Edy
Réalisateur : Stéphan Guérin-Tillié

Genre : Policier, Comédie

Date : 02 Novembre 2005

Durée : 1 h 41

Origine : Français

Distribution : Mars Distribution

 

Résumé

Note de la production

Acteurs :

François Berléand : Edy
Philippe Noiret : Louis
Yves Verhoeven : L'inspecteur
Laurent Bateau : Le guignol
Marion Cotillard : Céline / La chanteuse du rêve
Eric Savin : Jean
Jacques Spiesser : Le 1er assureur
Cyrille Thouvenin : Antoine
Pascale Arbillot : Catherine
Nicolas Abraham : L'avocat
Xavier Aubert : Le réalisateur de 'Questions pour un champion'
Pierre Aussedat : Le médecin
Hubert Benhamdine : Le 2ème agresseur
Dominique Bettenfeld : Le 1er client au bar
Olivier Brocheriou : Les 4èmes assureurs
Joël Demarty : Le 3ème client au bar
Thomas Doucet : L'enfant au chien
Marie Guillard : La candidate de 'Questions pour un champion'
Julien Lepers : Julien Lepers
Christophe Offenstein : Les assistants réalisateurs de 'Questions pour un champion'
Quentin Ogier : Les assistants réalisateurs 'Questions pour un champion'
Pascal Parmentier : Le voisin énervé
Marie Pillet : La voisine d'Edy
Laurianne Robert : La serveuse de la brasserie
Catherine Samie : Le 3ème assureur
Céline Samie : Les 4èmes assureurs
Ariane Seguillon : La concierge de Louis
Philippe Séjourné : Le barman

Directeur Photo : Christophe Offenstein

Musique : Nils Peter Molvaer

Décors :

Chef décoration : Francis Guibe

Costumes : Pascale Arrou

Montage : Stan Collet

Effets Spéciaux :

Casting :

Direction artistique : Fred Remuzat

Maquillage : Sophie Pré

Son :

Elisabeth Paquotte : monteur
Frank Ceven : assistant bruiteur
Murielle Damain
Williams Schmit : mixeur
Pascal Chauvin : bruiteur
Serge Rouquairol : monteur
Eric Tisserand : mixeur

Autres postes :
Rémy Grandroques : photographe
Didier Abot : régisseur général
Lucie Brion : scripte

Scénario : Stéphan Guérin-Tillié

Producteur :

Production :

Mars Distribution
Little Bear
StudioCanal
France 2 Cinéma

Producteur executif : Agnès Le Pont

Assistant réalisation :

Sonia Janin : première assistante
Juliette Crété : 3ème assistant
Laurent Freyre : 3ème assistant

Lieux de tournage :

Budget :

Site officiel : http://www.marsdistribution.com/fiche_film_gen_cfilm=51727.html

Récompenses :

 Résumé :
Edy est l'un des meilleurs dans le domaine de l'assurance; particulièrement lorsqu'il s'agit d'aider certains de ses clients à mettre la main sur l'assurance-vie de leur conjoint.
Mais depuis quelques temps, Edy a perdu l'envie de vivre. Quand il essaie d'en finir, le destin lui joue un drôle de tour. Non seulement il survit, mais il se retrouve avec un cadavre sur les bras. Edy n'a qu'une solution. Mais là encore, le destin se moque de lui.

 Note de la production

Frédéric Bourboulon, producteur d'Edy

Entretien avec Stephan Guérin-Tillié, réalisateur d'Edy

Frédéric Bourboulon, producteur d'Edy

Marion Cotillard m’appelle un samedi matin :
- «Dis-moi, j’ai un ami qui a écrit un scénario, que je trouve très bon ; est-ce que je peux lui dire de te l’envoyer ?»
Trois semaines plus tard, Stephan Guérin-Tillié entre dans mon bureau. À la manière dont il me parle de ce scénario que j’avais aimé, je sais qu’on va faire la route ensemble.

