D'ALIEN à
GLADIATOR en passant par BLADE RUNNER, le héros classique des
films de Ridley Scott est un être ordinaire pris dans des événements
majeurs, un personnage qui, à travers des épreuves ou
une tragédie, se révèle, tient tête et refuse
de se laisser abattre. «J'ai toujours eu envie de faire un film
sur les chevaliers et l'époque médiévale, précise
Ridley Scott, et surtout sur les croisades.Historiquement, le chevalier
est une figure emblématique. Ces personnages représentent
à eux seuls beaucoup de valeurs et d'imaginaire.» William
Monahan a suggéré à Ridley Scott une histoire qui
ait pour toile de fond le royaume de Jérusalem à l'époque
de Baudouin IV et de Saladin et qui mette en scène un jeune chevalier
qui apparaît comme le défenseur de la Ville sainte. Le
scénariste explique : «Pour moi, le chevalier défend
un idéal, et la période qui illustre le mieux cet idéal
est celle des croisades.» En 1095, répondant à l'appel
du pape Urbain II qui lança son célèbre «Dieu
le veut !», l'Europe chrétienne part à la reconquête
de la Ville sainte de Jérusalem, conquise par les musulmans au
VIIe siècle. Des milliers d'hommes, rois, nobles et paysans,
s'engageront dans les différentes croisades (huit en tout) qui
s'étaleront sur les deux siècles suivants. Jérusalem
est reprise par les armées chrétiennes lors de la première
croisade. Plusieurs générations de princes occidentaux
y règneront. Mais en 1186, lorsque commence notre histoire, le
royaume est la proie de dissensions internes et la puissance grandissante
de Saladin menace son existence même. Le royaume ne se maintient
que grâce aux forces nouvelles venues d'Europe : des vassaux tels
Godefroy d'Ibelin retournent dans leur pays natal pour recruter de nouveaux
combattants.
CROISÉS ET SARRASINS
Balian est un jeune forgeron français qui a perdu ceux qu'il
aimait. Sa foi est ébranlée. Son destin va le conduire
vers des terres lointaines, le plongeant au coeur de la guerre.Pour
Orlando Bloom : «Les aptitudes de Balian vont bien au-delà
de son savoir-faire de forgeron : c'est aussi un artificier, un ingénieur.
Il a ce don de savoir définir la meilleure façon de protéger
un château et ce, dès le premier regard. Cela lui sera
très utile au cours de son voyage.» Godefroy d'Ibelin est
le père de Balian. Il a quitté la France pour partir en
croisade, sa bravoure et son intégrité lui ont valu de
devenir un proche du roi Baudouin. Liam Neeson, qui l'interprète,
note : «Lorsque les croisés ont pris Jérusalem,
ils sont devenus des hommes très puissants. Ils se sont vu accorder
de grands domaines, de véritables petits royaumes.» L'acteur
poursuit : «Godefroy est revenu en France pour retrouver son fils.
Il ne
l'a jamais vu parce que cet enfant est né d'une liaison illégitime.
Il lui demande de l'accompagner à Jérusalem.» Orlando
Bloom précise : «Godefroy n'offre à Balian ni terres
ni argent ; il lui offre une famille. Il lui offre la chance d'être
son fils, d'oeuvrer, avec lui, en Terre sainte. Balian est un homme
sans repères. Il se lance dans une odyssée initiatrice,
une quête spirituelle, personnelle, politique et militaire qui
le mènera au bout de lui-même.» Godefroy voyage avec
d'autres chevaliers, des mercenaires, et l'Hospitalier : un chevalier,
confesseur et conseiller spirituel, incarné par David Thewlis.
L'acteur indique : «Les Hospitaliers sont nés au XIe siècle.
C'était un ordre à la fois militaire et religieux qui
veillait aux besoins des pèlerins chrétiens en Terre sainte.
L'Hospitalier est capable de combattre, mais c'est avant tout un homme
de paix.» David Thewlis poursuit : «Godefroy est un homme
troublé. Il porte en lui une grande douleur, mais trouve une
forme de rédemption au contact de Balian. Il redécouvre
qu'il est capable d'aimer. Il voit alors en Balian son digne héritier.»
