

Alain Sarde

Robert Benmussa

Roman Polanski

Production : RP Films

Coproducteur : Petr Moravec

Lieux de tournage : Prague, République Tchèque.

Budget :

Site officiel : France : http://www.olivertwist-lefilm.com/site.htm

Récompenses :

Fiche du film complète (image, résumé, note de la production, avis) au format PDF à disposition sur demande, voir page d'acceuil

 Résumé :

Dans un orphelinat de l'Angleterre victorienne, Oliver Twist survit au milieu de ses compagnons d'infortune. Mal nourri, exploité, il est placé dans une entreprise de pompes funèbres où, là encore, il ne connaît que privations et mauvais traitements. Oliver endure tout, jusqu'au jour où une provocation de trop le pousse à s'enfuir vers Londres. Épuisé, affamé, il est recueilli par une bande de jeunes voleurs qui travaillent pour le vieux Fagin. Entre Dodger, Bill, Nancy et les autres, Oliver découvre un monde cruel où seules comptent la ruse et la force. Arrêté pour une tentative de vol qu'il n'a pas commis sur la personne de Mr. Brownlow, Oliver ne trahit pas sa bande et s'attire la bienveillance du brave homme. Mais Fagin et Bill ne tardent pas à remettre la main sur lui et l'obligent à participer au cambriolage de la demeure de son bienfaiteur. Oliver est précipité dans une série d'évènements tragiques qui lui révéleront la vraie nature de ceux qui l'entourent et l'obligeront à choisir son destin…

Note de la production

CHARLES DICKENS
Repères biographiques
Charles Dickens naît le 7 février 1812 à Portsmouth, en Angleterre. Ses parents, John et Elizabeth, sont issus d'un milieu modeste. L'enfance de Charles est heureuse mais lorsque son père est muté à Londres, la situation de la famille se dégrade, au point que Charles est contraint d'abandonner ses études. L'endettement des Dickens est tel que le père est emprisonné trois mois. Charles doit aller travailler dans une usine de cirage, la Warren's Blacking Factory. Il a douze ans. Il prend brutalement conscience de la précarité de la vie, de l'ampleur de la misère ouvrière et de la sévérité, voire de l'injustice des institutions du royaume. Cette expérience, traumatisante après une enfance d'insouciance, marquera toute son oeuvre. En 1827, la famille est expulsée pour nonpaiement de loyers. Charles trouve un emploi dans un cabinet d'avocats, Ellis & Blackmore. Il se forme lui-même à la sténographie.
En 1830, il se fiance avec Maria Beadnell, mais le père de celle-ci, banquier, juge le rang social de Dickens indigne et s'arrange pour qu'ils rompent.

En 1831, Charles suit les débats parlementaires de la Chambre pour le compte de plusieurs journaux. En 1834, le jeune homme devient journaliste au Morning Chronicle, il rencontre la fille du directeur de la publication, Catherine Hogarth, et publie ses premiers récits en feuilletons. Il a vingtdeux ans. Ces «Esquisses», qu'il signe du pseudonyme de Boz, provoqueront la commande des «Aventures de M. Pickwick», dont la publication débutera la veille de son mariage avec Catherine en avril 1836. C'est en 1837 que commence la publication d'«Oliver Twist» sous forme de feuilleton dans le magazine mensuel, Bentley's Miscellany, avec un soustitre : «The Parish Boy's Progress». L'intention de Dickens, dans les premiers épisodes, est de décrire à ses lecteurs ce que sont les véritables conditions de vie d'un «parish boy», un garçon pris en charge par la paroisse, après la mise en place du nouveau Poor Law Act de 1834. Cette loi sociale dictait les conditions de prise en charge des indigents par les paroisses. Dickens avait assisté aux virulents débats autour de cette loi controversée lorsqu'il était reporter au Parlement. Il continuera ses attaques contre elle sous forme de fictions ou dans ses écrits de journaliste jusqu'à la fin de ses jours. Le succès d'«Oliver Twist» confirme la réputation de Dickens et l'impose. Suivront «Nicolas Nickleby» en 1838, «Barnaby Rudge» en 1841, «Le Magasin d'antiquités» quelques mois plus tard. Son voyage aux États-Unis lui révèle un monde esclavagiste et spéculateur, il en tirera «Notes Américaines» en 1842, puis «Martin Chuzzlewit».