Deux ans après, je découvre le premier montage d’ Edy (2004) C’est bien le même film que Stephan m’avait raconté ce jour-là. Un film brillant, un film de metteur en scène, qui vient tout naturellement prendre sa place à Little Bear aux côtés de Tavernier, Nicloux et Jolivet, dans notre quête de cette fameuse «troisième voie», entre cinéma de «prime time» et une prétendue «nouvelle idée du cinéma français».
Comme s’il se réclamait à la fois de Jacques Becker et de Paul Thomas Anderson, Stephan, tout cinéaste débutant qu’il est, filme avec un plaisir gourmand, libéré de toute contrainte grammaticale, la confrontation attendue entre un Berléand toujours imprévisible (sous ses vrais airs de «samouraï») et un Noiret qui se délecte d’un dialogue de fin gourmet («... quand on aura mis ton dormeur dans son plumier...»).
- «Allô, Philippe, j’aimerais bien que vous lisiez le scénario d’un jeune auteur... mais je tiens à vous avouer tout de suite qu’il avait choisi un autre acteur, qui vient de se récuser...»
- «Vous savez, me répond-il, les gens se souviennent des acteurs qui sont dans les films, pas de ceux qui les ont refusé !»
Nous sommes alors au début de juillet 2004, un lundi soir vers 17 heures. J’ai dû suspendre la préparation du film depuis une semaine. L’avenir d’ Edy (2004) est plus qu’incertain... Philippe me rappelle le lendemain à 9 heures 30 :
- «Dites-moi, c’est bon cette histoire là !...»
À 15 heures le même jour, j’attends Stephan devant l’immeuble de Noiret. Stupéfait, je le vois arriver le crâne rasé, ce qui lui donne l’air du skinhead, qui tabasse Berléand dans son film. Il m’explique qu’il a fait cela pour conjurer le sort : s’il se rasait la tête, il ne pouvait pas être engagé comme comédien, donc son film devait se faire. Pendant toute la discussion avec Philippe il gardera, vissé sur la tête, une vilaine casquette, avant que je finisse par relater l’anecdote à celui qui est déjà notre Louis.
Noiret, à qui on ne la fait plus, a senti dès cette première rencontre à qui il avait à faire. Quatre mois plus tard, dans la voiture qui nous ramènera à Paris après la dernière nuit de tournage, il me confiera : «On a eu du pif, non ?...»

Entretien avec Stephan Guérin-Tillié, réalisateur d'Edy

Qu’est-ce qui vous a poussé vous, comédien, à passer un jour derrière la caméra ?
L’envie d’écrire et de raconter mes propres histoires.
A force d’être au service de metteurs en scène le besoin de créer mon univers s’est affirmé. Je ne voulais plus me contenter d’être l’objet du désir mais d’être le moteur même du désir.
Et puis dix ans d’expérience comme acteur sur un plateau vous apprennent beaucoup. On est aux premières loges pour observer le processus de création d’un film.
J’ai l’impression que cette évolution est normale, naturelle : d’abord deux court-métrages, J’ai fait des sandwiches pour la route et Requiem(s) et enfin Edy (2004).

Comment est née l’idée d’ Edy (2004) ?
Le point de départ, c’est le personnage et le genre.
J’aimais l’idée d’un personnage qui veut mettre fin à ses jours, se rate et qui finalement se retrouve entraîné malgré lui dans une succession de problèmes et d’échecs, (à l’image de ces installations de dominos qui n’en finissent pas de tomber), pour finalement basculer dans le polar empreint d’humour noir.
L’ambition d’unir le genre du film noir à celui de la dérision. De tenter d’établir une séparation imperceptible entre le divertissement et le drame.
Cela correspond à un genre de cinéma qui me touche.
J’avais envie de parvenir à cet équilibre-là en portant aussi un soin particulier aux dialogues.
L’écriture du film en elle-même a été relativement rapide car je me sentais en accord avec cette histoire et ces personnages.

