La production
"Et si je vous disais que Dieu et le Diable ont fait de toute éternité
un pari sur nos âmes?" John Constantine
Imaginons que la vie sur Terre repose depuis toujours sur un délicat
équilibre entre les forces du Bien et du Mal ; que le monde bénéficie
d'un état de détente généralisé ; que
les humains puissent librement choisir leur destin sur Terre, et décider
par là même de leur sort dans l'au-delà, certains
optant pour le Ciel, d'autres pour l'Enfer.
Une clause de ce "divin" pari dont nos âmes sont l'enjeu
stipule que ni Dieu ni Satan ne peuvent entrer en contact direct avec
le genre humain pour empêcher l'exercice de son libre-arbitre. Ils
peuvent, en revanche, nous influencer par le biais d'intermédiaires,
qui ne sont à proprement parler ni anges, ni démons. Ces
agents d'influence, on les nommerait des "métis".
"Que vous ayez été un modèle de vertu ou une
odieuse crapule, on vous renverra sur Terre pour de nouvelles missions,
après avoir emballé votre âme dans une enveloppe humaine"
affirme John Constantine qui en a fait la très étrange expérience.
Ces "métis" d'apparence ordinaire sont partout. Ils nous
entourent à notre insu, car rien ne permet de les distinguer du
commun des mortels. "Ils circulent sur nos routes, ils exercent un
métier, ils entretiennent toutes sortes de relations avec les "hôtes"
humains qu'ils ont investis. Votre conjoint, votre meilleur ami pourrait
être l'un d'eux", explique le réalisateur Francis Lawrence.
Mais John Constantine, lui, peut les voir
Depuis sa plus tendre enfance, Constantine possède en effet une
faculté rare : percevoir la vraie nature des choses sans se laisser
abuser par les apparences. Mais ce don lui pèse tant qu'il le considère
comme une malédiction. Pour s'en défaire, il s'est résolu
au suicide, espérant ainsi jouir du repos éternel. Au lieu
de quoi, il a plongé durant deux longues et terrifiantes minutes
au cur de l'enfer
avant de ressusciter.
Depuis, sachant ce qui l'attend après la mort, John Constantine
a tout fait pour conjurer le destin. Ne pouvant espérer le salut
par des voies ordinaires, il a décidé de gagner sa place
au Ciel en faisant la guerre aux "métis" démoniaques
qui infestent notre planète. Expert en démonologie et en
magie noire, escroc accompli, Constantine ne lésine pas sur les
moyens : des reliques sacrées à ses poings nus, tout lui
est bon pour éliminer ses innombrables ennemis.
Constantine n'a pourtant rien d'un héros pur et dur. Sa motivation
est purement pragmatique, et son comportement de plus en plus cynique
à mesure qu'il constate l'inefficacité de ses efforts.
L'amertume du personnage, l'exotisme radical du contexte séduisirent
d'emblée Keanu Reeves :
"CONSTANTINE est l'un des meilleurs scripts qu'il m'ait été
donné de lire. Il combine humour, intelligence, vitalité.
Rien n'y est souligné, le mystère et les contradictions
abondent. Constantine a un sens moral, mais son comportement laisse fortement
à désirer, et c'est sans délicatesse aucune qu'il
joue les redresseurs de torts. C'est bel et bien un antihéros,
et d'un genre que je ne connaissais pas."
Des créatures métisses des deux camps s'ingénient
à tourmenter en permanence l'exorciste renégat qu'est Constantine.
L'angélique Gabriel (Tilda Swinton), descendu(e) sur Terre pour
contrôler l'accès des hommes au Ciel, refuse obstinément
à notre "héros" le salut auquel il aspire, lui
répète sans ménagement qu'on n'achète pas
son entrée au paradis, tandis que l'émissaire satanique
Balthazar (Gavin Rossdale) tourne en dérision les futiles efforts
de Constantine et lui rappelle que ses jours sont comptés. Le fait
que Constantine souffre d'un cancer du poumon en phase terminale ne peut,
bien sûr, que le réjouir.
Parmi les trop rares alliés de John Constantine figure le jeune
Chaz (Shia LaBeouf), son fidèle chauffeur, disciple et apprenti.
Celui-ci compense son manque d'expérience par ses connaissances
encyclopédiques en matière de religion et de phénomènes
paranormaux, dans l'espoir qu'un jour Constantine fera appel à
lui.
Midnite (Djimoun Hounsou), l'ancien camarade de Constantine, serait certainement
son meilleur allié si ce dernier n'avait brûlé tous
ses vaisseaux. Jadis guérisseur et sorcier, Midnite se veut neutre
et ouvre son cabaret aux métis des deux camps, en incitant Constantine
à faire preuve de la même magnanimité.
