Combien tu m'aimes ?
Réalisateur : Bertrand Blier

Genre : Comédie Dramatique

Date : 26 Octobre 2005

Durée : 1 h 35

Origine : Français

Distribution : Pan Européenne Edition

 

Résumé

Note de la production

Acteurs :

Monica Bellucci : Daniela
Bernard Campan : François
Gérard Depardieu : Charlie
Jean-Pierre Darroussin : André Migot
Farida Rahouadj : la voisine
Edouard Baer : Edouard
Sara Forestier : Muguet
Vincent Nemeth : le garde du corps 1
Bruno Abraham Kremer : le garde du corps 2
Elizabeth Macocco : La taulière
Michel Vuillermoz : Toubib escalier
Jean Barney : Client Daniela
Baptiste Roussillon : Quidam Pigalle
Jean Dell : Toubib cimetière
François Rollin : Michael
Valérie Karsenti : Pamela
Michaël Abiteboul : Bob

Directeur Photo : François Catonné

Maquillage :

Christophe Danchaud
Myriam Roger

Chef décorateur : François de Lamothe

Son :

Hélène Le Morvan : montage son
Emmanuel Croset : mixage
Pierre Escoffier

Costumes : Catherine Leterrier

Montage : Marion Monestier

Dialoguiste : Bertrand Blier

Ingénieur du son : Pierre Excoffier

Casting : Gérard Moulévrier

Scénario : Bertrand Blier

Producteur :

Marc Missonnier

Olivier Delbosc

Directeur : Alain Centonze

Production :

Fidélité Productions
France 2 Cinéma

Wild Bunch

Producteur exécutif : Christine De Jekel

Assistant réalisation : Hubert Engamarre

 

Lieux de tournage :

Budget :

Site officiel : France : http://www.combientumaimes.com/

Récompenses :

Fiche du film complète (image, résumé, note de la production, avis) au format PDF à disposition sur demande, voir page d'acceuil

 Résumé :
Dans le Pigalle des boîtes de nuit, la Beauté professionnelle, c’est Elle. Elle, c’est Monica Bellucci. Quand le client la voit, il a le souffle coupé. Le Client, il vient de gagner gros au Loto.
C’est Bernard Campan. Il demande à Monica “Combien tu prends ?” et lui propose immédiatement de devenir sa femme. Elle accepte… Mais on ne quitte pas comme ça Charly (Gérard Depardieu) et le monde de la nuit…

 Note de la production :

Bertrand Blier

Monica Bellcci

Bernard Campan

Entretien avec Bertrand Blier :


Comment est née l’idée de cette rencontre à la fois banale et surprenante entre un type lambda et une fille sublime?
J’ai d’abord pensé à un homme qui passe tous les soirs devant un bar dans lequel se trouve une fille sublime. Ce qui est une chose banale. Moi j’habite près de Pigalle et il m’est arrivé de passer devant des bars où il y a des filles vraiment sublimes, pas des demi-portions mais de vrais canons. C’est un type dont on imagine qu’il a une vie privée pas très reluisante, probablement par timidité. Il n’a pas le physique quicorrespond aux canons de notre époque. Il en souffre. Il est un petit peu «houellebecquisé». Le choix des acteurs est très important dans cette histoire. Un film c’est quoi ? Le choix des acteurs. On peut toujours écrire une histoire mais quand on n’a pas les acteurs, l’histoire reste dans le tiroir.

D’où le choix de Monica Bellucci et Bernard Campan qui sont la chair du film...
Monica, c’est une chose, mais la mettre en face d’un homme comme Bernard Campan, cela signifie mettre en face d’une femme sublime un garçon qui a un physique d’une quintessence de Français...