En parlant d’acteur, vous avez écrit Edy (2004) pour François Berléand ?
Oui. Je l’avais déjà dirigé dans un court, Requiem(s) et nous avions été partenaires dans HS Hors Service (2001) de Jean-Paul Lilienfeld. Cette rencontre a été déterminante dans mon parcours, humainement et artistiquement. Et s’il n’avait pas accepté le rôle, je ne sais pas si j’aurais fait ce film !
François a 50 ans et voit seulement aujourd’hui arriver vers lui des rôles majeurs, alors qu’il travaille depuis des années. Il n’a donc pas, loin de là, fait le tour de tout ce qu’il est capable d’exprimer. Et c’est exactement ces zones d’ombre que j’avais envie de mettre en lumière.
C’est vrai qu’en écrivant Edy (2004), j’aimais l’idée de lui proposer ce personnage mutique alors que jusque-là on l’a plutôt vu jouer des volubiles. Or, pour moi, François possède une qualité rare chez les acteurs, il sait écouter. Il m’impressionne quand, dans ces moments-là, ses sentiments se traduisent juste par d’infimes expressions sur son visage. J’avais envie de lire ça sur le visage d’ Edy (2004).


Vous avez aussi écrit ce film avec Marion Cotillard en tête. Pour quelle raison ?
Marion c’est l’actrice de ma vie... Et pour moi, la plus singulière des actrices de sa génération. Elle est rare comme Romy Schneider pouvait l’être. Elles ont en commun cette même faille, ces moments d’abandon total. On ne peut être qu’amoureux d’elle tout comme de Romy Schneider.
Je n’imaginais personne d’autre dans ce rôle. Ses deux scènes sont courtes mais compliquées puisque, au final, elle incarne une sorte d’icône, l’idéal féminin en quelque sorte.
Elle doit s’inscrire tour à tour dans le rêve et dans la réalité, sans pour autant perdre un aspect fantasmatique.
Marion a ces deux dimensions-là à la fois dans son jeu et dans sa présence. Elle peut être d’une beauté foudroyante, très femme fatale, puis redevenir totalement naturelle sans artifice tout en conservant sa magie. La scène entre François et elle a justement donné lieu à un instant de grâce sur le plateau. Comme un coup de foudre entre deux personnes.

Vous n’avez pas eu envie de jouer vous-même dans votre film ?
Je ne l’ai jamais envisagé, d’une part parce que je n’avais pas écrit le scénario dans ce but et d’autre part parce que j’avais envie de m’impliquer totalement dans mon travail de metteur en scène.

Comment avez-vous travaillé l’aspect visuel du film ?
Il était extrêmement important puisque à mes yeux l’esthétisme du film sert l’histoire. Je voulais des cadres très rigoureux, très graphiques pour les mettre en opposition avec le désordre du personnage et les multiples rebondissements de l’histoire.
J’ai donc collaboré très en amont avec un directeur artistique, Fred Remuzat, qui a également story-boardé le film.

Pourquoi avoir fait appel à Fred Remuzat ?
Je l’ai rencontré sur mon premier court, J’ai fait des sandwichs pour la route . Et comme, pour ce film, j’étais devant et derrière la caméra, je souhaitais un story-board pour être totalement à l’aise. Cette rencontre a été capitale car Fred a non seulement un talent énorme mais c’est aussi devenu un ami.
Dans le cinéma français, les gens sont souvent un peu dubitatifs quant à l’utilité d’un story-board. J’ai eu la chance de rencontrer le chef déco de Tim Burton et des frères Coen qui m’a confié qu’ils n’envisageraient pas de travailler sans cet outil. Si eux le font, ça ne peut pas être mauvais pour nous, non ?
J’avais des idées assez précises sur les partis pris du film mais pour pouvoir maîtriser à la fois l’esthétisme et toutes les questions techniques je souhaitais faire un long travail préparatoire en amont du tournage. La collaboration avec Fred a donc été l’une des étapes importantes dans la conception du film.
Nous nous sommes enfermés deux mois entiers pour réfléchir ensemble aux décors, aux cadres, aux axes mais aussi à la déco, aux costumes et jusqu’à la lumière. Fred a dessiné des centaines de croquis et a apporté une véritable direction artistique au film. Une fois le tournage en cours, il faut évidemment savoir laisser place à l’improvisation et à l’inspiration. C’est un autre travail qui commence avec le chef opérateur et l’équipe.