Il publiera d'autres oeuvres, dont «Contes de Noël» en 1843, mais il faut attendre 1849 pour qu'il publie l'une de ses oeuvres majeures : «David Copperfield». Il enchaînera ensuite les publications et s'essaiera même au théâtre en tant qu'auteur, metteur en scène et comédien en 1845. En 1858, il quitte sa femme, qui lui a donné dix enfants et entame, parallèlement à sa carrière d'écrivain, une activité de lecteur-conférencier. Il présente ses oeuvres à travers les grands pays d'Europe. En 1854, il publie «Les Temps difficiles», en 1859, «Le Conte des deux cités» et entre 1860 et 1861, «Les Grandes Espérances», qui paraissent en feuilleton dans All The Year Round.
Le 9 juin 1865, un accident de chemin de fer à Staplehurst le laisse affaibli et difficilement capable de se déplacer. En 1870, après une dernière tournée de lectures publiques en janvier et une rencontre avec la Reine Victoria en mars, il décède cinq ans jour pour jour après cet accident. Il a cinquante-huit ans et laisse un pays en deuil national et un roman inachevé : «Le Mystère d'Edwin Drood». Charles Dickens est inhumé à l'abbaye de Westminster.

NOTES DE PRODUCTION
En 2002, Roman Polanski était unanimement acclamé pour LE PIANISTE. Après avoir achevé ce film très personnel, il était déterminé à passer à un projet complètement différent. Il voulait en particulier faire un film pour un jeune public. Avec ses associés à la production, Robert Benmussa et Alain Sarde, il a alors commencé à lire des livres pour enfants, à la recherche de l'histoire idéale. Roman Polanski se souvient : «Il m'a été difficile de choisir ce que j'allais tourner après LE PIANISTE. Je souhaitais réaliser un film pour mes enfants parce qu'ils s'intéressaient à mon travail et que les sujets que j'avais traités jusqu'alors ne leur parlaient pas vraiment. Je leur lis des histoires chaque soir avant qu'ils ne s'endorment, et je sais ce qui les fait rêver. J'ai donc réfléchi à une histoire qui pourrait les séduire, les captiver.» C'est l'épouse de Roman Polanski qui lui a suggéré de faire une nouvelle version d’OLIVER TWIST. Polanski a rapidement découvert que la véritable histoire de Dickens n'avait pas été racontée au cinéma depuis la version de David Lean en 1948 et la comédie musicale de Carol Reed «Oliver !» vingt ans plus tard. Cela faisait donc près de quarante ans, deux générations… Le temps était venu. Le réalisateur explique : «OLIVER TWIST comporte plusieurs niveaux de lecture. C'est à la fois un parcours initiatique, l'apprentissage de la vie, une saga romanesque se déroulant au coeur d'une époque fascinante où le pire côtoyait le meilleur. Comme dans tous ses romans, Dickens y mêle humour et tristesse. Je suis particulièrement réceptif à son sens de l'ironie, son goût du second degré très britannique. Les enfants aiment beaucoup cela aussi. Pour moi, le côté sombre d'OLIVER TWIST n'a jamais été un problème vis-à-vis des plus jeunes. C'est une part inhérente à tous les contes, qu'ils soient de Perrault ou des frères Grimm, et les enfants adorent !» Le réalisateur poursuit : «Enfant, les romans de Dickens me fascinaient. J'aime aussi les représentations littéraires et cinématographiques de la période victorienne. «Oliver Twist» est une longue histoire, riche en rebondissements d'abord parce que les écrivains de cette époque publiaient leurs romans en feuilletons dans les revues. Ces histoires n'ont pas été conçues comme des récits unitaires, structurés comme pourraient l'être un livre ou un scénario. Pour chaque épisode, l'auteur devait proposer un temps fort et donner envie de découvrir la suite. Tout le travail d'adaptation consistait à puiser dans cette matière en créant une structure et en respectant l'esprit de l'oeuvre.» «Le film suit le parcours aventureux d'Oliver, un jeune orphelin. Dans le roman, les intrigues secondaires sont nombreuses et le style est plus lent que celui adopté pour le film. Nous nous sommes concentrés sur l'intrigue principale que nous avons envisagée, un peu comme une tragédie grecque, en trois temps.» «Une