Entretien avec Jean Dujardin :
Vous êtes-vous inspiré de quelquun en particulier
pour créer ce personnage de Brice de Nice ?
En classe de Terminale, je connaissais un Brice qui était franchement
ridicule. Son manque de recul mamusait follement. Il passait son
temps à casser les gens, et se prenait pour quelquun dintelligent
et de très spirituel. Ce gars-là, je lai archivé
dans un coin de ma tête. A côté de ça, habitant
à lépoque la région du Médoc, javais
loccasion de croiser des surfeurs. Je les observais et les écoutais
beaucoup, du moins ceux qui préféraient jongler ou frimer
au lieu daller à la baille. Jai alors pensé
quen connectant le Brice du lycée avec un surfeur, jobtiendrais
un personnage intéressant. Au niveau de son staïle,
la perruque blonde sest imposée tout de suite. Pareil pour
lespèce de fausse dent au cou et le tee-shirt bien jaune
et bien moulant que jai acheté dans un magasin de fringues
de filles. Un copain des beaux-arts a eu lidée dy inscrire
le prénom avec la typo de Nike, ce qui faisait extrêmement
prétentieux. Ainsi est donc né Brice de Nice, en 1995, qui
est dailleurs très vite devenu le personnage phare de mes
premiers spectacles.
Avouez, il y a un peu de vous dans Brice ?
Disons que cest effectivement une exagération de moi. Mais
Brice, je le vois surtout comme la représentation de tout ce que
lon aimerait être et ne pas être. On aimerait lui ressembler
pour son art du bon mot. Qui na jamais enragé de ne pas trouver
la bonne vanne au bon moment face à un tocard qui nous provoque
? Cest généralement deux heures plus tard, dans la
voiture, quon se dit : Ah mais oui, jaurais dû
lui répondre tel truc. De plus, jadore le côté
solaire de Brice. Il incarne le bringueur qui est en moi. Il me fait du
bien, parce quil se fout de tout, quil sourit et quil
avance sans se poser de question. Alors bien sûr, il est aussi indélicat,
égoïste et dun narcissisme hallucinant, mais je le trouve
malgré tout attachant, ce grand ado de trente ans.
Ce qui le sauve, cest quil na finalement pas un mauvais
fond
Sans doute, oui. Il ne casse pas pour blesser, mais juste parce que ça
le fait marrer. Si vous avez un poireau ou une tache de vin, il va les
pointer du doigt et vous dire : Tiens, cest pas très
beau ça. Il nagit pas par méchanceté,
il a une réaction denfant. Il est comme eux, il sétonne
de tout.
Dailleurs, les ados ladorent ce personnage
Jai en effet été très surpris dentendre
des gamins de douze ans mappeler Brice dans la rue alors que jétais
à cette époque surtout connu pour le Chouchou de Un
gars, une fille et que mes sketches ne passaient plus à la
télé depuis très longtemps. Ils ont fait sa connaissance
grâce au Net, où lon peut télécharger
quelques vidéos.
Doù vous est alors venue lenvie, des années
plus tard, quil devienne le héros dun film ?
Moi qui ne suis pas spécialement rivé au passé, reprendre
à trente ans un personnage que javais joué à
vingt-quatre ma longtemps paru incongru. Cela dit, alors que la
mode au cinéma est au trentenaire lambda rongé par les problèmes
existentiels, javais envie de créer un rôle de composition,
un type vraiment original et souriant. Jai alors réuni mes
divers sketchs et je suis allé voir ma copine Karine Angeli, qui
écrivait pour Un gars, une fille. Avoir un point de
vue féminin sur le sujet mintéressait.
Vous aviez déjà une vague idée de lhistoire
?