Expliquez-nous votre collaboration avec Christophe Offenstein.
Nous nous connaissons depuis 10 ans. Quand je l’ai rencontré, il était chef électricien et moi, jeune acteur. Je l’ai vu évoluer dans son métier et lui dans le mien. Tout comme Fred Remuzat, il a participé à mes courts.
Christophe a été impliqué dès l’écriture du film : il a été un des premiers lecteurs du scénario.
J’ai besoin d’avoir ce rapport fort avec mes collaborateurs, un rapport quasi familial. Une famille qui se crée autour d’affinités artistiques, de points de vue identiques sur l’envie de faire du cinéma et la manière de le concevoir. J’aime la personnalité et la sensibilité qui se dégage du travail de Christophe tout comme le regard généreux et concerné qu’il sait porter sur le jeu des acteurs.
Un an avant le début du tournage nous avons visionné ensemble beaucoup de films... Les films de Melville, des frères Coen, de Jacques Audiard, de David Lynch, de Takeshi Kitano, de Paul Thomas Anderson... Nous en avions besoin l’un et l’autre pour débattre de tel ou tel point de vue et affirmer les partis pris qu’on allait imposer sur le film. On ne peut éviter les références que si on les connaît.
Et quand les références sont nécessaires, c’est à condition d’avoir sa propre identité.
Christophe Offenstein, Fred Remuzat tout comme Stan Collet (le monteur du film) m’ont accompagné avec tout leur talent pour affirmer l’identité du film. Ils sont allés au-delà de mes espérances.

Justement, pouvez-vous nous parler de votre travail avec Stan Collet ?
Lorsque j’ai rencontré Stan, j’ai intuitivement su que c’était lui qui allait monter mon film. Stan était jusqu’à présent assistant monteur de Noëlle Boisson (entre autres) et Edy (2004) est donc son premier film comme chef monteur.
Lors de ce premier rendez-vous j’ai tout de suite été séduit par sa personnalité et nos six mois de collaboration pendant la post-production du film n’ont jamais démenti ce sentiment. Stan est totalement passionné par son métier et a une incroyable connaissance du cinéma.
Le montage est évidemment la troisième écriture d’un film et c’est à ce moment-là que celui-ci trouve enfin son rythme, atteint sa maturité. C’est donc un long travail de réflexion, d’essais et de remise en question que l’on partage ensemble.
Je ne pouvais rêver meilleur «co-auteur» que Stan et nous avons même été plusieurs fois étonné de la symbiose entre nous dans la salle de montage.
Il n’aura cessé tout au long de ces six mois d’être au service du film, il m’a accompagné jusqu ‘au bout de la post production avec un professionnalisme et une foi inébranlables.

C’est Frédéric Bourboulon qui produit le film pour Little Bear. Pourquoi êtes-vous allé vers lui ?
Little Bear est une production indépendante qui travaille avec des réalisateurs comme Tavernier, Nicloux, ou Jolivet qui sont aussi des auteurs. Leur ligne éditoriale correspond à une idée du cinéma que j’aime : du cinéma intelligent et ambitieux qui n’exclut ni la drôlerie, ni le spectateur.
C’est grâce à Marion Cotillard que j’ai rencontré Frédéric Bourboulon. Une fois mon scénario terminé, je lui ai envoyé. Marion, qui avait accepté le rôle et travaillé avec lui sur Une Affaire privée (2001) a rajouté un petit mot disant qu’elle serait heureuse que Frédéric le lise. Et, trois semaines plus tard, Frédéric m’a appelé. Nous nous sommes rencontrés le jour même et avons passé quatre heures ensemble. Et il a terminé ce premier contact par cette phrase merveilleuse : «J’adore le scénario. Mais le cinéma, c’est aussi une histoire d’amitié.»
Deux semaines plus tard, il m’a rappelé pour me dire qu’il acceptait de produire mon film.
Frédéric Bourboulon est un cinéphile, un producteur totalement passionné par ce métier. Il a été un lecteur formidable, mettant le doigt sur des contradictions infimes mais qui ont apporté des bouleversements nécessaires. Il m’a laissé une liberté totale tout en m’épaulant dans le choix de mes techniciens et de mes acteurs. Il a accompagné mes angoisses dans les diverses étapes de financement et de fabrication du film. Je me sens une filiation par rapport à sa démarche. Je suis très fier qu’il ait produit Edy (2004) et de faire un peu partie de sa famille !