Godefroy est mortellement blessé lors d'une embuscade. Son dernier
acte sera d'élever son fils au rang de chevalier, en lui transmettant
son titre de baron, soncode de l'honneur chevaleresque et en lui assignant
une mission : maintenir la paix à Jérusalem». Liam
Neeson explique : «Godefroy essaie de persuader Balian de le suivre
à Jérusalem, il a l'intime conviction qu'il existe un
moyen d'unir chrétiens et musulmans afin de vivre ensemble. Il
lui a fallu vivre des années de tueries inutiles pour parvenir
à cette conclusion.» Au moment où le chevalier donne
son épée à son fils, il lui transmet aussi les
valeurs qu'il a toujours défendues : protéger les faibles,
sauvegarder la paix et oeuvrer à l'harmonie entre les religions
et les peuples, afin que le «Royaume des Cieux» puisse enfin
s'épanouir sur la terre. Balian prend l'épée et
entre dans l'Histoire. Après la mort de Godefroy, l'Hospitalier
devient le compagnon de Balian et son conseiller. Ridley Scott observe
: «Il pose à Balian certaines questions et lui laisse trouver
les réponses. Il essaie de lui transmettre une notion essentielle,
celle de «l'action juste», envers et contre tout. Il lui
dit que «c'est ce que cherche Dieu». Tout le reste est folie.
Il est inutile d'entendre des voix, inutile de s'agenouiller. Il suffit
d'agir dans la droiture.» À Jérusalem, Balian rencontre
des personnages emblématiques de la ville. Parmi eux, la soeur
du roi, la belle princesse Sibylle, mariée contre son gré
à Gui de Lusignan - interprété par Marton Csokas.
Eva Green, qui incarne Sibylle, explique : «Sibylle a toujours
vécu à Jérusalem, elle a été élevée
au milieu des chrétiens, des juifs et des musulmans. Elle ne
partage ni les valeurs ni la soif de pouvoir de son mari. Sibylle et
Balian sont attirés l'un par l'autre sans qu'ils n'y puissent
rien, malgré les complications que cela engendre, personnelles
et politiques.» Orlando Bloom précise : «Balian ne
cherche pas l'amour, mais il le rencontre. Cette jeune femme lui apparaît
comme un être fascinant, enivrant, détaché de ce
monde. La relation qui se noue entre eux est très forte, c'est
une chose à laquelle il aspire et à laquelle il refuse
pourtant de céder. Rencontrer cette femme allume chez lui la
flamme de l'espoir.» Eva Green : «Sibylle, tout comme Balian,
trouve un havre de paix dans cette relation. Elle cherche quelqu'un
de vertueux, elle aspire à l'harmonie. Il est si pur, si loyal,
si noble
Il est à ses yeux l'homme idéal. Sibylle
a très peur pour son frère, le roi Baudouin ; il va mourir,
et elle est incapable d'affronter cette vérité.»
Baudouin, comme le personnage historique, est un roi juste et bon à
qui la lèpre ne laissera pas le temps de vieillir. La maladie
est si avancée qu'il doit cacher son visage derrière un
masque d'argent. Lorsque Balian rencontre Baudouin, le roi fait comprendre
au nouveau seigneur d'Ibelin qu'il doit poursuivre la mission de son
père et défendre la route de Jérusalem pour qu'elle
reste ouverte à tous les pèlerins, quelle que soit leur
religion. «Tous sont les bienvenus, précise Orlando Bloom,
non par opportunisme politique, mais parce que c'est juste.» Balian
fait aussi la connaissance de Tiberias, le conseiller militaire du roi,
un homme aussi sage qu'inflexible. Jeremy Irons, qui l'incarne, explique
:
«Tiberias est le commandant en chef de l'armée de Jérusalem.
Son roi est gravement malade, incapable de diriger le royaume comme
il le souhaiterait. Le monarque s'appuie donc énormément
sur Tiberias.» Tiberias explique à Balian la fragilité
de la paix qui règne à Jérusalem, menacée
à la fois par les conspirations internes contre le pouvoir en
place et par les 200 000 hommes de l'armée de Saladin qui cernent
le royaume. Jeremy Irons précise : «Tiberias a le plus
grand respect pour les musulmans comme pour les chrétiens, et
il estime nécessaire de rappeler souvent aux citoyens le respect
qu'ils se doivent les uns aux autres. Il arrive au bout de sa carrière,
fatigué de se battre contre les comportements stupides dont il
est le témoin à Jérusalem.» Ridley Scott
observe : «La trêve entre Baudouin et Saladin est fragilisée
par les conspirations au sein même du royaume. La confusion, la
corruption et les manoeuvres politiques prospèrent mais la plupart
sont habilement déjouées par Baudouin et Tiberias.»Star
du cinéma syrien, Ghassan Massoud est Saladin, le puissant chef
des Sarrasins. Massoud a écrit, entre autres, «Les Diplomates»,
une pièce satirique qui évoque les problèmes du
pouvoir dans le monde arabe aujourd'hui. Il note : «Pour moi,
Saladin est d'abord un homme d'État. Il n'est un guerrier qu'en
second lieu. Saladin a remporté de nombreuses batailles mais
a toujours essayé d'établir le dialogue avec l'ennemi.