C’est- à- dire?
Il y a des visages extrêmement révélateurs en France et Bern a rd Campan en est un. Il a ce visage du Français roublard, malin, courageux. Disons qu’en 44, il aurait été dans la Résistance et il aurait été torturé, mais il s’en serait sûrement sorti parce qu’il est malin. C’est un acteur qui est un «looser-gagnant». Looser au début, gagnant à la fin. C’est pour cela qu’au cinéma, le choix des acteurs est plus important que le scénario qui est une formalité quand on a des acteurs comme Monica Bellucci et Bernard Campan.

Le personnage de Daniela, l’avez-vous écrit sur mesure pour Monica Bellucci?
Bien sûr! Le film n’existe que parce qu’un jour je suis allé voir le film de Gaspard Noé, Irréversible, que j’ai adoré et je suis resté sous le choc de la présence exceptionnelle de Monica. Dans l’histoire du cinéma, je n’avais jamais vu ça, même Marylin Monroe n’avait jamais joué ça. Je ne compare pas les talents d’actrice, ce n’est pas ça, mais l’audace, la liberté de mouvements, le corps, l’explosion - tout en restant habillée! Alors, je me suis dit : «C’est pour moi, c’est pour ça que je fais du cinéma!».

Pour ça, quoi?
Pour filmer des femmes! On est content de filmer Depardieu ou Jean Carmet. J’ai eu la chance de travailler avec des grands acteurs. Il me semble que Monica Bellucci, ça ne m’était encore jamais arrivé. Je ne parle pas du talent. J’ai eu des grandes actrices: Carole Bouquet, c’est la beauté absolue, c’est autre chose. A mon âge, on peut tout dire. Monica met l’ambiance. Elle arrive, s’assied, fume une cigarette et elle met l’ambiance. On a tous envie de se la faire, c’est évident, même si on n’est pas obsédé sexuel. Elle est dans un bar et vaut très cher. Bernard Campan est l’acteur idéal de la situation parce qu’il a du charme. Campan c’est un «baiseur», pas un gros «baiseur» mais un «baiseur». Une fois qu’on a ces deux acteurs là, on a le film.

On a l’impression que Combien tu m’aimes? balance entre la pudeur et l’impudeur, c’est volontaire?
Non, ce n’est pas une question de pudeur ou d’impudeur. C’est un film avec Monica Bellucci. Il ne peut pas y avoir d’impudeur, on devine tout à travers ses vêtements. Plus elle est habillée, plus elle est troublante et excitante.
C’est un film qui est fait sur une actrice, pour une actrice. Je ne l’aurais pas fait avec une autre. Cela n’aurait eu aucun sens.

Pourquoi?
Parce qu’elle a à la fois cette sensualité et cette spontanéité uniques. C’est simplement un metteur en scène qui dit : «Cette fille là, c’est une dévastation». Alors, c’est pour moi et j’invente un personnage qui l’achète avec un pognon hypothétique. En fait, ce client veut vraiment «s’offrir» cette fille… C’est un thème intéressant qui consiste à proposer un salaire à une pute pour qu’elle vive avec vous. Ça ne me paraît pas une aberration. Je pense que
c’est un postulat raisonnable. Ce n’est pas plus absurde que de payer une prestation compensatoire à vie. Ça se tient. Il y a des filles avec lesquelles on paie avant et puis d’autres où l’on paie après. L’homme paie.

Ca vous gêne?
C’est très «emmerdant». Les femmes se libèrent, réclament une égalité, elles ont raison de la réclamer, pourquoi faudrait-il les payer à partir du moment où on les quitte. Quand elles nous quittent, on ne leur demande pas une pension… C’est le système américain. Oui, mais il n’est pas forcément «the must of the world». Elle est où la liberté de la femme là-dedans? Je ne parle pas des enfants. Quand il faut élever des enfants, il y a des pensions, c’est out à fait normal. Le papa paie, la maman paie; tout le monde paie. Mais quand c’est simplement la sanction juridique, c’est-à-dire qu’on est condamné parce qu’on a quitté une dame qui ne nous fait plus «bander», qu’est-ce ? Un crime ? La pute, on paie avant. Premièrement, on connaît le prix, deuxièmement , on est informé : on sait que c’est une pute. On ne peut pas avoir l’air surpris.