Mais Constantine persiste dans son combat, car il n'a pas le choix.
Lorsque son vieil ami, le Père Hennessy (Pruitt Taylor Vince),
l'appelle pour exorciser une fillette, John Constantine ne s'attend à
rien de particulier car il a déjà accompli cent fois ce
rituel. Mais la cérémonie prend une tournure inhabituelle
et passablement inquiétante : le démon, cette fois, ne cherche
pas à prendre possession de sa petite victime, mais à utiliser
son corps pour pénétrer dans notre monde. Une entorse patente,
inconcevable, à la sacro-sainte règle de l'équilibre
des forces du Bien et du Mal.
La suite se révèle encore plus troublante. Rentrant chez
lui par les rues obscures des bas-quartiers de L. A., Constantine est
attaqué par un démon pas un banal métis, mais
une créature 100% démoniaque, un intrus prenant outrageusement
possession de son territoire.
Plus tard, alors qu'il médite sur ces inexplicables et terrifiants
événements, Constantine reçoit la visite d'Angela
Dodson (Rachel Weisz), une inspectrice de police qui cherche à
percer le mystère du suicide de sa sur jumelle, Isabel. La
religion lui ayant appris que le suicide était un péché
mortel, Angela ne peut accepter un tel geste. Les enregistrements vidéo
des caméras de surveillance montrent cependant Isabelle sautant
du toit. Mais n'aurait-elle pas été poussée par quelque
force surnaturelle? Seul Constantine pourrait répondre à
une telle question.
Absorbé par ses propres problèmes, Constantine refuse d'abord
d'aider la jeune femme, mais change soudain d'avis lorsqu'il découvre
qu'elle est suivie par une créature satanique. D'instinct, il comprend
qu'Angela est la clé des phénomènes diaboliques qui
se multiplient autour d'eux.
Une chose est sûre : l'équilibre des forces est sur le point
de rompre. Un événement d'importance se prépare
Le bon réalisateur
Déjà connu pour une brillante série de vidéos
musicales, le réalisateur Francis Lawrence voue un culte au film
noir et fut "d'emblée attiré par le personnage de John
Constantine, son côté antihéros et la tonalité
générale de l'histoire. Le monde de John Constantine ne
ressemble à aucun autre, et l'intrigue vous entraîne dans
des voies totalement inattendues."
Lawrence se plongea dans le matériau d'origine, développa
un ensemble de dessins et de concepts avant de présenter sa candidature.
Contrairement aux attentes des producteurs, il n'aborda pas le projet
par ses aspects visuels. "Ses talents en ce domaine sont pourtant
assez évidents", note Di Bonaventura, "mais lors de ce
premier meeting, c'est du script et des personnages que Francis nous entretint
pendant deux heures, sans jamais évoquer les questions de look.
Ordinairement, un réalisateur issu de la vidéo ou de la
pub s'appuie sur des références visuelles, car c'est ce
qu'il connaît le mieux. En treize ans de carrière, je n'avais
jamais vu quelqu'un déroger à ce principe. C'était
donc assez étonnant. Mais ce qui nous a le plus impressionnés
fut sa capacité à analyser les fondamentaux de chaque scène."
Lawrence n'en était pas moins totalement préparé
à discuter l'imagerie du film.
Akiva Goldsman :
"Au vu de ses dessins, j'ai tout de suite été séduit
par son désir de faire coexister le ciel et l'enfer au sein de
notre monde, de traiter l'enfer comme le miroir de notre espace quotidien.
Francis avait élaboré une topographie très précise
de ces univers, permettant au spectateur de visualiser l'inimaginable
d'une façon radicalement originale. C'était brillant et
totalement approprié au film."
Francis Lawrence :
"J'ai passé en revue différentes représentations
picturales de l'enfer, non seulement chez Bosch et Bruegel, amis aussi
chez les nombreux artistes qui en font un espace abstrait, un vaste trou
noir. Pour ma part, je voulais des images auxquelles on puisse se raccrocher,
dotées de structures reconnaissables. Ainsi, lorsque Constantine
se rend dans l'appartement d'Angela et y franchit momentanément
le seuil de l'enfer, il échoue dans la réplique "infernale"
de ce logis ; idem lorsqu'il sort dans la rue et se retrouve de l'autre
côté du miroir, dans la version infernale d'une rue de L.
A. Ce sont là des environnements que le spectateur peut facilement
imaginer, voir, toucher
"
Lawrence fournit aussi des descriptions détaillées des divers
démons et esprits évoqués dans le scénario
et fit plusieurs propositions de casting judicieuses. "Un grand nombre
des suggestions qu'il fit dès ce premier meeting ont été
retenues", souligne Stoff.