C'est un personnage charismatique, humain, convaincu de la valeur de
l'échange.» Ridley Scott ajoute : «Saladin est admiré,
respecté comme un grand chef musulman, un grand politicien et
un stratège d'exception, y compris par les chrétiens.»
Ghassan Massoud précise : «Balian et Saladin en viennent
à se respecter l'un l'autre dans cette histoire.» Gui de
Lusignan, le mari de Sibylle, est un chevalier appartenant à
l'ordre militaire et religieux des Templiers. Ridley Scott explique
: «Les Templiers représentent un ordre religieux qui n'envisage
aucune relation avec les musulmans. Ils ne veulent pas la paix.»
Marton Csokas, qui joue Gui de Lusignan, précise : «Gui
est un des chefs militaires de l'armée de Jérusalem.Homme
de combat avant tout, il considère que le roi est incapable d'exercer
ses fonctions. Il veut aller se battre coûte que coûte,
moins par amour de la guerre que par soif de pouvoir. Il est, à
bien des égards, l'opposé de Balian.» Le partenaire
de Gui au sein de cette conspiration est Renaud de Châtillon,
qui règne sur la forteresse massive de Kerak - dont on peut voir
aujourd'hui encore les ruines en Jordanie, à environ 80 km au
sud-est de Jérusalem. Brendan Gleeson : «C'est dans le
chaos que Renaud se révèle. C'est un homme rusé
et sanguinaire qui a perverti le sens de la chevalerie.Tout ce que fait
Renaud est dicté par la cupidité et la convoitise.»
Par leur impétuosité et leur désir de domination,
Gui et Renaud déclenchent une réaction en chaîne
d'événements qui vont conduire Jérusalem à
la guerre contre les Sarrasins. Alors que le règne de Baudouin
s'achève, Renaud saisit l'occasion que lui offre Gui pour s'emparer
du pouvoir. Marton Csokas remarque : «Tout bascule lorsque Gui
assassine de sang-froid un messager sarrasin. C'est le début
de la fin, pas seulement pour Gui mais pour tout ce que Baudouin et
Saladin se sont efforcés de construire : une société
de tolérance». La tactique de Gui consiste à mener
l'armée de Jérusalem hors des murs de la ville pour affronter
les troupes bien supérieures en nombre de Saladin. Erreur funeste.
les chevaliers chrétiens sont écrasés : c'est la
célèbre bataille de Hattin. Saladin mène alors
son armée jusqu'au pied des murs de Jérusalem. Fidèle
au code de chevalerie, Balian entreprend la mission de défendre
la ville.
DE LA CONCEPTION AU TOURNAGE
Ridley Scott était en train de développer un projet intitulé
TRIPOLI avec le scénariste William Monahan lorsque les deux hommes
commencèrent à parler d'un film portant sur certains aspects
des croisades. Ridley Scott : «Le temps des croisades est une
époque passionnante de l'Histoire. Sur 200 ans, on peut observer
toutes les variantes possibles du comportement humain. KINGDOM OF HEAVEN
utilise des événements historiques comme une
trame où s'inscrira le destin d'un homme. Nous avons choisi une
période de l'Histoire où règne un état de
paix que nous semblons incapables d'atteindre aujourd'hui. C'est ce
qui nous a fascinés. Nous nous sommes efforcés de montrer
les deux camps de manière équilibrée. D'une part
un héros, Balian, un homme qui se préoccupe de mener des
actions «justes». D'autre part Saladin, un des personnages
les plus emblématiques du monde oriental.»
William Monahan est fasciné depuis longtemps par le royaume latin
de Jérusalem, particulièrement par le règne de
Baudouin IV. «C'était une période d'équilibre
entre l'Etat croisé et les musulmans. La trêve avait un
aspect pratique, mais elle reposait aussi sur une sorte de fascination
entre les deux cultures. Le respect mutuel de la paix était voulu
à la fois par Baudouin et par Saladin, et chacun a dû affronter
des extrémistes dans son propre camp.»
Le scénariste a travaillé à partir de récits
d'époque. Ses recherches ont révélé que
le roi Baudouin et Saladin avaient effectivement réussi à
instaurer une trêve durable et sans précédent, durant
laquelle les trois grandesreligions monothéistes étaient
pratiquées librement à Jérusalem.