des forces de l'oeuvre de Dickens réside dans la complexité de ses personnages hauts en couleur et très détaillés. Pour le film, je voulais que chaque personnage soit marquant. Ronald Harwood, le scénariste, approuvait tout à fait l'idée d'une multitude de personnages qui permettait de compenser la suppression des intrigues secondaires.» Roman Polanski précise : «Nous ne cherchons pas à être réalistes, ce serait même plutôt le contraire. Les personnages dans cette histoire sont plus grands que nature, nous accentuons leur humour et leur côté excentrique. C'est un conte dickensien dans le plus pur sens du terme, ce qui signifie qu'il est exubérant, intrigant, intemporel, et plein de rebondissements constamment surprenants.» Ronald Harwood, qui a remporté l'Oscar du meilleur scénario pour LE PIANISTE, retrouve Roman Polanski. Il se souvient : «J'ai découvert Dickens quand j'étais dans une école anglaise d'Afrique du Sud. Je l'ai toujours considéré comme l'un des grands romanciers de la littérature anglaise et maintenant que j'ai adapté une de ses oeuvres, je sais que c'est vrai ! Travailler sur le roman d'un tel génie est plus que captivant. Le talent de Dickens reposait aussi sur sa capacité à tenir le lecteur en haleine.» Le scénariste ajoute : «Dickens était aussi un grand acteur. Il avait pour habitude de déclamer ses textes dans de grandes salles avec pour seul accessoire, un bureau sur lequel il pouvait s'appuyer et poser son manuscrit. Il ne le lisait jamais parce qu'il le connaissait par coeur. Son public était sous le charme. Roman sait raconter des histoires avec autant de force. Il pourrait vous réciter «Oliver Twist» comme l'aurait fait Dickens, en y ajoutant peut-être quelques détails.» Le scénariste poursuit : «Charles Dickens n'avait qu'une vingtaine d'années lorsqu'il a écrit «Oliver Twist». C'est un incroyable exploit ! Il était
à court d'argent et il a dû le rédiger très vite pour passer à d'autres publications. Journaliste et greffier, il a toujours défendu la cause des plus pauvres, dans «Oliver Twist», il critique le manque de protection sociale en Angleterre ainsi que les abus commis dans les maisons de travail, ces institutions censées accueillir les orphelins et les indigents. C'est le premier écrivain réaliste de son temps à avoir traité des problèmes sociaux.» Roman Polanski intervient : «Les bons livres ne vieillissent pas. Leurs thèmes sont universels et parlent à tous, peu importe l'époque. Le parcours d'un orphelin dans un pays en pleine mutation est toujours un thème d'actualité. La situation est bien sûr très différente aujourd'hui à Londres et à Paris mais dans des villes telles que Bombay, Bangkok ou Mexico, rien n'a changé. Quelque dix millions d'habitants s'entassent dans ces villes en pleine expansion. Londres était à cette époque la plus grande ville du monde et se développait à une vitesse incroyable. Les paysans venaient s'y installer en masse et n'avaient aucun moyen de subsistance. C'est aussi ce contexte social qu'explore l'histoire d'OLIVER TWIST.» Ronald Harwood confie : «Adapter le roman n'intimidait pas Roman. Tout est allé très vite. Je savais que la seule chose à faire était de décider des passages que nous allions supprimer. Le roman fait trois cent cinquante pages et le film devait durer deux heures. Il fallait se concentrer sur l'essentiel. Après avoir défini les grandes lignes du scénario, j'ai contacté Roman qui m'a donné son accord. Il était très impatient.» «Lorsque Roman a lu le scénario, il était satisfait. Il a juste apporté quelques modifications à la fin pour la rendre un peu plus dure que je ne l'avais fait. Nous avons décidé de raconter l'histoire à partir du moment où Oliver entre à l'orphelinat jusqu'à la fin en écartant les intrigues secondaires.» «Nous avons aussi adopté le point de vue d'Oliver. C'est lui qui porte la narration. Si je devais résumer le roman en quelques mots, je dirais simplement que c'est l'histoire d'un petit garçon qui réussit à prendre en main son destin malgré les épreuves qu'il rencontre.»