Je savais juste quil sagirait dun mec seul sur une planche
à Nice. Mais sur la Côte dAzur, il ny a pas de
vague. Donc il attend. Lidée me semblait à la fois
romantique et très absurde. Jai dit à Karine : Si
tu trouves quelque chose, on continue le scénario. Dans le cas
contraire, on arrête. Elle mappelle au bout de deux
jours : Ça y est, jai trouvé. Doù
il vient, ce quil est, où il habite, qui il fréquente,
quelles sont ses névroses. Approfondissons ces pistes. Ensuite,
on a bossé tous les deux. Cest venu assez vite, un peu comme
les dominos. Mais le plus fou dans tout ça, cest quune
dizaine de jours plus tard, je reçois un coup de fil des producteurs
Eric et Nicolas Altmayer. Et quest-ce quils me disent ? Que
le personnage de Brice les intéresse ! Je nen revenais pas.
On sest rencontré, ils mont demandé un synopsis
de trente pages et laventure pouvait enfin commencer.
Pourquoi Brice est-il devenu un gosse de riche ?
Son inaptitude au travail lisolait encore davantage, et le fait
que ses potes ne le côtoient que pour le fric de son père
et non par amitié renforçait son côté touchant.
Cétait une jolie manière de lépaissir,
de remplir son sac à dos. Karine a aussi eu lidée
den faire un fan absolu de Point Break. Ça nous permettait
de mixer des images du film de Kathryn Bigelow avec celles de Brice, ce
qui nous plaisait bien, et de convertir Brice à la religion du
Bodhisme.
Bien quil sinspire dun personnage de one man show,
le film ne ressemble jamais à une simple enfilade de sketchs. Comment
avez-vous réussi à éviter cet écueil ?
En le considérant justement non pas comme une figure de sketchs
mais comme un héros de cinéma. Cest-à-dire
en créant tout un univers et une vraie histoire. Durant les vingt
ou trente premières minutes, le film présente le personnage.
En ce sens, il donne aux aficionados ce quils attendaient, avec
des fêtes yellow et des vannes à gogo. Puis, assez vite,
il a fallu entrer dans le vif du sujet. Pour que le film ne fasse pas
du surplace, Brice devait impérativement quitter Nice. Quitter
sa mer, ou de manière plus symbolique,sa mère. Il effectue
un trajet initiatique en partant pour Biarritz. Durant cette partie, on
a voulu conserver une bonne humeur ambiante, sans pour autant chercher
la blague à tout prix.
Il y a dailleurs dans le film quelques belles plages de sable
mais aussi démotion...
Jy tenais beaucoup. Et aussi à ce quil véhicule
certaines valeurs adolescentes : Crois en tes rêves,
Quest-ce que lamitié, Deviens ce
que tu es
Avec James Huth, on voulait inclure une dimension
de conte. Un peu entre Point Break et Shrek. Une sorte de Point Shrek
quoi, un film fun et bigarré. Et je crois quon a réussi.
En parlant de James Huth, à quel moment est-il intervenu dans
le processus du film ?
Au bout de six mois décriture. Cest mon premier scénario,
et je dois reconnaître que ce nétait pas toujours évident.
Javais limpression de me trouver à un immense carrefour
et de ne pas savoir quelle route emprunter. James est alors arrivé
à un moment où Karine et moi nous posions beaucoup de questions.
Et dune certaine façon, il nous a débloqués.
Qua-t-il apporté au film selon vous ?
Sa joie de vivre. Mais aussi lâme du Brice 2005. Il nous a
indiqué la direction à prendre, nous a poussé à
assumer certaines de nos idées, comme les chansons. On en avait
discuté avec Karine, mais on trouvait ça too much. Lui,
nous a expliqué quau contraire, ce type de personnage autorise
mille et une fantaisies. Pour la scène du casse par exemple, il
était hors de question que Brice tienne un flingue avec un air
menaçant. Il apparaît bien trop rayonnant et positif pour
ça. On a du coup opté pour une séquence musicale.
Quel bonheur de pouvoir jouer et danser en même temps. Je pense
même que cest la quintessence du métier de comédien.