Monica/Daniela incarne-t-elle l’idéal féminin?
Elle incarne ce qu’elle est, c’est-à-dire une femme. D’un autre temps. Un temps où les femmes ne passaient pas leur journée à compter leurs bourrelets. Il y a de l’opulence chez elle. Et nous, on aime bien ça l’opulence. On aime bien les femmes quand on sait par où les attraper, quand il y a quelque chose pour s’accrocher. Sinon, il faut pitonner car on est parfois sur des parois lisses. Là, au moins il y a de la «matière», c’est la femme éternelle. Pas de doute, c’est vraiment un film franco-italien. Le metteur en scène est français mais l’actrice principale est italienne. Tout ce qui fait cette actrice, son corps, ses seins, sa croupe, c’est l’Italie, c’est l’opéra. On ne met pas de l’accordéon là-dessus. Vers la fin du film, quand elle étend son linge sur la palier, on pense à Sofia Loren dans Une Journée Particulière. C’est une chose que j’ai découvert en cours de tournage. Il y a une histoire d’amour entre
la France et l’Italie sur le plan culturel. Beaucoup de Français qui ont un peu de chance dans la vie, se disent : «Dans le pire des cas, si je ne peux plus vivre en France, j’irais vivre en Italie». C’est le seul endroit où un Français pense que ce sera supportable.

Pas de France sans l’Italie, donc?
Non. C’est pour cela qu’il y a beaucoup d’opéra dans mon film et ce défilé de combinaisons... On a fait des essayages avec Monica, je n’ai jamais rien vu de semblable.


Pour vous, la vraie révolution, est-ce l’amour?
La vraie révolution, c’est le sexe. La révolution se trouve là. L’amour est un idéal. Par contre, si on «baise» dans le métro à six heures du soir, ça c’est une révolution. Le sexe dérange encore et peut-être plus aujourd’hui qu’hier quand j’ai commencé à faire des films.

Considérez-vous Combien tu m’aimes? comme un film qui dérange?
Je ne cherche pas à ce qu’il soit dérangeant. C’est un film de câlins, un film-polochon. C’est comme un animal de compagnie, il faut le sortir de temps en temps. Mais l’histoire en elle-même est violente, dangereuse et un tout petit peu immorale parce qu’on n’achète pas une femme. Ça ne se fait pas. Lui, le fait.

Ce qui n’empêche pas Daniela de tomber amoureuse de lui…
Oui. Elle est séduite par son amour.

C’est aussi une femme qui hésite à un moment donné entre son maquereau et lui?
C’est pas vraiment un maquereau, c’est un gangster. Une fille qui est dans un bar à Pigalle, son meilleur copain c’est pas Bern a rd Kouchner. Voilà. Elle est avec des vilains. En même temps, Daniela est très pure. C’est une pute sublimée. On ne voit pas de vices en elle. C’est ambigu.. On ne sait pas trop. Elle va là où c’est le plus costaud.


Dans votre livre Pensées, Répliques, vous écrivez : “Une femme qui donne beaucoup d’amour finit toujours par se faire aimer”. Est-ce le cas de Daniela qui donne beaucoup d’amour?
Elle n’a pas besoin d’en donner. Elle se fait aimer comme ça, d’entrée de jeu. D’une manière générale, on pourrait dire que les putes sont extrêmement romantiques. Je parle de la vraie pute, celle qui travaille. Je ne parle pas des très jeunes qui sont des diables. Je parle de la vraie, qui a du kilométrage. Que va-t-elle ambitionner? Rencontrer l’homme de sa vie, arrêter le travail. Le schéma classique. Pas mal de putes se marient avec des clients. Je dis ça mais je n’en sais rien, je n’ai pas les chiffres. Dans ce film c’est compliqué, confus parce qu’elle n’a pas vraiment besoin d’un copain, d’un garçon comme ça. Elle peut continuer sa route seule. En même temps, à la fin, elle se pose. Elle est dans ses fringues, à l’italienne: cocooning, maison, petits plats. Elle redevient une femme lambda. Une femme qui n’est plus prostituée.