LES DÉCORS

Roman Polanski commente : «Londres est sans aucun doute l'un des personnages d'OLIVER TWIST. Son ambiance, son architecture, ses différents quartiers sont autant d'éléments essentiels. Il en existe de nombreuses représentations au XIXe siècle, comme les gravures de Gustave Doré réalisées dix ou vingt ans après la période où se situe l'histoire. Nous avons effectué de nombreuses recherches pour réunir toute une documentation sur la vie quotidienne pendant la révolution industrielle. Nous avons surtout utilisé l'oeuvre d'un artiste allemand ayant vécu à Londres et qui a réalisé des centaines d'illustrations. Il est très intéressant de se plonger dans une période de l'Histoire et d'y puiser ces petits détails qui vont donner de l'authenticité à chaque scène.» Ronald Harwood précise : «L'oeuvre de Dickens a beaucoup influencé notre perception de Londres à l'époque victorienne. Même si sa vision de la capitale ne correspond pas exactement à une réalité exhaustive, nous nous en sommes inspirés, reproduisant les rues étroites et insalubres, les sans-abri couchés sur le pas des portes d'entrée, les bâtiments écrasants.

Il était important de saisir la composante imaginaire et vibrante de sa vision et pas seulement la véracité socio-historique de ses descriptions.» Le chef décorateur polonais, Allan Starski, lauréat d'un Oscar pour son travail sur LA LISTE DE SCHINDLER et de maintes récompenses pour LE PIANISTE, s'est occupé des fascinants décors d'OLIVER TWIST. Le plus spectaculaire d'entre eux est la reconstitution de quartiers entiers de Londres.
«Avec Roman, nous avons commencé à parler du film avant même que le scénario ne soit terminé. Nous avons analysé le livre et les versions cinématographiques précédentes. Je me demandais surtout comment adapter l'histoire au style de Roman. Il ne voulait pas seulement raconter l'histoire d'Oliver Twist, il désirait aussi montrer le passage d'une Angleterre plus ou moins idyllique à celle de la révolution industrielle.» «Il nous semblait important d'insister sur la pauvreté des Londoniens. La population de la capitale augmentait très rapidement. À quelques ruelles des quartiers chics s'étendaient des quartiers pauvres avec leurs maisons de briques rouges délabrées.» «Nous nous sommes demandé quelle superficie de Londres nous pourrions reconstituer. J'ai commencé par faire des maquettes qui se sont agrandies au fur et à mesure que nous y ajoutions de nouveaux éléments. Nous nous sommes ensuite occupés de trouver l'endroit où construire notre immense décor. Notre choix s'est finalement porté sur les Studios Barrandov à Prague, en République tchèque. Ils regroupent des plateaux immenses pour les intérieurs, une communauté d'artisans remarquables et surtout, la plus grande zone de construction de décors extérieurs d'Europe.» «Reconstituer les rues de Londres au XIXe siècle a été une formidable
expérience. C'était un décor vaste et riche. Des rues et ruelles, qui n'étaient pas forcément liées géographiquement, couvraient une superficie de plus de quatre hectares. La rue principale que nous avons baptisée King Street est longue et élégante. Elle présente de très beaux magasins. J'ai également construit Newgate Prison que je n'ai vue dans aucune adaptation de «Oliver Twist». C'est un grand bâtiment situé près de la place du marché. Nous avons créé une petite rue qui mène à un quartier pauvre avec des bicoques en briques rouges. Il y a des ponts de part et d'autre car ces maisons sont situées près de la Tamise, du côté des entrepôts, dans le quartier des docks. Des entrepôts, il est possible de descendre jusqu'à la partie la plus basse de la capitale où Jacob's Island est un des quartiers les plus pauvres.» «Il a fallu trois mois pour construire ce décor extérieur et trois semaines pour le patiner. Nous avons embauché deux cents ouvriers et tous les artisans disponibles. L'atelier