Une approche aussi novatrice ne pouvait que servir un film où l'ambiguïté
est reine, où aucun personnage n'est totalement bon ni totalement
mauvais et ne s'inscrit dans une perspective conventionnelle : une femme
policier endurcie recourant au paranormal pour retrouver l'espoir ; un
ange animé d'étranges intentions ; un prêtre incapable
d'accomplir des exorcismes ; un propriétaire de night-club aux
allégeances troubles
et au beau milieu de tout cela, un héros
qui ne veut PAS être un héros. Ou pour citer le scénariste
Frank Cappello : "Voilà un type qui a des problèmes
avec Dieu, qui hait le Diable, qui se bat contre les plus horribles démons,
mais ne peut renoncer à ses mauvaises habitudes, qui vont lui coûter
la vie. En fin de compte, Constantine'est un homme qui essaie de se sauver
lui-même, et pas le monde."
"Rien n'est totalement expliqué dans ce film", souligne
Goldsman. Nous n'avons cherché à ce que le public comprenne
chaque détail, nous avons voulu lui faire vivre une expérience
forte." Et di Bonaventura d'ajouter : "Ce film n'est pas un
prêche, il n'essaie pas d'emporter votre conviction, il vise à
vous offrir d'abord un solide divertissement et, peut-être, plus
tard, à vous inspirer un échange intellectuel, émotionnel
ou philosophique. Commençons par vous faire peur ; les grandes
questions viendront après
"
Personnages et interprètes
Keanu Reeves participa de près à l'élaboration du
personnage central. "Il s'est métamorphosé en Constantine
au fil du développement et des répétitions, contribuant
à quantité de répliques. Il adorait manifestement
ce rôle", rapporte Akiva Goldsman. "Keanu a plongé
profondément en lui-même pour donner toute sa noirceur au
personnage", poursuit Lawrence. "Le sarcasme est devenu sa seconde
nature, un moyen d'exposer le point de vue d'un homme totalement hanté."
"Constantine est tout entier dans ses attitudes", rappelle Di
Bonaventura. On peut parler à son sujet d'irrespect, de fatalisme,
d'ironie, de bravade." Et Reeves de préciser : "Il a
une approche cavalière des choses les plus extravagantes et les
plus terrifiantes. Lorsque Angela veut savoir si sa sur est en enfer,
Constantine lui dit simplement : "O. K., allons jeter un coup d'il",
comme s'il s'agissait de faire une petite balade!"
Constantine excelle à ce "job" qu'il n'a sans doute jamais
souhaité exercer, mais dont il tire une certaine fierté.
Ce n'est qu'une contradiction de plus à porter au crédit
du personnage, et qui contribue à son cynisme affiché. Mais,
ainsi que le fait remarquer Stoff, "les gens les plus cyniques sont
fréquemment des romantiques et des idéalistes déçus."
Constantine peut aussi se montrer agressif et asocial, un trait de caractère
que Reeves eut plaisir à interpréter. Lorsqu'il rejette
abruptement le premier appel à l'aide d'Angela, "il n'est
simplement pas d'humeur à parler", explique l'acteur. "Il
préfère, de toute manière, que les gens gardent leurs
distances, car ceux qui l'approchent de trop près font rarement
de vieux os."
À la fin de cette scène, Constantine se ravise cependant
et se lance au secours de l'inspectrice, traquée par un démon.
Faut-il y voir un regret ou un geste intéressé? Et l'acteur
de noter que "l'on découvrira par la suite que cette femme
a un rôle précis dans la multiplication des activités
démoniaques ainsi que dans la vaste énigme que Constantine
s'efforce de résoudre."
John Constantine est globalement, selon la formule de Brodbit, "le
plus réticent des héros. Il ne fait pas le moindre effort
pour se rendre aimable, il refuse de s'attacher aux gens car cela ne lui
apporte que des souffrances. Il extirperait volontiers de son âme
toute faculté de compassion."
"Il n'en effectue pas moins un parcours héroïque",
nuance Akiva Goldsman, "mais à contrecur, et en répétant
à tout moment qu'il n'est pas un héros!"
Les producteurs confièrent le rôle pivot de l'inspectrice
Angela Dodson à Rachel Weisz (STALINGRAD, LE MAÎTRE DU JEU,
LA MOMIE).
Francis Lawrence :
"Il nous fallait une actrice crédible à un double point
de vue : en tant qu'officier de police et en tant que voyante. Angela
n'est pas simplement une femme à poigne, intelligente et compétente
; c'est aussi quelqu'un qui possède, malgré elle, un don
très particulier."