Comment peut-on situer ce film dans votre carrière?
Je ne le situerais pas parce qu’une carrière de metteur en scène est tellement le fruit du hasard que c’est impossible. Je dis ça parce que je suis auteur de mes films et que personne décide à ma place le sujet à raconter. A chaque fois que je choisis un film, j’en ai trois ou quatre autres en même temps qui restent sur le carreau. Un film, c’est souvent parce qu’un acteur n’est pas libre et un autre oui. Ou parce que ça fait rire le producteur. La vérité est qu’il faut que ça vienne sous la plume. Quand les deux ou trois premières pages viennent sous une forme qui paraît agréable et qui donne envie de continuer, à ce moment-là on fait le film. Ce n’est pas le problème d’être d’accord avec le producteur ou pas, ou encore avec les acteurs. Il faut ce mystère qui fait que, tout d’un coup, on a envie d’écrire le film. Il y a d’autres histoires qu’on aime beaucoup, qui pourraient faire des films formidables mais qu’on n’a pas envie d’écrire.

Cette histoire vous tenait tellement à coeur?
Je n’en sais rien, mais c’est venu comme ça facilement, les premières pages, la première scène. Quand on a la première scène, on continue. C’est aussi bête que ça.

Est-ce le fruit du hasard?
Oui, beaucoup. Et puis le fruit d’une démarche personnelle, secrète, obsessionnelle qui fait qu’on fait tel film et pas un autre.

Diriez-vous que Combien tu m’aimes? est une comédie?
Oui, tout à fait. Tous mes films sont des comédies. Je n’ai jamais fait de film sérieux. Tous mes personnages sont des demeurés. C’est un film qui apparaît moins sombre que les autres... J’ai souvent pensé à ce re p roche qui m’a été fait. Pourquoi y a-til des films sombres et plaisants et d’autres sombres et pas plaisants? Ils sont tous sombres depuis Les Valseuses jusqu’à celui-là. Buffet Froid on ne peut pas dire que c’est un film sombre, il est plus noir que le charbon. Tandis que celui-ci finit bien. C’est un film très dynamique, très tonique. Chez le désespéré, ce qui est mon cas - comme chez beaucoup de gens qui font ce genre de métier, sinon on ne ferait pas ça -, il y a beaucoup d’euphorie. Mais c’est une euphorie noire. Dans la noirceur, il y a souvent de l’espoir. Enfin, il me semble. Il n’y a que les pessimistes qui ont le droit d’espérer. L’espoir est flamboyant quand ilsort de la noirceur la plus totale. Jouer avec le désespoir est très difficile. C’est un problème de dosage. Parfois on fait des films, ça m’est arrivé, où le dosage n’est pas extrêmement réussi et on tombe dans le mauvais côté. C’est comme une sauce pas réussie. Les films c’est comme ça. C’est la même cuisine.

En littérature comme au cinéma, écrit-on toujours la même histoire, tourne-t-on le même film?
J’ai toujours envie de faire le même film sauf que certains ont glissé, parfois pour des raisons que je suis le seul à connaître, dont on ne peut même pas parler.

 

Entretien avec Monica Bellucci :

Qui est Daniela? Une pute au grand coeur partagée entre deux hommes : son client qui aurait gagné au loto et son mac qui hésite à la vendre?
C’est une femme compliquée, qui n’a pas connu l’amour et suscite le désir des hommes. Quand j’ai rencontré Bertrand Blier, il m’a parlé d’un rôle de pute mais je n’imaginais pas mon personnage comme tel. Du coup, je l’ai abordé différemment.