Aux côtés de François Berléand, on retrouve Philippe Noiret. Pourquoi avoir pensé à lui ?
Au départ, ce n’était pas Philippe qui était pressenti mais un autre acteur, qui, pour diverses raisons, n’a pas pu le faire. Et je dois dire que j’en suis ravi.
Il y a cette phrase de Jean-Paul Rappeneau que Frédéric m’a apprise: «Les films sont plus forts que nous. Et quand tel acteur doit renoncer, ce n’est pas grave. C’est celui qui devait le jouer qui au final tient le rôle.» J’ai pu le vérifier grâce à Philippe. Il est arrivé sur Edy (2004) un mois et demi avant le tournage et ce fut ensuite un bonheur de tous les instants. J’aime l’idée de transmission, de «passage de relais»... J’ai ressenti cela dans mes rapports avec Philippe ; il m’a accordé sa confiance et j’ai conscience qu’il m’a donné bien au-delà de son immense talent. J’ai rencontré un artiste mais aussi une personne magnifique.
Ce qui m’intéressait, au départ, entre Edy (2004) et Louis, le personnage qu’il interprète, c’est le rapport père-fils qu’ils peuvent entretenir. Et, étrangement, même si la ressemblance physique n’est pas frappante, il y a quelque chose de cet ordre-là entre François et Philippe. Ils peuvent appartenir à la même famille d’acteurs.
Quand nous avons fait les premières lectures, cette filiation m’a sauté aux yeux, dans leur rapport d’hommes et de jeu. Ils peuvent se situer à la fois dans la distance et dans l’investissement. Ce qui est rare. Certains acteurs ont un côté distancié comme Claude Rich. D’autres sont totalement investis comme l’était Patrick Dewaere. Philippe et François peuvent faire les deux.

Pouvez-vous nous parler des comédiens qui les entourent : Yves Verhoeven, Laurent Bateau, Cyrille Thouvenin et Pascale Arbillot ?
Yves Verhoeven est un acteur à part, surréaliste, décalé, sans cesse inattendu.
Son personnage est complexe : il enquête sur un meurtre tout en étant un des moteurs principal du ton comique du film. Je ne voulais pas tomber dans le grotesque. Je souhaite que le spectateur se demande sans cesse si ce personnage est malin ou idiot, en tous les cas qu’il n’arrive jamais à le cerner. Or Yves a la faculté de se glisser dans cette ambiguïté-là. Son jeu est empreint d’une folie si pertinente qu’il est possible de lui demander des choses terriblement décalées sans que cela sombre dans le ridicule. C’est un acteur de composition incroyable. Sans lui, le film ne serait pas le même. Il a entériné la drôlerie et le second degré du film et les a propulsés au-delà de ses scènes. Je sais que je ne ferai plus un film sans lui.
Je connais Laurent Bateau depuis longtemps. On a travaillé ensemble comme acteurs. J’ai longtemps hésité sur la distribution de ce rôle et finalement confier celui-ci à Laurent est apparu comme une évidence. Je lui ai juste demandé de se transformer un peu physiquement, d’arborer une moustache. Laurent est un acteur minimaliste et très pointu et j’avais besoin que «sa machine s’emballe».
Il est sorti exténué des trois jours de tournage nécessaires à sa scène face à François mais j’ai été époustouflé par ce qu’il m’a donné. Il a repoussé ses limites de manière incroyable.
J’avais aussi déjà travaillé avec Cyrille Thouvenin. Je crois qu’il a été assez surpris que je lui propose d’interpréter ce skinhead violent. Je sentais qu’il avait ce potentiel mais qu’il n’avait encore pas eu l’occasion de l’exploiter. Je garde un sentiment très fort des scènes dans le RER avec lui. Ce fut une direction à bras le corps. J’avais l’impression d’être un entraîneur avec son boxeur.
Pascale Arbillot est une actrice qui m’avait impressionné quand nous avions tourné ensemble dans : Quand la neige fond où va le blanc ?. J’avais écrit le rôle de la secrétaire d’ Edy (2004) en pensant à une femme de 50 ans. Puis dès que j’ai commencé à me pencher sur le casting, j’ai compris qu’il fallait quelqu’un de plus jeune et aussi de séduisant pour sortir des sentiers battus. Pascale allie les deux.
Comme Yves, elle est capable d’insuffler un second degré tout en étant totalement impliquée dans le sort de son personnage. C’est une véritable actrice anglo-saxonne.