Le côté comédie à la Blake Edwards et le clin
doeil à La Party, cest James Huth qui en est aussi
à lorigine ?
Absolument. Il aime décaler ce qui est déjà décalé.
Il va parfois très loin, mais il se goure rarement. Avec James,
on a aussi voulu semer plein de petits gags très furtifs. Comme
la scène où un petit vieux se plaint davoir mal au
dos et Brice arrive pour sasseoir et lui prend sa chaise : le petit
vieux se casse alors la figure. On ne fera quentendre sa chute,
mais on ne la verra pas. Je raffole de ce genre de gags.
Au niveau du jeu, avez-vous réussi facilement à enfiler
les baskets de ce Brice que vous connaissez par coeur ?
Bizarrement, non. Jai mûri depuis, mes diverses expériences
mont fait évoluer, si bien quau début du tournage,
jai eu parfois limpression de partir en vrille. James me demandait
dy aller à fond, mais moi jestimais que je devais me
freiner. Mais il semblait si sûr de lui que jai fini par penser
quil ne pouvait pas bluffer. Mes doutes ont alors disparu et on
a commencé à se marrer comme des gamins. On briçait
tout et je crois même quune partie de léquipe
ne comprenait pas grand-chose à nos délires.
Dans le film, vous dansez, vous nagez et vous bougez sans arrêt.
Votre secret pour tenir ?
Avant le tournage, jai suivi une préparation physique avec
un coach durant cinq mois, à raison de six heures par semaine.
Jai dabord fait de lassèchement, et jai
ensuite travaillé les poids, en surveillant mon alimentation et
en prenant un peu de protéines. Mais pas de créatines, je
vous jure (rires). Je devais quand même métoffer un
peu pour être crédible en Brice. Lentraînement
ma aussi permis de me sentir en pleine forme. Car mine de rien,
il faut avoir la santé avec James : il lui arrivait souvent de
recommencer quinze ou vingt fois les prises. Il aime bien gratter, aller
chercher plus loin, pousser les comédiens à improviser
Une méthode qui vous convient ?
A 100 %. Souvenez-vous de cette scène, quand Brice dit Vous
navez pas vu un petit chien, grand comme ça, haut comme ça,
il courrait très vite tout en exhibant ses muscles : cest
un gag que javais en tête depuis un bout de temps et que jai
fait devant la caméra. James sest marré et il a décidé
de le garder. Une autre de ses particularités : il laisse toujours
la caméra tourner après une prise. Ce moment de flottement
assez étrange permet de tenter des choses. Par exemple, quand la
grand-mère pleure dans mes bras, il nétait pas du
tout prévu que je lui réponde dun air dégoûté
: Pas sur mon tee-shirt sil te plaît.
Un mot sur les comédiens qui vous entourent
Clovis Cornillac est dune générosité inouïe
dans le rôle de Marius. Jai été très
agréablement surpris quil accepte le rôle, car il vient
dun univers très différent. Pareil pour Elodie Bouchez,
qui joue Jeanne. Cest James qui a pensé à elle, et
il a eu raison. Concernant Alexandra Lamy, la sirène, et Bruno
Salomone, le méchant, le pendant côte Ouest de Brice, le
fait quils fassent tous deux partie de laventure sonnait comme
une évidence pour moi.
Que réservez-vous à Brice pour lavenir ?
Je ne ferme rien. Brice, cest de loxygène, un personnage
haut en couleur et rare. Mais il est bien trop tôt pour dire sil
réapparaîtra au détour dun sketch ou dans Kill
Brice 2
Entretien avec Clovis Cornillac.
Cest la première fois que vous tournez dans ce type de comédie.
Quest-ce qui a déclenché cette envie ?
Avant tout, jaime surprendre. Les spectateurs, mais aussi moi-même.