de menuiserie du studio a découpé tous les panneaux et les plâtriers ont produit toutes les briques. J'ai utilisé onze types de briques différents pour habiller les maisons. Nous avions pris quelques moules à Londres et en avons réalisé les copies à Prague.» Allan Starski et son directeur artistique, Keith Pain, ont eu la chance de découvrir une carte de 1835 mentionnant tous les noms des commerces ayant pignon sur rue. Cet élément crucial a permis de définir avec encore plus de précision la répartition et la nature des boutiques présentes suivant les différentes zones de décor. «Nous avons eu la chance de pouvoir utiliser les enseignes de boutiques qui existent encore aujourd'hui à Londres. Ces magasins nous ont autorisé à utiliser leur nom et nous ont prêté des objets d'époque, comme Paxton and Whitfield, fromagers, James Lock and Co., chapelier, John Lobb, bottier, Berry Bros. and Rudd, négociants en spiritueux, Floris, parfumeur, David Salmon et un célèbre marchand de tabac aujourd'hui disparu, Robert Lewis. Tous bénéficient de la prestigieuse recommandation de la Maison Royale.» «J'aime tous ces décors mais le pub «The Three Cripples» est l'un de mes préférés. Le spectateur ne le verra malheureusement jamais totalement tant il y a du monde à l'intérieur ! Il a été construit avec beaucoup de soin. Il constitue, avec le repaire de Fagin et le logement de Bill et Nancy, une sorte de complément du décor extérieur.» «London Bridge joue un rôle essentiel dans le film. C'est là que Nancy avertit Mr. Brownlow de la menace qui pèse sur Oliver. Une partie du pont a été reconstituée sur le studio extérieur et une autre section se trouve à l'intérieur du studio. Dans la plupart des films, quand une caméra filme à travers une fenêtre ou l'embrasure d'une porte, on utilise un arrière-plan photographique. Pour OLIVER TWIST, j'ai décidé de construire ce qui pouvait être vu. C'est pourquoi j'ai reproduit certaines maisons du décor extérieur à l'intérieur.» Le chef décorateur poursuit : «Pour définir la palette des couleurs, le directeur de la photographie, la chef costumière et moi avons étudié une foule de documents iconographiques d'époque. Il est nécessaire que la chef costumière et moi utilisions des couleurs qui s'accordent. Pawel Edelman s'est occupé de déterminer la luminosité adéquate en fonction des couleurs. Conformément à ce que souhaitait Roman, nous avons ainsi créé l'aspect visuel du film, son atmosphère générale.» «Par ailleurs, nous avons toujours privilégié les accessoires les plus authentiques possible. Roman a le don de les mettre en valeur en les plaçant en situation, soit à travers les actions des personnages, soit par leur placement dans l'image. Tout cela apporte de la vérité au film. J'avais la chance d'avoir une équipe très compétente avec moi. Ma décoratrice, Jille Azis, a très bien fait son travail. Nous avons par exemple, dans la demeure de Brownlow, un bureau qui est une pièce de collection rarissime d'une valeur de plus de 50 000 euros. Le magasin d'accessoires du film était un véritable musée !» «J'ai tout de suite su que le repaire de Fagin serait un décor clé. Il ne s'agissait pas seulement d'un simple appartement. Il fallait que celui-ci reflète la personnalité de Fagin. Dans le roman, il s'agit d'un grenier. J'ai pensé qu'il valait mieux montrer cet homme, qui vit comme un rat, dans un manoir abandonné et complètement en ruine de façon à matérialiser sa grandeur passée.» «Afin de montrer l'influence de la révolution industrielle, nous avons décidé que l'intérieur du foyer ferait penser à une usine. C'est pourquoi il est plus grand que dans les adaptations précédentes. Le logement de Bill Sykes est au contraire petit et étroit afin de mettre l'accent sur le drame qui se joue entre Bill et Nancy. J'essaie toujours de révéler certains aspects des personnages à travers mes décors.»