Dans quel état d’esprit étiez-vous le premier jour de tournage ?
J’étais très excité.
J’avais choisi délibérément de démarrer par une scène très importante entre Philippe et François. Une séquence où Philippe parle pendant plus de 2 minutes et où François écoute. La première prise de Philippe a été évidemment formidable... mais ne correspondait pas à ce que je souhaitais !
Alors, je suis allé le voir pour le lui dire en prenant beaucoup de gants – (ce qui l’a fait beaucoup rire à chaque fois). Je lui ai précisé l’énergie que je souhaitais pour cette scène-là. Et la deuxième prise s’est révélée époustouflante. J’ai vu d’emblée la différence entre un acteur et un grand acteur. Il a non seulement respecté ce que j’ai pu lui indiquer comme direction mais l’a magnifié cent fois. J’étais extrêmement heureux au bout de cette journée. Je me souviens que François m’a appelé vers 20h30 pour me demander si j’étais content.
Et... me révéler qu’après que je sois venu le voir, au terme de la première prise, Philippe s’était tourné vers lui et lui avait dit : «il va nous faire chier le petit con» avant de rajouter «mais il a raison !» Le rapport avec Philippe a été idyllique. Quand il n’était pas sur le plateau, il prenait le temps de m’appeler pour savoir comment se passait le tournage et si François se comportait bien (rires). Je l’ai senti incroyablement investi.

Avec le recul, comment décririez-vous votre comportement sur le film ?
Il faut savoir que beaucoup de gens de l’équipe technique – issus de mes courts-métrages – sont passés chefs de poste sur ce film. Leur implication totale a aidé à créer une synergie.
Pour autant cela ne m’a pas empêché de me comporter parfois comme un tyran si bien qu’en découvrant voilà peu le making-of, j’ai eu l’impression d’être schizophrène !
Faire un film, c’est aussi ne rien lâcher et amener les gens à vous y aider.

C’est plus facile dans ce cadre de travailler avec des gens que l’on connaît justement dans la vie, comme François Berléand, Marion Cotillard, Laurent Bateau... ?
Sur le plateau, on oublie totalement les rapports que l’on a avec les gens dans la vie. Seul compte le film ! Attention, je n’avais pas envie de bousculer les gens pour le plaisir de les bousculer. Mais je voulais aller loin avec eux. Le fait aussi d’être acteur et d’avoir vécu soi-même des expériences moyennes avec certains réalisateurs pousse à cela.
Je voulais que l’acteur qui vient sur mon plateau même pour une seule journée n’oublie pas cette journée-là ! La qualité des «petits rôles» dans le cinéma américain prouve que tout le monde a son importance.

En quoi être vous-même acteur vous a facilité les choses ?
Cela permet déjà de savoir qu’il y a autant de méthodes de travail que de comédiens et que chacun aborde son rôle différemment. Avec François, nous avons eu un rapport très tactile, je le prenais beaucoup dans mes bras et lui glissais des indications à voix basse. Une relation très intime. Son personnage est peu bavard et François déconne beaucoup entre les prises. Mais je savais qu’il fallait que je le laisse faire, que je ne devais pas lui enlever cette énergie essentielle à ses yeux. Il y avait un rapport de confiance totale, donc de total abandon. J’ai conscience de la rareté de ce qu’il m’a donné dans ce film.
Avec Philippe, c’était différent. Une fois qu’il a décidé de vous faire confiance, on peut fonctionner par petites touches et il ne cesse de vous surprendre. Nous avons eu aussi de nombreux moments de confidences : nous avons beaucoup partagé.