Rachel Weisz étudia avec un conseiller de la police le maniement
des armes et la gestuelle spécifique des policiers et travailla
aussi avec un médium exerçant à L. A.
Rachel Weisz :
"Angela se transforme énormément au fil de l'action.
Après avoir refusé de croire en ses facultés paranormales
- qu'elle refoule depuis l'enfance -, elle en admettra la possibilité,
puis acceptera d'en faire usage. C'était une progression très
intéressante à jouer."
Rachel Weisz interprète aussi la jumelle d'Angela, Isabelle, jeune
femme profondément perturbée dont la mort tragique angoisse
et culpabilise la jeune inspectrice.
Rachel Weisz :
"Les deux surs possédaient les mêmes facultés,
mais y réagirent différemment. Isabelle eut le tort d'en
parler à sa famille hyper dévote, et en paya le prix. Elle
sombra dans la folie. Angela les garda secrètes, et survécut.
C'est maintenant elle qui en paye le prix, car cela la tourmente et l'empêche
de vivre pleinement sa vie."
Lauren Shuler Donner :
"Angela et Constantine consacrent tout leur temps à lutter
contre le mal elle dans le strict respect de la loi, lui à
sa manière bien particulière. Il est naturel qu'ils soient
attirés l'un vers l'autre, tant ils ont de choses en commun."
Constantine est flanqué du jeune Chaz (Shia LaBeouf) qui fait fonction
de chauffeur, d'apprenti, de confident et d'ami. Celui-ci compense la
modestie de ses dons et de ses ambitions par un zèle effréné.
Fasciné par la tâche que son "maître" s'est
assignée, il accumule des informations d'ordre religieux ou historique
qui lui permettront peut-être un jour de participer à l'une
des délicates et périlleuses missions de Constantine.
Shia LaBeouf :
"Chaz est fasciné par Constantine, il en a fait son idole
et son modèle. Bavard impénitent, il ajoute une petite note
comique au film, tant par son verbiage que par l'intensité de ses
réactions émotionnelles."
Pour le rôle de l'ange Gabriel, émissaire androgyne de Dieu
sur Terre, Francis Lawrence suggéra Tilda Swinton. La célèbre
interprète d'ORLANDO ne devrait pas seulement exprimer l'ambiguïté
sexuelle du personnage, mais aussi sa puissance, sa luminosité,
sa distance à l'égard du monde.
Tilda Swinton :
"J'étais ravie à l'idée de jouer cette créature
mi-homme, mi-femme. Nous avons essayé de donner corps à
ce concept sans tomber pour autant dans le "chic androgyne"
cher à certains créateurs de mode."
"Tilda confère une grande élégance, une réelle
distinction à ce rôle, et le rend même relativement
sympathique, ce qui n'était pas évident d'un personnage
que Constantine traite de snob et juge arrogant et dénué
de compassion."
"Gabriel est la seule entité à qui Constantine puisse
s'adresser directement pour éviter d'échouer en enfer",
poursuit l'actrice. Mais à chacune de ses demandes, il/elle répond
par la négative. Pour accéder au ciel, il faut avoir la
foi, c'est-à-dire croire sans exiger de preuves. Constantine n'y
est pas prêt."
Le Père Hennessy (interprété par Pruitt Taylor Vince)
est l'un des rares vrais amis de Constantine . Épuisé par
ses combats contre le mal, il fait souvent appel à lui pour pratiquer
les exorcismes que son grand âge lui interdit. Ses années
d'expérience l'ont rendu sensible aux plus discrètes et
subtiles "vibrations" de l'au-delà, dont il ne manque
pas d'informer John Constantine.
Pruitt Taylor Vince :
"J'aime les personnages qui présentent des failles et une
face d'ombre. Hennessy est tout sauf un chevalier blanc. Il a certainement
été un très bon prêtre, mais l'homme a fini
par ployer sous le poids de certains démons - tant extérieurs
qu'intérieurs. Il a assisté à trop de drames, il
n'a pas envie d'en voir davantage et l'alcool est devenu son refuge."
L'ancien guérisseur et sorcier Midnite, qu'incarne Djimoun Hounsou,
est une autre figure clé de l'entourage de Constantine. Homme d'affaires
prospère, grand collectionneur de reliques, il accueille dans son
night-club des "métis" des deux camps.
Djimoun Hounsou :
"Il ne s'intéresse apparemment qu'au bizness, mais il a n'a
pas totalement oublié ses racines. À chacune de ses apparitions,
il nous livre, malgré lui, une nouvelle facette de sa personnalité.
J'adore ce rôle!"
Les allégeances de Midnite sont aussi obscures que ses origines.