DONNER VIE AUX PERSONNAGES
OLIVER
Roman Polanski explique : «Trouver le bon acteur pour le rôle d'Oliver était primordial pour la réussite du film. La directrice de casting, Celestia Fox, avec qui j'ai travaillé pour LE PIANISTE, a auditionné de nombreux jeunes
acteurs. Elle a éliminé des centaines de candidatures pour me présenter une liste assez conséquente. Nous sommes passés petit à petit de vingt à cinq enfants avant d'arrêter notre choix sur Barney Clark.» Le réalisateur poursuit : «Je voulais un enfant émouvant au premier coup d'oeil. L'audition enregistrée de Barney m'a immédiatement paru la plus intéressante, même si j'ai continué de visionner toutes celles qui me restaient à voir. J'ai ensuite compris que, dans ces cas-là, le choix se fait automatiquement même s'il est inconscient. Il me fallait un garçon qui soit mignon sans trop l'être, intelligent et un peu mélancolique : Barney possède toutes ces qualités-là.» Ronald Harwood raconte : «Barney Clark nous a immédiatement impressionnés. J'ai participé aux premières séances d'essais réalisées pour le casting et il a tout de suite été remarquable. Il a un visage très expressif, il est vif d'esprit et peut jouer n'importe quelle scène à partir du moment où on lui explique clairement ce qu'on attend de lui. J'étais certain qu'il allait très bien fonctionner avec Roman.» Le scénariste ajoute : «Dans le roman, Oliver s'exprime toujours convenablement, ce qui ne m'a pas paru vraiment réaliste étant donné son parcours. Nous avons donc décidé de durcir un peu ses manières et son langage.» Barney Clark, âgé de onze ans, est originaire de Hackney, au nord de Londres. Le jeune acteur raconte : «Tout a commencé par une audition dans un grand entrepôt de Londres où d'autres garçons postulaient également pour le rôle de Dodger et d'Oliver. On nous a fait lire quelques
lignes du scénario, puis on m'a demandé de continuer un peu. Quelques jours plus tard, les directeurs du casting m'ont contacté pour l'audition d'une autre partie du scénario. Cette fois, il n'y avait aucun autre candidat avec moi. On m'a ensuite fait partir à Prague pour tourner des séances d'essai. C'est là que j'ai rencontré Roman.» «Nous étions quatre garçons : Harry Eden qui interprète Dodger, Lewis Chase qui joue Charley Bates, un autre garçon et moi pour le rôle d'Oliver. Roman nous a fait asseoir sur un canapé dans sa chambre d'hôtel et nous avons discuté. Nous avons abordé toutes sortes de sujets, sans aucun rapport avec les personnages. J'ai su seulement après que j'avais obtenu le rôle.» Le jeune comédien poursuit : «Roman m'a expliqué que l'histoire ne devait pas être vécue de façon tragique. Oliver est courageux, plein d'allant. Il ne se considère pas comme une victime, il cherche juste à surmonter tout ce qui lui arrive. Roman m'a beaucoup aidé pendant le tournage. Il me montrait ce qu'il voulait, il me guidait. Il a été là chaque fois que j'avais une question. Souvent, il devinait mes doutes avant même que j'en parle ! Il sait ce qu'il veut. Il n'hésite pas. Il est sécurisant, encourageant. J'ai compris qu'avant même de tourner, la scène existe déjà dans sa tête, il en a déjà imaginé le mouvement et le montage.» «Harry, Lewis et moi sommes devenus de très bons amis dès notre première rencontre à Prague. Nous avons suivi des cours de vol à la tire avec un grand magicien qui nous a également enseigné quelques tours de magie.» «Parler avec l'accent de Birmingham, qui est celui d'Oliver, était un vrai défi. On m'a appris à bien positionner ma langue, puis tout est venu naturellement. Je n'avais même pas à penser à ce que j'allais dire, cela sortait tout seul.» «Mes deux scènes préférées sont la bagarre avec Noah Claypole, faite sans doublure - j'ai dû poser le pied sur une chaise et sauter par-dessus la table pour lui mettre mon poing dans la figure - et la scène sur les toits avec Bill Sykes. C'était vraiment très amusant. Nous portions des harnais que les ordinateurs effacent lors du montage.»