Dans quel état d’esprit étiez-vous le dernier jour de tournage ?
Le dernier jour fut douloureux. Ce fut un tournage si intense... Et les six mois de post production qui ont suivi ont eux aussi été à cette image.
Cela peut paraître à la fois puéril et prétentieux, mais j’ai fait le film que j’avais envie de faire avec les gens avec qui j’avais envie de le faire. Et j’ai conscience du privilège que cela représente aujourd’hui.
Je sais que si je devais recommencer toute cette aventure, je le ferais exactement de la même manière, avec les mêmes personnes et avec le même bonheur.

La musique joue un rôle essentiel dans ce film. Le jazzman norvégien Nils Petter Molvaer en signe la B.O. Qu’est ce qui vous a dicté ce choix ?
Je ne voulais pas travailler avec un compositeur qui avait fait 50 musiques de films. Je souhaitais emmener quelqu’un dans mon univers. Un an avant le tournage, j’ai fait écouter à Frédéric Bourboulon l’album KHMER de Nils Petter Molvaer, en lui disant que je souhaitais lui confier la musique du film. Nils est un trompettiste incroyable dont la musique s’apparente à l’électro jazz. Et Frédéric, passionné de jazz, a tout de suite accroché.
Cette trompette dominante qui symbolise Edy (2004) évoque forcément Miles Davis dans Ascenseur pour l'échafaud (1957) et donne la couleur polar que je souhaitais avec en plus une modernité inattendue, inhérente aux compositions de Nils.

C’est sa musique qui vous a donné l’idée de ces sept premières minutes entièrement musicales qui ouvrent votre film ?
Non, la première version du scénario comptait déjà ces 7 minutes musicales de départ. Au tout début, j’avais envisagé de la musique classique mais j’ai inscrit très vite le nom de Nils dans le scénario. Ces minutes-là donnent le ton du film. Elles sont en harmonie avec le personnage mutique d’ Edy (2004). On ne sait pas d’emblée où l’on va avec lui, ni qui il est, ni ce qu’il fait, ni pourquoi il le fait. Or j’adore les films qui démarrent en donnant cette impression de flou volontaire sans pour autant laisser le spectateur sur le bas-côté. Pour cela, la musique joue un rôle essentiel : elle doit être prenante et amener le spectateur dans l’atmosphère du film tout en éveillant sa curiosité.
Les 7 premières minutes d’ Edy (2004) pressentent le film noir mais on n’y est pas encore et pourtant l’émotion est déjà palpable. Et ça, je n’aurais jamais pu le créer sans le génie de Nils.
Au début de la post-production, nous lui avons envoyé un montage des premières images par internet. Il nous a renvoyé de la musique qui m’a permis de rebondir. Sa première maquette ne m’a pas convaincu. J’avoue que ce fût quelque peu délicat de lui dire et de lui expliquer pourquoi. Mais j’étais obligé d’être directif car ce moment-là est décisif pour le film. Deux jours après, il me renvoyait une maquette qui correspondait exactement à mes envies et mes besoins pour ces sept minutes. Cette harmonie de travail entre nous n’a jamais cessé au cours de l’enregistrement.

Quel est votre état d’esprit d’aujourd’hui, à quelques semaines de la sortie d’ Edy (2004) ?
Je me rends compte que faire un film n’est pas une fin en soi et que, très vite, c’est le prochain qui va être important. Mais je sais aussi qu’il n’y a qu’un premier film. Et que ce sentiment de la première fois est unique.
Quoi qu’il arrive désormais, Edy (2004) va vivre sa vie. Je suis très fier de lui, mais je crois qu’à son âge il est maintenant temps qu’il quitte la maison.