Francis Lawrence :
"Je pense que Constantine et lui étaient associés quelques
années auparavant, mais que certains malentendus et une bonne dose
de méfiance ont altéré leurs relations.
"Djimoun possède un talent rare. Il confère à
Midnite la force et la présence qu'appelait le rôle, tout
en veillant à ce qu'il reste sympathique et attachant, alors même
que nous ne savons qu'en attendre."
Parmi ses clients réguliers, l'énigmatique tenancier compte
le vil et dangereux métis Balthazar, interprété par
Gavin Rossdale du groupe anglais Bush.
Francis Lawrence :
"Vous détesterez tout de suite ce mec, tant il est beau, clean
et pourri. Gavin a su le rendre totalement répugnant, comme il
convenait;"
Et Lauren Shuler Donner de préciser qu'il fallait à cet
inquiétant émissaire démoniaque "un interprète
séduisant, suave et doté d'une bonne dose de malice."
Fasciné par le script, Rossdale fut aussi séduit par la
qualité exceptionnelle de l'équipe, et note à propos
de son rôle que "Balthazar est à la fois l'ennemi juré,
le tourmenteur et le contraire absolu de Constantine."
Pour le rôle du "patron" de Balthazar Satan himself!
-, Lawrence trouva son interprète idéal en la personne de
l'acteur suédois Peter Stormare (FARGO, MINORITY REPORT)
Peter Stormare :
"On a souvent dépeint le Diable qui se reconnaît instantanément
à ses cornes, à sa pilosité abondante, à sa
queue fourchue, à ses sabots. J'ai proposé à Francis
de le jouer à visage découvert, sans ses oripeaux habituels,
en laissant au spectateur le plein usage de son imagination. Lorsqu'il
se balade dans L. A. ou dans toute autre ville du monde, Satan doit se
fondre la foule et ressembler au premier quidam venu."
Francis Lawrence :
"Cela collait totalement avec ma propre vision. Je voulais un personnage
blasé, impassible, dénué d'émotions, qui n'aurait
pas besoin d'attirer l'attention sur lui pour se faire obéir. C'est
Satan, après tout!"
Dernier des personnages clés, l'érudit Beeman (interprété
par Max Baker) fournit à son ami Constantine des reliques sacrées
qui ont la vertu de guérir, protéger
ou détruire.
"À l'instar de Q dans la série "James Bond",
c'est un pur chercheur dont la seule fonction est de livrer à notre
héros des accessoires rares d'une grande puissance", note
avec humour Lawrence.
L'enfer sur Terre - du dessin de la Création
"Le Ciel et l'Enfer sont à portée de main, derrière
chaque mur et chaque fenêtre. C'est l'arrière-monde qui nous
cerne de partout." John Constantine
Le riche paysage visuel de CONSTANTINE est le fruit d'une collaboration
suivie entre la chef décoratrice Naomi Shohan, le directeur photo
Philippe Rousselot, le superviseur des effets visuels Michael Fink et
l'équipe Créatures de Stan Winston, opérant sous
la direction de Francis Lawrence, avec ses dessins originaux comme principale
source d'inspiration.
Le monde de John Constantine est tourmenté et ténébreux.
Dérivé du film noir classique, il est marqué par
une abondance de séquences urbaines nocturnes et d'images emblématiques
: éclairages expressionnistes, cadrages obliques, brumes, reflets
sur l'asphalte humide, etc.
Lauren Shuler Donner :
"Le look du film est âpre, dense, très beau. Il évoque
à sa manière une époque révolue, tout en étant
totalement contemporain."
Lawrence commença par rencontrer la chef décoratrice Naomi
Shohan, citée au British Academy Award pour AMERICAN BEAUTY. Le
réalisateur, qui souhaitait capter l'ambiance de certains bas-quartiers
de Los Angeles, "fort éloignés de Malibu ou Beverly
Hills", avait été particulièrement impressionné
par l'approche réaliste de Shohan sur le drame urbain TRAINING
DAY. "L. A., ses textures, sa diversité ethnique, lui sont
familiers. Nous nous sommes tout de suite entendus sur les grandes orientations
esthétiques."
Lawrence, Naomi Shohan et le régisseur d'extérieurs Molly
Allen sillonnèrent ensemble la ville pour sélectionner les
décors naturels du film.
Parmi les sites retenus figurent : l'Hacienda Real Night Club (qui devint
le bar branché de Midnite) ; le Marché de la Cinquième
Rue (théâtre de la confrontation finale entre le Père
Hennessy et Balthazar) ; l'hôpital St. Mary ; Long Beach ; l'Angeles
Abbey Memorial Park de Compton.