Je ne ferme rien et la possibilité de changer dunivers contribue
à mon plaisir de comédien. Pour Brice de Nice, tout a commencé
lors du Printemps du cinéma, dont Jean et moi étions
les parrains. On ne se connaissait pas, mais le courant est tout de suite
passé entre nous. On a bu quelques verres ensemble et je lui ai
demandé quels étaient ses projets. Il ma alors parlé
de ce pseudo surfeur de Brice. Lidée ma fait hurler
rire et je lui ai dit : Il te manque un personnage ? Ne cherche
plus, tu las devant toi. Jean sest bien sûr montré
extrêmement surpris. Pourtant, de mon côté, je savais,
grâce à la manière dont sest déroulée
notre rencontre, que je faisais le bon choix. Le lendemain, la lecture
du scénario na fait que confirmer mon instinct.
Quest-ce qui vous a séduit chez ce Brice ?
Son originalité. Je ne connais pas les sketches, mais Jean a donné
vie à un type dune incorrection qui me réjouit. Je
le rapprocherais, même si leurs univers restent très différents,
de certains personnages de Louis de Funès : ils ont une espèce
de méchanceté en eux, mais ils sont tellement drôles
quils inspirent malgré tout la sympathie.
Concernant Marius, le colosse aux pieds dargile que vous incarnez,
avez-vous participé à sa création ?
Oui, Jean et James (Huth) mayant même donné carte blanche.
Dans le scénario que jai eu entre les mains, Marius jouait
déjà un rôle important, mais il navait pas de
contours. Brice étant un blond aux cheveux longs, un gosse de riche
longiligne qui se prend pour un mannequin et un type doué avec
les mots, jai imaginé que son acolyte serait son double opposé.
Soit un frisé aux épaules larges venant de la rue et surtout
qui a du mal à sexprimer. Au départ, je voulais même
que Marius ne puisse jamais finir une phrase, que le spectateur ne comprenne
strictement rien à ce quil raconte. Jean et James trouvaient
le parti pris intéressant, mais excessif et trop risqué.
On a donc fait un compromis qui me convient.
Marius est aussi un être extrêmement complexé, cachant
un mystérieux secret
Au début, il devait sentir très fort des pieds. Mais James
a ensuite eu lidée, quand même plus subtile, de son
handicap physique assez particulier. La majorité des idées
visuelles vient dailleurs de James, qui a vraiment su imposer son
propre style au film.
Vous formez un joli couple avec Elodie Bouchez. Comment sest passé
votre collaboration ?
Très mal, car jai fini par découvrir que cétait
un homme. Quel choc (rires). Non, je plaisante. Cétait dautant
plus formidable que je navais jamais bossé avec elle et que
je naurais jamais imaginé la rencontrer sur ce type de film.
Pour moi, Brice de Nice est une comédie très drôle,
il faut le préciser, car ce nest pas toujours le cas dans
les comédies aujourdhui -, singulière et dune
incroyable modernité. Le film délivre aussi des messages
sur la différence et lamitié, mais il le fait avec
swing et sans aucune prétention, ce que je trouve très rafraîchissant.
Entretien avec James Huth
Qu'est-ce qui vous plaisait dans le personnage de Brice de Nice ?
A l'image d'un Peter Sellers dans La Party, Jean a su créer un
personnage qui n'appartient qu'à lui. Un personnage qui a la grâce.
Son humour, sa vision quasi poétique du monde, sa démarche,
sa gestuelle et sa manière de parler restent uniques. Au départ,
Brice aurait tout pour être détestable : c'est un gosse de
riche, il se regarde trois heures dans la glace tous les matins, il casse
les autres toute la journée. Et pourtant, on s'attache à
lui. Pourquoi ? Parce que Jean apporte son humanité, sa gentillesse
au personnage. Brice n'est jamais délibérément méchant.
Il dit juste ce qu'il pense au moment où il le pense. En fait,
c'est ça. C'est un personnage unique, extrêmement sincère
et qui a la grâce.