Comme une femme capable de donner beaucoup d’amour...

Oui, mais elle ne le sait pas. De même, dans sa façon de s’habiller, elle ne fait pas pute. Moi, en lisant le scénario, je croyais qu’elle devrait
porter des porte-jarretelles, mâcher du chewing gum, marcher les seins en avant, faire la pute quoi! Mais pas du tout! Il s’agit d’une femme sensuelle mais très classique, qui porte des jupes normales, des petits pulls, des talons aiguilles et un manteau très correct avec lequel elle pourrait même aller à la messe. En fait, le personnage n’est pas vulgaire. Ce qui est fort de la part de Blier. Et il y a beaucoup d’ironie dans ce personnage quand elle dit : «je suis faite pour être aimée, je suis faite pour ça». C’est drôle, non? Je crois qu’elle est faite surtout pour être désirée.

Comment cette «professionnelle» qui, en principe, ne doit pas tomber amoureuse, finit-elle par craquer pour son client, François?
Parce que Bern a rd Campan qui, physiquement, est un homme mignon dans la vie, réussit à faire de son personnage un homme plein de charme. Plus on le découvre, plus on l’aime. Il est dans la vie comme sur un plateau de cinéma. Du coup, notre couple fonctionne bien. Daniela apprend à découvrir François qui l’aime comme personne ne l’a jamais aimée. Elle redécouvre sa pudeur, elle est touchée. Et même à la fin du film, lorsqu’elle tombe dans les bras du meilleur ami de François (joué par Edouard Baer), elle ne peut pas résister. Elle est comme ça, sensuelle. Le fait de retrouver son passé évite les clichés d’une jolie histoire un peu fade. Du coup, on est dans un film de
Blier pour de vrai.

Vous croyez qu’elle finit comme une femme rangée qui s’occupe de la maison et de son chéri?
Pour quelque temps, on suppose que oui. On la voit pendre son linge dans l’escalier, comme Sophia Loren dans Une journée particulière. C’est un clin d’oeil à l’Italie toute entière, à sa sensualité, à sa douceur, aux gens qui chantent dans la rue...


Blier vous voit comme l’Italienne idéale, sujette à tous les fantasmes des hommes, qu’en pensez-vous?
Je ne peux pas répondre. Disons que j’ai existé à travers son regard et mon personnage. Je crois que c’est une femme qui devient forte grâce à sa fragilité.


Cette histoire d’argent qui tourne à une histoire d’amour, vous ne trouvez pas ça un peu ambigu?
Ambigu, sans doute, mais en même temps, la majorité des prostituées font ça pour l’argent. Ce qui est une façon de se protéger de l’amour, quelque part. Et quand elle rencontre l’amour, elle craque comme toutes les femmes en général (rires).


Comment interprétez-vous cette question : Combien tu m’aimes??
J ’ adore ce titre! Combien?, c’est le début du film, et tu m’aimes, la fin. L’amour gagne. Et comme il est aveugle, l’argent ne compte pas!


Vous avez dit : «il n’y a pas de grande carrière d’actrice sans rôle de pute». Est-ce vraiment un passage obligé?
J’ai dit ça pour rigoler. Mais il y a eu des rôles magnifiques qui font partie de l’histoire du cinéma : je pense à Sophia Loren et Marcello Mastrioanni dans Mariage à l’Italienne, à Catherine Deneuve dans Belle de Jour et à Giuletta Massina dans Les Nuits de Cabiria.