L'équipe utilisa en outre six plateaux des Studios Warner Bros.
pour y édifier, notamment, la salle d'hydrothérapie de l'hôpital
et recréer grandeur nature quelque 700 mètres de l'Autoroute
101.
C'est ce décor monumental, construit en l'espace de 8 semaines,
que Lawrence choisit pour représenter l'Enfer sur Terre. On y retrouve
la plupart des caractéristiques originales de l'une des plus redoutables
voies d'accès à L. A., transfigurées en une vision
d'Apocalypse.
Naomi Shohan :
"Le décor est jonché d'épaves de voitures plus
ou moins décomposées. Parmi cette quarantaine de carcasses
figurent des pièces de collection choisies pour leurs formes distinctives,
ainsi que des portions de véhicule, sculptées, agrémentées
de "stalactites" et filaments de métal fondu et tordus.
Ces structures sont recouvertes d'une couche de latex qui leur donne l'apparence
d'un corps en décomposition. L'ensemble du décor a été
peint couleur rouille pour donner à cette vaste décharge
l'apparence de l'ancien et suggérer sa dégradation continue."
Le superviseur des effets visuels Michael Fink fit une réplique
numérique, enrichie, de ce décor. Les carcasses des véhicules
furent remodelées en ordinateur de manière à ce que
chacune puisse subir de nouveaux outrages (érosion, explosions,
etc.) et être occupées ou "traversées" par
des démons numériques.
Michael Fink :
"J'ai cherché à créer un paysage qu'on pourrait
croire ravagé par une explosion nucléaire et qui continuerait
de muter jusqu'à la fin des temps."
Fink, qui occupe ce poste depuis une bonne vingtaine d'années,
a travaillé sur de nombreuses grosses productions, dont BATMAN
LE DÉFI (qui lui valut une citation à l'Oscar), ainsi que
X-MEN et X 2 (pour la productrice Lauren Shuler Donner).
Craig Hayes, superviseur des effets visuels aux Studios Tippett (MATRIX
RÉVOLUTIONS, L'HOMME SANS OMBRE) dirigea une équipe d'artistes
chargée d'enrichir les environnements virtuels par l'ajout d'effets
"fluides et dynamiques, tels que débris, particules volantes,
détritus et objets enflammés".
L'élaboration de ce L. A. "infernal" nécessita
aussi la création d'une vaste réplique numérique,
parfaitement réaliste, couvrant plusieurs quartiers emblématiques
de la ville, d'Hollywood aux confins de l'immeuble de Capitol Records.
Philippe Rousselot se partage depuis plusieurs années entre la
France et les États-Unis, où il remporta l'Oscar pour ET
AU MILIEU COULE UNE RIVIÈRE de Robert Redford et éclaira
récemment BIG FISH de Tim Burton. Motivé par "un désir
permanent de renouvellement", il trouva l'inspiration de certaines
de ses compositions et options stylistiques dans les romans graphiques
originaux du cycle "Hellblazer" : "J'ai multiplié
les plans larges, les grands angulaires, en plongée et en contre-plongée,
et adopté les points de vue "extrêmes" propres
aux comics et qu'il me semblait important de préserver. Pour ce
qui est de la lumière et de la palette chromatique, nous avons
beaucoup joué sur les contrastes et les couleurs fortes, notamment
des verts et orange très intenses."
Grand créateur d'atmosphères, Rousselot n'en fut pas moins
attentif à ne pas "copier" le style comics, et favorisa
une approche subliminale puisant à diverses sources d'inspiration
dont un album de photos de Cuba que lui avait fait communiqué
le réalisateur. "On ne peut pas transposer directement au
cinéma l'image d'un roman graphique. C'est plutôt la conception
générale de celui-ci qui devait nous guider dans la recherche
de la lumière organique et simple souhaitée par Francis
Lawrence."
Démons, Métis et Mangeur d'Anne
"Lorsque j'étais enfant, je pouvais voir des choses
que les humains ne sont pas censés voir." John Constantine
Sous le regard de Constantine, le monde se révèle peuplé
de métis démoniaques, invisibles à l'il ordinaire,
car dissimulés sous une apparence humaine.
Dans les enfers, évoluent à la fois de purs démons
et des mangeurs d'âmes. Ces derniers constituent une variété
de damnés, aveugles mais particulièrement redoutables. Ayant
perdu leur âme, ces cruels prédateurs en sont réduits
à se nourrir de celles des nouveaux arrivants. Le réalisateur
s'inspira ici de photos scientifiques de cadavres dont on avait extrait
le cerveau.
Francis Lawrence :
"J'ai essayé de retrouver l'impact de ces images tout en préservant
une dimension humaine chez ces créatures rampantes et monstrueuses
qui furent jadis nos semblables. Les mangeurs n'ont plus d'âme,
plus de cerveau, plus d'yeux. Il ne leur reste que le sinus, la bouche
et un corps malingre, souple, élastique
et perpétuellement
affamé."