LE CASTING D'UN ROYAUME
«Ce rôle est un rêve de gosse, raconte Orlando Bloom
avec enthousiasme. J'incarne un chevalier, un homme qui a une vraie
droiture et un profond sens de l'honneur, du devoir et de l'intégrité,
qui va suivre son destin et rencontrer l'amour... Balian est un héros
malgré lui, ce qui est à mon sens le meilleur type de
héros qui soit.» Ridley Scott et Orlando Bloom avaient
travaillé ensemble sur LA CHUTE DU FAUCON NOIR. Le réalisateur
explique : «Orlando est quelqu'un de franc et de très ouvert,
ce qui correspondait bien au personnage. En plus, il a une vraie dimension
physique sur le terrain. Sur LA CHUTE DU FAUCON NOIR, il est vraiment
tombé d'un hélicoptère ! Il est capable de faire
tout ce que je lui demande, mais je crois que c'est surtout son honnêteté
et sa sincérité qui lui donnent l'authenticité
nécessaire à l'interprétation du rôle de
Balian.» Orlando Bloom observe : «Ridley a le don de faire
cohabiter des éléments historiques et des idées
contemporaines. Ses films assurent certes un spectacle très visuel,
mais ils vous poussent aussi à vous poser des questions, ce sont
des films forts.»
Eva Green a été choisie pour incarner Sibylle parce qu'il
fallait au film une présence féminine forte pour s'imposer
dans un univers presque exclusivement masculin. Ridley Scott explique
: «Eva a à peine plus de vingt ans, mais elle possède
une vraie maturité. Elle a un jugement sûr et une intuition
fantastique.» La jeune actrice confie : «Ridley est un homme
simple. Aussi gigantesque que soit l'échelle de ce film, il est
facile de travailler avec lui. Il comprend qu'un acteur est vulnérable
et sait comment créer autour de lui une atmosphère de
sécurité. Ce calme et cette énergie vous rendent
plus fort. Il ne montre jamais d'anxiété ni de tension.
On oublie trop souvent que Ridley est aussi un grand directeur dacteurs.»
Ridley Scott tenait à ce que les rôles des musulmans soient
interprétés par des acteurs orientaux. Ghassan Massoud
et Khaled Nabawy, qui jouent Saladin et Mullah le fanatique, sont des
stars majeures du monde arabe. Ghassan Massoud confie : «C'est
une expérience très particulière pour moi, comme
ça le serait pour n'importe quel acteur du monde arabe, de travailler
avec un réalisateur comme Ridley Scott. Nous respectons sa manière
de penser, d'aborder le film, les personnages et l'histoire.»
Tous les acteurs ont effectué leurs propres recherches sur cette
époque de l'histoire, sur leurs personnages, les coutumes et
les différentes cultures.
Ghassan Massoud a étudié la vie de Saladin en profondeur
à partir de sources aussi bien orientales qu'occidentales, et
a lu quantité d'ouvrages sur le sujet. «Beaucoup de gens
iront voir ce film parce que Saladin fait partie de
l'Histoire, explique-t-il. Il a laissé un souvenir très
présent dans le monde arabe, mais aussi en Europe, en France,
en Angleterre. Il a été dépeint par le scénariste
et le réalisateur avec justesse et équilibre.» Il
est arrivé à plusieurs reprises que le scénariste,
le réalisateur et Ghassan Massoud apportent des ajustements au
scénario d'après les connaissances de Massoud sur Saladin
et les coutumes orientales. L'acteur raconte : «Je me suis rendu
compte à cette occasion que les Anglais ont un grand respect
pour Saladin, qu'ils considèrent comme un adversaire valeureux
de Richard Coeur de Lion.»
REDONNER VIE AU PASSÉ
La création de KINGDOM OF HEAVEN a demandé des mois de
recherches méticuleuses, un colossal travail de création
et une étroite coordination entre plusieurs équipes dans
différents pays. William Monahan explique : «Ridley est
un réalisateur extrêmement visuel. Quand vous parlez avec
lui d'un scénario ou d'une histoire, il commence toujours par
dessiner le cadre, et ce qu'il a l'intention d'y mettre. En rassemblant
tous ces petits bouts de papier qu'il dessine continuellement, vous
pouvez voir à quoi ressemblera tout le film... «Rien ne
peut vraiment vous préparer à un projet de cette ampleur,
ajoute le scénariste. C'était si énorme qu'il a
fallu tout gérer comme une opération militaire.»
Le chef décorateur Arthur Max précise : «Les films
de Ridley semblent avoir de plus en plus d'ampleur et raconter en même
temps des histoires de plus en plus intimes. Tout est vu et raconté
à travers les yeux de quelqu'un qui aurait pu mener une vie tout
à fait banale.» Après avoir rassemblé une
importante bibliographie de référence, le chef décorateur
a réalisé des maquettes des principaux décors pour
que Ridley Scott et lui puissent décider de leur forme finale.
Ensuite il a fait réaliser plus de 1 000 dessins par le département
décors à Rome.Le chef décorateur explique : «Ridley
et moi aimons créer des mondes nés à la fois de
nos recherches et de notre imagination. Nous tenons compte particulièrement
du contexte historique et le reconstituons avec précision, pour
permettre aux acteurs de mieux s'imprégner de la réalité
de l'époque».