Quel regard porte sur vous Bertrand Blier?
Je suis assez touchée parce qu’il a écrit un rôle pour moi sans me connaître, pour une actrice qu’il avait vu une fois dans le film de Gaspar Noé. Ce qui prouve qu’il a une sensibilité hors du commun et qu’il aime beaucoup les acteurs. Quand j’ai commencé à travailler avec Bertrand, on m’a dit : «fais attention, c’est un misogyne et tatati et tatata...». Pas du tout, derrière le réalisateur, il y a un homme qui cherche à deviner ce qu’est une femme, comment elle est faite. Je ne crois pas qu’il aura la réponse mais, en tout cas, il essaie...(rires)

Avec ce rôle, avez-vous l’impression d’aller au-delà de votre physique, d’évoluer?
Jusqu’à maintenant, j’ai eu des rôles différents et assez intéressants, que ce soit avec Irréversible, Agents Secrets ou La Passion du Christ. Je crois que celui-ci présente certainement une évolution dans mon chemin de comédienne.

Daniela met non seulement le feu au coeur des hommes mais bouscule aussi les conventions. Ça vous plait?
Moi, je suis toujours à la recherche de rôles risqués qui me permettent d’aller plus loin. Blier est un homme cultivé qui aime le cinéma, il est insolent et pas du tout «politiquement correct». J’avais très peur quand j’ai commencé le film parce qu’il y avait beaucoup de texte et que le rôle m’obligeait à jouer sur plusieurs registres. Vous savez, on croit toujours que la beauté induit la force et exclut la fragilité, comme si la beauté excluait la souffrance, ce qui est complètement stupide. Blier n’a pas eu peur de tout ça et m’a fait jouer simplement une femme, désirée, bien sûr, mais en même temps fragile.

Jusqu’où peut-on aller dans les scènes dénudées? Quelle est la frontière entre la pudeur et l’impudeur?
Ça dépend du réalisateur. Je crois au langage du corps qui a un pouvoir d’expression sans limite, autant qu’un visage. Je n’ai pas peur de montrer mon corps, et je l’ai prouvé dans Irréversible où il était réduit à l’état d’objet. En même temps, c’est une question très personnelle. Si le nu est important pour le rôle, je fais confiance au réalisateur. Avec Blier, je savais parfaitement que je n’allais pas jouer un rôle de bonne soeur. Mais le film reste très pudique...

Vous n’avez pas tourné pendant quelque temps pour donner naissance à votre petite fille. Cela a-t-il changé votre vie ou votre conception du métier?
Comme femme, je me sens plus heureuse. La maternité était vraiment une expérience que je voulais vivre. Tomber enceinte, accoucher, allaiter, tout ça m’a comblé. Pendant le tournage, ma fille était avec moi dans la caravane et cela m’a beaucoup aidé. Tourner une scène d’amour et donner le sein deux minutes après, c’était pour moi très beau, très sain de passer ainsi de l’actrice à la femme. D’ailleurs, le fait que ma fille soit toujours avec moi me permet d’oublier que je travaille beaucoup.

 

Entretien avec Bernard Campan :

Comment raconter Combien tu m’aimes? à travers votre personnage, François?
C’est un coup de foudre, l’histoire d’un type qui tombe raide dingue d’une femme. On suppose qu’il a gagné au loto et il devient une sorte de victime consentante de l’amour. Mais jusqu’à quel point victime ou consentant, on ne sait pas trop...

Peut-on dire que c’est un coup de foudre calculé?
C’est vrai que l’on suppose que François a pris son temps pour aborder et séduire cette femme sublime. Comme si il avait mis son coup de foudre en veilleuse afin de mettre toutes les chances de son côté. Il est comme une marmite sous pression et il avance.

Bertrand Blier vous a-t-il donné quelques indications sur votre rôle?
Non, il ne dit jamais grand chose, il ne rentre pas dans les explications psychologiques sur le passé ou le présent des personnages. Il procède par petites touches. Toutes les didascalies sont là pour expliquer les situations ou les réactions des personnages. Un jour où j’étais bloqué sur une scène, il m’a simplement dit: «tu sais, il va gagner ton personnage! »

Donc, vous vous êtes retrouvé dans la peau d’un certain François qui mène une sorte de combat héroïque pour conquérir une femme?
Un mec lambda qui y croit et se retrouve avec une bombe dans les bras. Ce n’est pas un looser, mais plutôt un stratège qui a une idée en tête. C’est lui qui dit à Daniela : «tu veux combien, tu m’aimerais à ce tarif là? OK?» Et c’est lui qui mène la barque! C’est beau, non? Du coup, on oscille entre une histoire d’amour et d’argent.