Les centaines de mangeurs d'âmes qui peuplent le film ont pour origine
un seul et même prototype articulé, conçu au célèbre
atelier de Stan Winston sous la direction du superviseur des Effets Créatures
John Rosengrant (TERMINATOR 3). Basé sur des dessins de Lawrence,
Naomi Shohan et Aaron Simms (directeur artistique des Studios Stan Winston),
ce prédateur infernal fut d'abord dessiné en ordinateur
avant d'être sculpté en volume, habillé et texturé.
Dans un troisième temps, il en fut réalisé un moulage
équipé d'un squelette articulé et mécanisé.
Le tout fut ensuite emmailloté d'une couche de latex reproduisant
la texture de la peau. La marionnette résultante était opérée
par sept techniciens et se réjouit Rosengrant - "parfaitement
horrible".
C'est à partir de cette marionnette, qui apparaît plusieurs
gros plans du film, et d'autres modèles réduits, conçus
et fabriqués chez Winston, que l'équipe de Craig Hayes produisit
les images de synthèse d'une véritable horde de monstres
capables d'exécuter les cascades (numériques) les plus extravagantes
et de hanter pour longtemps nos cauchemars.
Costumes et maquillages
L'effet "miroir" jouant à la fois pour les décors
et pour les costumes, on ne s'étonnera pas de voir les morts porter
en Enfer leurs tenues terrestres.
La chef costumière Louise Frogley (TRAFFIC, SPY GAME) détaille
ce parti-pris :
"Francis tenait à cette continuité. Mais, lorsqu'un
personnage passe "de l'autre côté", ses vêtements
ne tardent pas à se détériorer. En l'absence d'eau,
ils se salissent, au même degré que ceux qui les portent,
se dessèchent, se couvrent d'une crasse épaisse. Pour obtenir
cet effet, nous avons blanchi et vieilli les étoffes par un lavage
intensif suivi de l'application de poil de yak, de latex liquide et de
poussière, puis d'un séchage à haute température,
l'ensemble du processus s'étalant sur 48 heures."
Louis Frogley s'attache à mettre en valeur la personnalité
de chaque protagoniste sans se soucier d'élaborer une "palette"
d'ensemble :
"Midnite est flashy, haut en couleur, tandis que Chaz est juvénile
et relax. Angela devait avoir un look athlétique, professionnel,
sexy mais sans ostentation. Constantine est habillé classique,
cool, noir et blanc, sérieux, linéaire, avec des contours
parfaitement rectilignes."
L'esprit film noir n'imprègne pas seulement le comportement de
John Constantine, mais ses tenues : "On y décèle une
légère influence de la mode anglaise des années soixante,
notamment pour ce qui est de son imperméable. Cette garde-robe
près du corps met en valeur la minceur et la grâce de Keanu."
Louise Frogley conçut pour la première apparition de Gabriel
un ensemble d'une grande élégance, doté, bien sûr,
de l'ample paire d'ailes sans laquelle aucun ange digne de ce nom n'oserait
se montrer.
En concertation avec les Studios Stan Winston, Louise Frogley et son équipe
créèrent aussi les costumes de l'abject "Vermine",
une créature de forme vaguement humaine qui attaque Constantine
dans la rue avant d'exploser en dégorgeant quantité de serpents,
scorpions et cancrelats.
Louise Frogley :
"Mike Fink suggéra que ce monstre soit vêtu de
termites. Notre spécialiste Textiles, Marietta Lang, travailla
durant longuement sur ce concept et soumit divers échantillons
avant que nous n'aboutissions au produit final, associant toison animale,
laine, toile, perles, paillettes, plumes, cheveux et insectes. Un mélange
parfaitement révoltant!"
Lauréate de multiples Oscars, la chef maquilleuse Ve Neill (BEETLEJUICE,
MADAME DOUBTFIRE, ED WOOD) supervisa une équipe de quinze artistes
affectés aux tâches les plus variées, du grimage traditionnel
aux maquillages horrifiants des démons et métis en passant
par les subtiles altérations de l'apparence physique de Constantine.
Ve Neill :
"Les éclairages, parcimonieux, creusent encore un peu plus
le visage émacié de Constantine en projetant sur les murs
de discrets reflets jaunes-verts. Il était donc inutile de "charger
la barque", surtout dans les premières scènes, et j'ai
procédé par petites touches pour suggérer la dégradation
de son état sous l'influence combinée de la maladie, des
coups encaissés et de la fatigue accumulée au fil des bagarres."