LES COSTUMES ET LES ARMES
La chef costumière Janty Yates a elle aussi effectué des
recherches poussées pour recréer les divers costumes du
film. «Il a fallu par exemple tout savoir sur les languettes des
chaussures portées par les Sarrasins
et en recréer
5000 !» Janty Yates a commencé par visiter le British Museum,
plusieurs autres musées et bibliothèques au Royaume-Uni,
l'armurerie de Leeds et la Salle des Croisades du château de Versailles
- un musée consacré aux croisades créé par
Louis-Philippe à partir de 1833. Elle raconte : «Encadrant
les peintures sur les croisades, il y avait des blasons. Je les ai remarqués
juste avant de devoir sortir de la salle. J'ai supplié d'avoir
un peu plus de temps
et j'ai découvert les armoiries de
Balian d'Ibelin datant de 1180 !» Pour la chef costumière,
l'un des plus importants aspects de la création des costumes
est le choix des couleurs. Elles jouent ici un rôle vital pour
distinguer les différentes factions militaires. Janty Yates explique
: «Tous les chevaliers portent des tabards différents selon
leur lignée - ce manteau ample à fentes latérales
porté par-dessus l'armure. Les armoiries d'Ibelin étaient
bordeaux et or, nous les avons traduites par du bordeaux et sable sur
la livrée des Ibelin. L'armée de Jérusalem est
entièrement vêtue de bleu centaurée, et le roi porte
donc du bleu centaurée et de l'or. Jeremy Irons, commandant en
chef de Jérusalem, porte la même couleur, tout comme Marton
Csokas, qui joue Gui de Lusignan. Pour l'armée sarrasine, nous
avons choisi une palette de rouge, sable, ambre et or, pour rappeler
le désert. Saladin et son lieutenant, Imad, portent de l'argent,
de l'or, du noir.» La chef costumière poursuit : «Sibylle
est la seule femme du film, j'ai pris un soin particulier pour elle
: elle a 28 tenues différentes ! Ses tenues à cheval sont
particulièrement remarquables. J'ai utilisé des soieries
brodées en Inde, j'ai fait faire des pantalons de harem et ses
bottes ont été fabriquées spécialement à
Rome. Ses robes d'apparat sont stupéfiantes, couvertes de perles.
Toutes les pierreries et les broderies ont été réalisées
à la main en Inde.» Janty Yates et son équipe ont
créé environ 15 000 costumes pour les acteurs et les figurants
et ont habillé jusqu'à 2 000 figurants en même temps.
Les tissus proviennent d'Inde, d'Italie, de Thaïlande, de France
et du Royaume-Uni. Chaque costume comportait de 13 à 15 éléments
: veste ou tunique, chemise, pantalon, tabard, plusieurs pièces
de cottes de mailles, casques, bottes, gants, capes, fourreaux, ceintures
Les cottes de mailles ont été fabriquées par WETA
Workshop en Nouvelle-Zélande. La chef costumière commente
: «Elles sont remarquablement légères et réalistes.
Les casques sont faits de caoutchouc, ils étaient donc très
légers eux aussi. Tout a été fait pour un maximum
de confort pour les acteurs et les figurants.» Avec son équipe
de 40 à 80 costumiers basée en Espagne et au Maroc, la
chef costumière a mis en place sur les lieux de tournage de véritables
«villages» costumes, pour laver, vieillir, teindre, créer
et ajuster les différents costumes. Le maître armurier
Simon Atherton a créé des dizaines de milliers d'armes.
Deux d'entre elles avaient une importance particulière : l'épée
de Godefroy, dont hérite son fils Balian, et celle de Saladin.
Atherton commente : «Pour l'épée de Godefroy, le
plus difficile a été le fourreau et la ceinture. J'ai
créé une poignée en noyer recouverte de cuir. Elle
est décorée de petits dragons et d'une croix. Les lames
ont été faites en aluminium, plus léger et moins
dangereux que d'autres métaux. Il m'a fallu une bonne semaine
pour réaliser
la première, et il y en a cinq en tout, de différents
poids et différentes tailles.» Pour Saladin, Ridley Scott
désirait de grands cimeterres courbes, mais les recherches de
Simon Atherton ont révélé que les lames utilisées
par les
Sarrasins à l'époque étaient droites. L'armurier
raconte : «J'ai coupé l'extrémité parce que
je trouvais que cela donnait un air menaçant. La poignée
est faite d'os, elle est décorée de têtes de serpents.
Elle a demandé beaucoup de travail, chaque élément
a dû être sculpté séparément.»