FAGIN
Roman Polanski se souvient : «Pour le choix de Fagin, je me suis d'abord demandé quel acteur lui correspondait le mieux physiquement. J'ai tout de suite pensé à Ben Kingsley, dont le talent à se transformer physiquement jusque dans les attitudes est incroyable. Une des scènes qui m'a permis de l'imaginer n'est pas dans notre scénario mais elle est très importante dans le roman : Fagin ne cesse de répéter devant le juge : «Un vieillard, Votre Honneur, je suis un vieillard.» Relire cette scène m'a donné une vision plus nette du personnage que et c'est cette vision que le film cherche à retranscrire.» Ben Kingsley, interprète de Fagin, explique : «Roman et moi nous connaissons bien. J'avais tourné sous sa direction il y a dix ans pour LA JEUNE FILLE ET LA MORT. Une grande expérience !» L'acteur poursuit : «Pour adapter «Oliver Twist» il fallait l'équivalent cinématographique d'un Charles Dickens. On ne peut pas demander à un réalisateur sans imagination de mettre en scène l'oeuvre d'un génie avec lequel il n'aurait pas pu tenir cinq minutes de conversation ! Transcrire Dickens nécessite d'avoir la même force intellectuelle, la même assurance, la même résistance et la même curiosité. Je suis certain que Roman et Dickens aurait parlé des nuits entières s'ils s'étaient connus.» «Avec OLIVER TWIST, Roman nous offre non seulement une fascinante aventure humaine mais aussi une profonde réflexion sur ce que pouvait être la vie à cette époque-là. Notre présent y trouve un passionnant miroir. Au XIXe siècle, les petits Londoniens démunis buvaient et se prostituaient. On comptait près de 80 000 prostituées à Londres, qui était alors beaucoup plus petit qu'aujourd'hui. Les maisons closes occupaient des rues entières. La maltraitance, les meurtres et les abus sur mineurs étaient probablement équivalents à ce qu'on peut voir dans les pires quartiers de certaines mégapoles en voie de développement. L'espérance de vie était sans doute aussi faible. Cette histoire a de nombreux parallèles contemporains.» «Grâce à son sens de l'ironie, son intelligence et sa compréhension des hommes et de leurs tempéraments, Roman parvient à restituer les personnages du roman sans les réduire à des caricatures. Ils ont tous une personnalité très marquée, des traits distinctifs. Cela vient aussi du fait que l'histoire est racontée à travers les yeux d'un enfant. Dickens a su décrire certains vices en utilisant le point de vue d'un enfant à la fois curieux et déconcerté par la réalité qu'il découvre.» L'acteur ajoute : «Mon personnage, Fagin, n'est ni tout noir, ni tout blanc. Roman a compris l'essence et le paradoxe du personnage : sans ce pèreexploiteur, ces enfants seraient morts de faim. Le spectateur arrivera peut-être lui aussi à cette conclusion troublante.» «Je me suis immergé dans mon personnage en suivant mon intuition plutôt que mes connaissances théoriques. C'est Roman qui s'occupait d'introduire Fagin au lieu et moment adéquats afin de privilégier le regard que portait Oliver sur cet homme.» «Pour préparer le rôle, je me suis plongé dans le roman, mais je m'en suis finalement peu inspiré. J'ai lu le scénario de Ronnie Harwood plusieurs fois et avec beaucoup de plaisir. À chaque lecture, j'en découvrais de nouveaux aspects. L'époque victorienne me fascine. C'est la deuxième fois que je joue dans l'adaptation d'une oeuvre de Dickens, la première étant «Nicholas Nickleby» pour la Royal Shakespeare Company. Je m'étais alors avidement documenté sur cette période. J'ai aussi fait quinze ans de théâtre classique. Je me suis en quelque sorte préparé pour ce rôle depuis vingt ans.» Barney Clark commente : «Ben Kingsley était impressionnant. Il arrivait toujours avec le costume, la démarche et la voix de son personnage, si bien que je ne l'ai pas reconnu la première fois. Même le deuxième jour, j'avais encore du mal à croire que c'était lui avec ses sales dents, ses gencives et sa barbe. Tout avait l'air tellement vrai !». Ben Kingsley reprend : «Lorsque nous avons mis au point l'apparence de mon personnage, je me suis souvenu du propriétaire d'une boutique de bric-à-brac à Manchester. Je devais avoir l'âge d'Oliver lorsque je l'ai découvert. Son manteau fermé par un lacet m'intriguait beaucoup. J'ai souhaité le même pour Fagin. Le personnage s'est construit ainsi. C'est une mosaïque d'éléments et d'impressions glanées çà et là. En prenant du recul, il apparaît comme un ensemble composite constitué des différents détails que remarque Oliver au fil de l'histoire. Il se définit à travers le regard d'Oliver.»