Le fait d'arriver dans le projet en cours d'écriture vous a-t-il
posé des problèmes ?
Non, car Jean et sa co-scénariste Karine Angeli m'ont généreusement
laissé entrer dans l'univers de Brice. Nous nous sommes tout de
suite très bien entendus. Notre vision du transfert
de Brice au cinéma était la même :
garder l'âme du personnage des sketches mais lui construire une
vie, en faire un vrai être humain. Elever sur un piédestal
ce super-héros de la casse, mais aussi développer ses fragilités
pour mieux le comprendre et s'attacher à lui.
Quel était votre but : réaliser une comédie drôle,
mais aussi esthétiquement recherchée ?
Chaque sujet impose ses codes esthétiques afin de traduire au mieux
les émotions que l'on cherche à faire éprouver au
spectateur. Tout l'univers cinématographique de Brice restait à
créer. Un univers complet et cohérent qui serve le personnage,
aide le spectateur à mieux le comprendre, afin qu'il puisse entrer
dans le monde merveilleux de Brice. Brice est un personnage haut en couleurs,
né dans le luxe. L'image devait donc être élégante,
claquante. La lumière belle, mais ni fabriquée ni criarde,
pour permettre au personnage d'être lui-même, excessif, sans
tomber dans la caricature. En fait, une lumière plus anglo-saxonne
que française. J'ai évité certaines couleurs trop
fortes, comme le rouge, pour me concentrer sur d'autres plus en demiteintes,
autour du jaune Brice. Son nouveau tee-shirt est d'ailleurs plus soft
que l'original. Le jaune flashy initiall était parfait pour un
sketch, mais trop saturé pour le Brice d'aujourd'hui. Il aurait
fini par agresser l'oeil au bout d'une heure trente de film.
La bande-son de Bruno Coulais mélange divers styles, comme le
funk, le rock ou la bossa. Pourquoi la musique tient-elle une place aussi
importante dans votre film ?
La musique est un élément dramaturgique essentiel, je ne
peux la dissocier de l'image lorsque je construis une scène. Il
est vrai aussi que je suis fan des comédies musicales américaines
de Busby Berkeley à aujourd'hui. Le travail de la musique est probablement
le moment que je trouve le plus magique. La bande sonore, c'est pour moi
cinquante pour cent d'un film
Mais encore une fois, c'est Brice
qui impose ce choix. Son univers est extrêmement musical. Il a sa
propre façon de bouger, de parler. Jean danse et bouge comme un
Dieu. Il aurait été dommage de ne pas en profiter. Bruno
Coulais est un magicien de l'impalpable. Il exprime, en le magnifiant,
un univers que vous ne pouvez décrire. Quelle chance de pouvoir
profiter de son talent ! Les séquences musicales se sont imposées
d'elles-mêmes. Je trouve d'ailleurs que le chorégraphe, Jean-Claude
Pambe Wayak, a réussi à bien mettre en valeur la formidable
gestuelle de Jean.
Jean Dujardin incarne à trente-deux ans un personnage qu'il a
créé à vingt-quatre ans. Sa maturité a-t-elle
modifié, d'une manière ou d'une autre, l'image de Brice
?
Oui. Jean est aujourd'hui père de deux enfants, il est devenu un
homme avec une sensualité affirmée. Une sensualité
en totale contradiction avec son personnage de Brice resté bloqué
à l'adolescence. Ce paradoxe renforce le charme et la complexité
de Brice, lui donne plus d'épaisseur. Aujourd'hui, Brice est aussi
un surfeur hyper sexy malgré lui.
Quel genre d'indications de jeu donniez-vous à Jean Dujardin ?