RETROUVER L'HISTOIRE EN ESPAGNE ET AU MAROC
KINGDOM OF HEAVEN a été tourné dans deux pays :
en Espagne pour les scènes se déroulant dans la France
du XIIe siècle, et au Maroc pour celles situées en Terre
sainte. Certains intérieurs de Jérusalem ont également
été tournés en Espagne. L'équipe de tournage
comptait 436 personnes pour le début des prises de vues en Espagne.
443 Marocains sont venus rejoindre le tournage au Maroc. La production
a fait appel pour les plus grosses journées à des milliers
de figurants, parfois renforcés par l'armée marocaine.
Le tournage a débuté au nord de l'Espagne, un pays qui
porte la trace de différentes religions et compte parmi ses monuments
majeurs aussi bien des mosquées que des églises. Le château
de Loarre, demeure de la famille de Godefroy dans le film, est l'une
des forteresses du XIIe siècle les mieux préservées
d'Europe. Elle a été construite en Aragon, à l'ombre
des Pyrénées, sur ce qui était la frontière
entre l'Espagne catholique et l'Espagne musulmane à l'époque.
L'équipe s'est ensuite installée à Ségovie,
splendide ville médiévale, pour y tourner la séquence
d'embuscade, dans la forêt de Valsain.
C'est ensuite dans la ville fortifiée d'Avila, dans la magnifique
cathédrale romane du XIIe siècle, qu'a été
tournée la scène du couronnement et celle de la défaite
des chrétiens. Plus au sud, près de Cordoue, dans la petite
ville de Palma del Rio, se situe le palais Pontocarrero, construit par
le sultan Abu Yacub au XIIe siècle, qui apparaît dans le
film sous différents angles : la cour de la baronie d'Ibelin,
et un hôpital. À Séville, capitale du passé
musulman de l'Espagne, ont été choisis deux sites importants
: la Casa de Pilatos, que l'on dit être une reproduction de la
résidence de Pilate à Jérusalem et l'Alcazar, l'un
des exemples d'architecture arabo-andalouse les plus impressionnants
du monde. Certains patios ont été utilisés dans
le film, notamment pour représenter le palais du roi Baudouin
à Jérusalem. C'est au Maroc qu'ont été filmées
les principales scènes d'extérieurs.Toute l'équipe
s'est installée à Ouarzazate, aux portes du Sahara. Timdrissit
était autrefois une halte importante pour les grandes caravanes
de chameaux faisant du commerce entre l'Afrique sub-saharienne et Marrakech.
Il reste aujourd'hui dans cette oasis plus guère fréquentée
une demi-douzaine de caravansérails. Arthur Max y a construit
le manoir de Terre sainte dont hérite Balian. Un autre lieu clé
représente le Golgotha, la colline où le Christ a été
crucifié. C'est là que Balian enterre le crucifix de son
épouse décédée. La colline et la casbah
qui se trouvent au pied sont connues sous le nom de Ait Ben Haddou et
le site est déclaré patrimoine de l'humanité par
l'Unesco, tout comme le château de Loarre, Avila, Ségovie,
la Casa de Pilatos et l'Alcazar. Le dernier lieu de tournage a été
Essaouira, sur la côte Atlantique. Autrefois connue pour sa teinture
tirée d'un coquillage local, le rose tyrien, couleur favorite
des toges romaines, la ville a été utilisée pour
ses rues et ses vieux murs qui passent pour des détails de l'ancienne
Jérusalem. C'est également là que se trouve la
plage où échoue Balian après son naufrage.
RECRÉER
JÉRUSALEM
Ridley Scott a déjà travaillé avec le chef décorateur
Arthur Max sur plusieurs films et apprécie le fait qu'il ait
une formation d'architecte. Max et son équipe ont recréé
les extérieurs de Jérusalem du XIIe siècle aux
Studios Atlas Films. Il confie : «C'est le plus grand décor
sur lequel j'aie jamais travaillé». Le chef décorateur
poursuit : «Nous avons recréé notre décor
d'après des éléments de la vraie ville, les portes,
la zone de la citadelle, avec la Tour de David. Il y a plus de 28 000
m2 de murs. Nous avons utilisé 6 000 tonnes de plâtre.»