Y a-t-il duperie ou pas?
Je ne crois pas. L’argent, c’est parce qu’il n’a pas d’autres moyens pour approcher cette femme. Il est démuni et, au début, il n’a que ça pour la séduire. Mais on sait bien que l’argent ne peut pas être une finalité dans une relation amoureuse. Une fois éparpillé, que reste- t- il? Une histoire d’amour, justement.

Ce titre, Combien tu m’aimes?, comment l’interprétez-vous? Jusqu’à quel point tu m’aimes ou tu peux m’aimer? L’amour est égoïste et chacun, au cours de l’histoire, trompe l’autre. C’est un
peu ambivalent parce que c’est un homme qui achète une femme qui, contre toute attente, va tomber amoureuse de lui. Du coup, il est harponné.

Comment voit-il cette Daniela?
Comme une icône de l’amour, de la forme, des formes, de la chair. Elle symbolise l’idéal féminin, j’imagine. Il voit en elle trois femmes en une : une amante, une compagne et une mère. Il bande comme un fou pour elle! Il veut l’épouser, avoir des enfants. C’est une histoire d’amour explosive et toute bête! En même temps, il porte sur elle un regard très pudique. Elle lui dit : «j’aime comme tu me prends, tu me respectes » .
Au fil de l’histoire, les pistes se brouillent: François trompe Daniela qui le trompe avec son mac, Charly (Gérard Depardieu), et un type de passage. On ne sait plus qui aime qui? C’est une part sombre, mystérieuse de l’homme, capable d’être amoureux et d’aller voir sa voisine de palier. Du coup, Daniela le prend très mal mais, en même temps, elle revoit son mac.

Le fait qu’elle soit une prostituée change-t-il les choses?
Ce qui est intéressant c’est que Bertrand Blier en fasse un personnage mis à distance, pas faite pour tomber amoureuse. Donc, pourquoi va-t-elle tomber amoureuse? L’argent va-t-il changer quelque chose?

Comment avez-vous travaillé avec Monica Bellucci?
Bertrand ne fait pas de répétitions, il travaille sur l’instant. On fait une mise en place et, à partir de là, on tourne. Ce qui n’est pas facile. Pour les scènes d’amour avec Monica, on a recherché la simplicité sans jamais trop se poser de questions. On s’est souvent retrouvés entre les prises, nus tous les deux, sous une couverture en train de parler de nos personnages...

Que vous ont apporté ce rôle et cette expérience chez Bertrand Blier ?
Ca m’a donné beaucoup de plaisir. On a travaillé en studio pendant plusieurs semaines, dans le même décor. C’est réconfortant de retrouver un univers familier et quotidien. Je n’ai jamais vu Bertrand stressé. Quand il y avait un problème, je le voyais re t o u rner à son pupitre, bourrer une pipe et relire la scène pour essayer de mieux comprendre et de concilier le point de vue de l’auteur et du réalisateur. Je l’ai vu aussi chercher, en toute humilité et avec beaucoup de patience, la construction des plans. Je crois que l’on fait ce métier d’acteur en prenant son temps, pour mieux progresser et surmonter tous les problèmes que pose un personnage. Rilke le dit dans Les Lettres à un
Jeune Poète : «la patience est tout».

Comment définiriez-vous Combien tu m’aimes? ?
Une histoire d’amour plutôt optimiste et qui se termine bien, après pas mal de surprises, de péripéties et d’émotions. Du coup, on peut dire: «c’est un Blier!». De tous ses films, c’est le plus dépouillé, le plus simple, ce qui lui donne beaucoup de force.