Cascades et combats
"Au fil des scènes, Constantine se fait périodiquement
agresser. On lui cogne dessus, on le secoue comme un prunier, on cherche
à l'étouffer, à l'étrangler
l'enjeu
étant de mesurer sa capacité à rebondir", commente
avec humour un Keanu Reeves ravi d'être mêlé à
tant d'action.
L'acteur retrouve ici une nouvelle fois le célèbre chef
cascadeur R. A. Rondell, qu'il connaît depuis POINT BREAK (1991)
et avec lequel il travailla abondamment sur MATRIX RELOADED et MATRIX
RÉVOLUTIONS. Un profond rapport et d'estime et de confiance lie
le comédien à Rondell et son équipe. Rondell ne manque
d'ailleurs pas de louer les dispositions athlétiques de Reeves
et son exceptionnelle ténacité : "Keanu s'engage intensément
et ne relâche jamais ses efforts. C'est un cadeau pour nous. Cela
nous permet d'aller aux limites de ce qu'un acteur peut fournir."
Pour Reeves, cet engagement physique renforce la crédibilité
de l'interprétation et l'impact de la scène : "Au lieu
de devoir tricher par un plan de coupe sur une doublure, on peut ainsi
continuer à me filmer "serré", face au danger,
et illustrer par là même la vulnérabilité du
personnage."
Les épreuves furent, cette fois, multiples : exorcismes violents,
bagarres à poings nus contre les démons, explosions, envols,
etc.
Le combat le plus élaboré et le plus spectaculaire du film
oppose Constantine et Chaz à une horde de métis démoniaques
dans une salle de l'hôpital Ravenscar. Les cascades, réalisées
à l'aide de filins, présentaient un double challenge logistique,
du fait du nombre élevé de participants (une bonne douzaine
de cascadeurs) et de l'exiguïté du décor, bas de plafond.
S'y ajoutait le désir de Francis Lawrence et Rondell de tourner
la scène en plan séquence pour préserver la fluidité
et la continuité rythmique de l'action plutôt que de recourir
aux habituels effets de montage.
Rachel Weisz ne fut pas épargnée. Après avoir été
maintenue de force sous l'eau par Keanu Reeves (un "gag" potentiellement
mortel si l'on ne différencie pas les efforts "joués"
de la victime et ses signaux de détresse), elle dut affronter une
légion de créatures maléfiques dans la piscine de
l'hôpital. "En plongeant, ma tête a heurté le
fond, et à la fin de ses scènes aquatiques, j'ai exhibé
pendant des semaines quantité de bleus et d'écorchures.
Mais, fort heureusement, rien de cassé."
Chaz se devait de participer à ces réjouissances. "Nous
avons harnaché Shia, l'avons hissé dans les airs et fait
retomber d'un coup au sol", détaille Rondell. "C'est
toujours très payant de voir l'acteur se prendre un tel "gadin",
en sachant que c'est bien lui, et non une doublure
"
L'arsenal de Constantine
Pour sa défense ainsi que pour l'exercice de sa "mission",
John Constantine dispose d'un vaste arsenal : "cordon protecteur"
limitant l'accès à son appartement, amulettes et pierres
sacrées, fragment d'une balle utilisée pour attenter à
la vie du Pape, croix et icônes religieuses, sans oublier une fiole
d'un liquide hautement inflammable censément recueilli dans la
gueule d'un dragon.
Pour constituer cet étonnant bric-à-brac, le chef accessoiriste
Kirk Corwin ne fit pas seulement appel à son imagination, mais
effectua des recherches historiques et linguistiques afin de pouvoir identifier
en bon latin chacune de ces pièces.
Le clou de la collection est sans conteste une arme semi-automatique en
forme de
crucifix, capable de vaporiser les pires démons
et de les renvoyer en enfer. C'est aussi l'accessoire le plus complexe
du film, car il devait pouvoir tirer en rafales. Corwin, après
avoir étudié de multiples spécimens de fusil à
canon court, découvrit un modèle appelé "Street
Sweeper" qui convenait le mieux à son propos et qu'il raffina
avec Lawrence et Naomi Shohan pour lui donner l'apparence d'une création
de Léonard De Vinci. Une fois l'arme au point, Corwin en fit fabriquer
un second exemplaire, également opérationnel, puis deux
répliques exactes en plastique et 4 versions en caoutchouc pour
les répétitions. La réalisation des deux spécimens
fonctionnels mobilisa huit armuriers durant sept semaines. Le résultat
: une magnifique et resplendissante arme de cuivre et d'or
si impressionnante
que Keanu Reeves en commanda une troisième pour en faire cadeau
à Francis Lawrence à la fin du tournage!
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