L'équipe des décors a dû également fabriquer
la plupart des objets de la vie courante. «Nous avons eu de la
chance : en Espagne et au Maroc, l'artisanat et l'industrie de la céramique,
du métal et du travail du cuir sont encore en pleine activité
et bien implantés.» Pour recréer un monde, les petits
détails ont une importance vitale. Le chef décorateur
explique : «Quand vous faites un film à caractère
historique, vous finissez invariablement par fabriquer la plupart des
éléments parce qu'il est très difficile de trouver,
par exemple, une authentique baignoire du XIIe siècle. Et nous
en avons une demi-douzaine dans ce film. Nous avons mis en place une
douzaine d'ateliers de forge, fabriqué des drapeaux, des armures,
et des milliers d'armes, des flèches, des épées
et des boucliers». L'authenticité a été le
maître mot de chaque étape de la création, depuis
les décors imposants jusqu'au moindre accessoire fabriqué
à la main.L'ensemblière Sonja Klaus et son équipe
de 80 décorateurs et artisans sont souvent remontés directement
à la source. Ainsi, une douzaine de couvreurs spécialistes
du toit de chaume ont rejoint les 450 membres de l'équipe technique
et ont travaillé de la même manière que leurs ancêtres
au XIIe siècle. Un forgeron britannique a enseigné à
Orlando Bloom comment se comporter dans une forge comme on le faisait
il y a mille ans. Un fer à cheval du XIe siècle trouvé
près de la Tour de Londres a servi de modèle. À
Madrid ont été engagées trois femmes qui préparent
des recettes venues du temps des croisades et cuisinent selon les mêmes
méthodes. Sonja Klaus explique : «Beaucoup de choses ont
été créées de toutes pièces par les
départements cuir, draperie, peinture et teinture. Les maquettistes
ont sculpté, fabriqué des moules, travaillé le
plâtre, la fibre de verre et le métal. Nos artisans cuir
ont fabriqué aussi bien des récipients que des selles,
ils ont créé 850 pièces de harnachement. Nos charpentiers
ont créé des meubles et des charrettes. Les métallurgistes
ont forgé et coulé des braseros, des torches, des équerres,
des supports, des charnières, des anneaux
Nous avions même
un spécialiste du bambou et de l'osier.» Arthur Max observe
: «C'est passionnant de remonter le temps. Une partie du procédé
consiste à créer toute une ambiance avec des objets auxquels
personne ne penserait, comme par exemple les pots pour piéger
les guêpes que l'on suspendait dans les pièces. Les recherches
ont révélé tout un assortiment d'objets étranges.
Nous avons apporté un nombre considérable de détails
dans les objets usuels, dans la manière dont on prépare
les repas, dont on fait le pain, dont on transporte l'eau. Tout cela
apporte une densité à l'univers visuel et à la
narration.» Les équipes regroupaient un grand nombre de
nationalités différentes : au Maroc, il y avait 350 personnes
dans l'équipe de construction, des Marocains, des Croates, des
Italiens, des Espagnols et quelques Anglais. «Comme au temps des
croisades, souligne Ridley Scott, notre équipe était un
mélange de différentes cultures oeuvrant ensemble vers
le même but.»
UN MONDE À PERTE DE VUE
Le décor déjà colossal de Jérusalem a été
enrichi par des images de synthèse. Arthur Max explique : «La
partie du processus de création des décors que j'aime
le plus consiste à mélanger ce qui existe, ce qui est
réel et ce qui a été ajouté, créé
par ordinateur. Brouiller les limites pour qu'on ne puisse pas départager
le vrai de l'imaginaire... C'est quand personne ne peut faire la différence
qu'on sait qu'on a fait du bon travail !» Ridley Scott raconte
: «Il y a 25 ans, sur BLADE RUNNER, le pionnier des effets visuels
Douglas Trumbull m'a donné un conseil que je suis toujours aujourd'hui
: «Si tu peux le faire en vrai, fais-le. Crois-moi, ce sera mieux
et moins cher». C'est toujours aussi vrai, et je m'efforce toujours
de faire le plus de choses possible en décors réels. Mais
quand il y a une bonne raison de faire appel aux effets visuels, je
n'hésite pas.» Le superviseur des effets visuels Wesley
Sewell explique : «Notre décor était très
grand, mais bien sûr pas autant qu'une ville. Le défi a
été de restituer l'ampleur d'une cité capable d'abriter
un million de personnes. «La technologie nous a aussi permis de
créer des gens qui non seulement ont l'air vrais mais qui bougent
de façon réaliste. Dans LE SEIGNEUR DES ANNEAUX, la technologie
était déjà fantastique, mais il existe maintenant
encore plus de raffinement dans le mouvement et l'interaction. Il est
à présent possible de créer de nombreuses attitudes
dans une même scène. «Pour l'armée des Sarrasins,
par exemple, les soldats viennent de plusieurs parties du monde arabe.
Syriens, Egyptiens, Africains du Nord s'y côtoient. Nous avons
photographié les costumes séparément pour pouvoir
par la suite changer les couleurs d'un turban ou d'une tunique.»