Brice est un personnage qui demande 300 pour cent d'investissement. Une
énergie folle. C'est facile sur une journée, mais Jean était
de tous les plans, tous les jours. Mon principal travail était
de lui insuffler l'énergie que Brice nous prenait à tous
les deux. On était cassés à la fin de
chaque journée de tournage ! Le rôle de Brice demande une
grande précision. Il doit être interprété avec
autant d'extravagance que de justesse émotionnelle. C'est une performance
d'acteur qui oblige à une très grande concentration et à
un travail acharné.
Concernant les autres comédiens, pourquoi avoir choisi Clovis
Cornillac et Elodie Bouchez qui viennent d'univers totalement opposés
?
Je n'avais qu'une préoccupation : prendre les acteurs les plus
talentueux possible. Et j'ai eu beaucoup de chance. Le professionnalisme
de Clovis me sidère. Il capte tout, tout de suite. Il a tout compris
à la lecture du script. En trois minutes, il avait cerné
le personnage de Marius, ses failles, sa complexité. Avec lui,
toutes les prises sont bonnes. Et dès que vous dites "coupez",
il prend soin de tous ceux qui l'entourent afin que le tournage se déroule
dans la plus parfaite harmonie. Il est d'une immense gentillesse. C'est
un acteur très doué. Elodie, quant à elle, n'a plus
rien à prouver. J'ai toujours estimé que le cinéma
sous exploitait son côté solaire. Pourtant, elle crève
l'écran. C'est un personnage romantique, au sens plein du terme.
Elle appartient aux contes de fées, à l'univers de Tim Burton.
Elle a cette fragilité et cette magie-là. Elle m'a beaucoup
inspiré.
Et Bruno Salomone ?
Bruno est une vraie rencontre. Un homme vraiment très drôle.
C'est aussi un excellent comédien d'une grande sensibilité
et qui n'a pas peur de tout donner. Il est aussi hyper sexy. J'aime son
côté latin lover. Il a vraiment plusieurs facettes, une palette
qui donne envie d'être exploitée. On n'a qu'une envie, c'est
de tourner à nouveau avec lui. Un mot également sur Alexandra
Lamy : je me souviens d'elle dans son costume de sirène, suspendue
la tête à l'envers ou à cinq mètres sous l'eau
avec sa mono palme et sa longue queue
toujours souriante. Et en
plus, elle devait jouer la coquine ! J'espère un jour pouvoir la
diriger dans un rôle plus important, à sa mesure. Un des
secrets de ce film est d'avoir eu des acteurs aux qualités professionnelles
et humaines hors pair.
Quel souvenir gardez-vous du tournage malgré les divers problèmes
rencontrés ?
Comme je vous le disais, l'aventure humaine a été extraordinaire.
Ça nous a permis de garder la pêche malgré tous les
incidents : beaucoup d'intempéries et surtout un incendie criminel
qui a détruit le décor du bar de la plage la veille du tournage.
Je me rappellerai toujours la chef coiffeuse que j'ai croisée juste
après l'incendie. J'avais le moral à zéro. Elle m'a
dit avec un grand sourire : "Mais tu ne te rends pas compte, c'est
merveilleux. Tous les grands films du cinéma ont été
tournés dans le chaos et ont connu plein de catastrophes.".
Des gens aussi positifs ne peuvent que vous filer une énergie incroyable.
Jean Dujardin décrit Brice de Nice comme un conte fun et bigarré.
Et vous ?
Sa définition me convient parfaitement. C'est un film sur les différences,
l'acceptation des siennes et de celles des autres. Le film est fun et
bigarré, parce que passer une heure et demie avec Brice vous revigore,
vous change les idées et vous charge en bonnes ondes. Quant à
la notion de conte, c'est effectivement ce que nous cherchions à
toucher du doigt. Cette forme de narration généreuse qui
traite de thèmes simples et universels "Si tu risques l'amitié,
tu trouveras l'amour". Ou encore "Il faut croire en ses rêves".
Un thème qui me touche particulièrement car j'ai moi-même
changé de vie, voilà déjà un bon bout de temps,
pour suivre mon rêve : celui de réaliser des films.
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