BILL SYKES
C'est Jamie Foreman que Roman Polanski a choisi pour incarner Bill Sykes. L'acteur explique : «Bill est un catalyseur. Il se distingue par sa force et son instinct de survie. À bien des égards, il me fait penser à un requin, ce que j'ai essayé de traduire par un regard vide et inexpressif, au risque de paraître étrange puisque le regard sert d'ordinaire à communiquer des émotions ! Bill n'agit que par instinct. Il n'a compris qu'une seule règle dans le monde : tue ou sois tué. Bill est prêt à toutes les audaces et ne craint ni l'exil, ni la pendaison.» «Quand j'ai commencé à étudier le rôle, il m'était difficile de lui donner une dimension humaine, de dévoiler une facette de sa personnalité qui le rende attachant. Pour être convaincant, un acteur a besoin de se sentir proche de son personnage, aussi monstrueux soit-il. Bill ne se réduit pourtant pas à une bête agressive. C'est aussi un homme qui rêve de se sentir en sécurité.» «Les femmes sont particulièrement sensibles à sa personnalité, peut-être parce qu'il en découle indirectement un sentiment de sécurité. Bill protège les femmes qui l'entourent.»

NANCY
Ronald Harwood explique : «Parmi les quelques personnages féminins d'OLIVER TWIST, Nancy est de loin la plus fascinante. Elle a entre dix-neuf et vingt et un ans. Dickens ne nous donne pas son âge exact. Nous ne voulions pas qu'elle soit vulgaire, mais il fallait qu'elle soit sexy comme l'est son interprète, Leanne Rowe. Nancy a beaucoup de charme et elle s'en sert pour survivre dans son milieu.» Là encore, Roman Polanski a déniché une actrice britannique encore peu connue pour l'interpréter. Leanne Rowe se souvient : «Roman avait une vision très précise du personnage de Nancy. On a fait plusieurs essais de maquillage avec de la poudre blanche mais cela ne lui convenait pas. Il disait que j'avais l'air d'une poupée alors que Nancy devait avoir une apparence plus naturellement négligée. Une fois trouvé le maquillage idéal, on a pu commencer.» «J'ai eu mon premier costume à Londres, avant même d'avoir le rôle. J'ai essayé une robe de couleur verte et Anna Sheppard, la chef costumière, était très heureuse de voir qu'elle allait à quelqu'un parce que c'était un vêtement d'époque, vieux de plus de cent quatre-vingts ans et qui faisait partie d'une collection qu'elle avait achetée.» «Prendre l'accent de Nancy a été très amusant. J'ai dû m'écarter complètement de ma manière naturelle de parler, surtout pour la prononciation des “t” qu'on devait à peine entendre. Un répétiteur de dialogues s'assurait que je restais compréhensible. Cela devait ressembler à l'accent londonien sans être du Cockney.»

ARTFUL DODGER
Harry Eden, quatorze ans, n'en est plus à ses débuts. Il y a trois ans, avec son premier film, PURE, il a reçu la mention spéciale du Prix Manfred Salzgeber au Festival de Berlin et été nommé meilleur jeune espoir aux British Independent Film Awards. L'envie de devenir acteur lui est venue en regardant la comédie musicale «Oliver !». Le jeune garçon avait été émerveillé par les vilains tours de Dodger, alors incarné par Jack Wild. Il n'imaginait p as que, des années plus tard, il aurait l'occasion d'interpréter à son tour ce personnage. Il confie : «Roman m'a expliqué que Dodger est rusé et très habile de ses mains. Pour acquérir la même dextérité, je me suis entraîné au vol à la tire pendant environ un mois avant le début du tournage avec un magicien. Un autre prestidigitateur est venu à Prague continuer notre formation. Ces leçons étaient passionnantes. Roman voulait que les scènes de pickpocket ressemblent à une sorte de chorégraphie tellement les enfants voleurs étaient des virtuoses.»

CHARLEY BATES
Lewis Chase, treize ans, fait ses débuts sur grand écran dans le rôle de Charley Bates. «Dans une bande, note-t-il, il y en a toujours un qui met l'ambiance. C'était mon rôle et je l'ai beaucoup aimé. J'avais lu le roman, je connaissais donc déjà bien l'histoire.» «Roman Polanski attendait de ses acteurs beaucoup d'ardeur et d'énergie. Je devais toujours être en train de rire et plaisanter et Dodger devait toujours avoir l'air sérieux. Il m'arrivait de penser que Roman faisait partie des personnages. Il est lui-même un très bon acteur et il sait très bien montrer ce qu'il veut.»

MR. BROWNLOW
Ronald Harwood explique : «Nous avons légèrement modifié le personnage de Mr. Brownlow. Dans notre adaptation, c'est parce qu'il est charmé par la personnalité d'Oliver qu'il le prend en affection. Cela me semblait plus cohérent. Une des qualités premières des héros de Dickens est leur bonté naturelle. Pour l'écrivain, ils sont naturellement innocents. C'est la société qui les corrompt.» Edward Hardwicke, qui incarne le gentil Mr. Brownlow, raconte : «J'ai relu le roman avant d'attaquer le tournage. Dickens vous fait passer du rire aux larmes. Ses descriptions sont extrêmement vivantes et précises. Cette histoire n'a pas vieilli, les thèmes de l'innocence et de la survie, par exemple, restent très contemporains. Les parallèles qu'on ne peut s'empêcher de faire avec le monde d'aujourd'hui viennent naturellement et je pense qu'ils sont une des forces du film.»