La stupéfiante scène de bataille de KINGDOM OF HEAVEN
montre les armées de Saladin assiégeant les murs de la
ville. Les soldats poussent des tours d'assaut contre les murs, et lorsque
le bois touche la pierre, les pierres s'écroulent, permettant
aux musulmans d'accéder aux remparts. Des échelles sont
montées contre les murs, de l'huile est versée sur l'armée
des envahisseurs.Tandis que les flèches remplissent le ciel,
les défenseurs chrétiens se battent pour combler la brèche.
Des hommes en feu tombent des murs. Six caméras ont filmé
l'action, dont l'une était placée sur un hélicoptère
surplombant la scène. La séquence a été
répétée trois fois avant que Ridley Scott ne donne
son accord. Le tout prend moins d'une minute à l'écran.
2 000 figurants sont arrivés à 5 h 30 du matin et ont
enfilé leurs costumes avant de passer au maquillage et à
la coiffure. Des dizaines de techniciens des effets spéciaux
avaient construit les tours d'assaut selon le même procédé
que celui employé il y a un millénaire. Les échelles
étaient motorisées et se relevaient pour se placer exactement
à l'endroit choisi, comme celles des camions de pompiers. Des
feux brûlaient le long des 300 m de murs. Des cartons ont été
cachés pour recevoir les 120 cascadeurs après leur chute.
Les armuriers ont collaboré avec les techniciens des effets spéciaux
pour ajuster et lancer des batteries de flèches. Ils ont également
construit ensemble les «scorpions», des armes de destruction
massive de l'époque combinant la technique d'une arbalète
et la puissance d'une catapulte pour lancer des harpons. Un autre des
vétérans de l'équipe de Ridley Scott est le superviseur
des effets spéciaux Neil Corbould. Il explique : «L'ampleur
des effets a été un vrai défi pour nous. Il y avait
le tir des armes de siège, et de très nombreuses explosions
dans Jérusalem. Ils ont tourné avec cinq à huit
caméras, et il fallait des effets pour chaque caméra.
C'était un «plateau feu» énorme. Nous avons
placé un kilomètre de rampes à gaz et avons utilisé
36 000 litres de propane en une fois.Nous avons brûlé 120
000 litres de propane au total.» Phil Neilson, le coordinateur
des cascades, a bien sûr travaillé en étroite collaboration
avec Corbould. «Nous avions 56 personnes en feu, qui tombaient
de tours de siège de 13 m de haut
mais nous n'avons eu
à déplorer aucun accident !»
LA MUSIQUE
C'est la première fois que Ridley Scott travaille avec le compositeur
Harry Gregson-Williams. Il observe : «Harry a une formation classique,
ce qui était essentiel pour ce film. Mais il a mélangé
plusieurs influences musicales.» Le compositeur explique : «Pour
la séquence d'ouverture en France, un décor désolé
et froid, j'ai employé le son lugubre des violes. Par contraste,
quand Balian arrive à Jérusalem, il fait l'expérience
de nouvelles odeurs, de couleurs et de sons inconnus. On entend un oud,
un kanoon, une kamancha - un violon arabe.» Dans le studio 3 d'Abbey
Road, Harry Gregson-Williams a adjoint à son orchestre un choeur
de 123 voix et un petit groupe de musiciens turcs venus d'Istanbul.
«La couleur de cette bande originale vient des musiciens turcs,
de l'orgue de Barbarie, des différentes sortes de violes, et
du choeur de Bach, qui chante parfois très doucement. Il y a
beaucoup de textures différentes, avec des sessions de percussion,
jouées sur des répliques exactes des instruments de l'époque.»
Le compositeur a créé un thème musical pour le
père, Godefroy d'Ibelin, qui évolue pour devenir celui
de Balian quand il lui transmet son épée et sa responsabilité.
Pour Sibylle, il a écrit une musique délicate et exotique.
Par contraste, Renaud a un thème «qui rôde par en
dessous, avec violoncelle, contrebasse, tuba et trombone.» Pour
Saladin, Harry Gregson-Williams a «opté pour un motif musical
joué par une flûte qui comporte seulement quelques notes
jouées toujours dans le même ordre, afin d'implanter dans
l'esprit du spectateur sa présence et sa noblesse». Pour
le roi Baudouin, le compositeur a choisi des cuivres sonores, «quelques
cors français et des trombones». Il précise : «Son
thème est le plus classique et le plus royal de tous. Il y a
chez lui une certaine amertume, mais il a aussi une grande intégrité.»
Lorsque les deux cultures s'affrontent, le compositeur illustre chaque
bataille par des orchestrations, auxquelles sont ajoutés des
effets sonores puissants pour atteindre leur apogée. Pour mixer
le son du film, Ridley Scott a fait appel à Mike Minkler, nommé
à neuf Oscars et lauréat à deux reprises, pour
CHICAGO et LA CHUTE DU FAUCON NOIR.