8 mile : une frontière
entre blancs et noirs
Le titre de 8 mile est une référence directe à 8 Mile
Road, une frontière imaginaire et rigide entre la ville de Détroit
et la banlieue, entre le territoire des blancs et celui des noirs. Une démarcation
qui représente un obstacle psychologique pour le personnage de Jimmy,
incarné par Eminem, dont l'objectif est de percer dans le hip-hop,
de l'autre côté de 8 Mile Road.
La genèse du projet
8 mile est un projet qui date de vingt ans. A cette époque, le
producteur Brian Grazer sent dans le hip-hop les germes d'un courant d'une
puissance insoupçonnée. Et très vite, il décide
de s'intéresser à ce genre musical nouveau, "d'en explorer
les racines, de comprendre son fonctionnement et la portée de ses
textes. Et cela bien avant qu'il ne représente un marché
de plusieurs milliards de dollars."
Une fois le projet mis en chantier vient le temps de trouver l'acteur
idéal, capable de porter en lui toute la rage contenue dans le
hip-hop. Le choix de Brian Grazer se porte alors rapidement sur la star
planètaire du genre Eminem, même si leur première
rencontre s'avére pour le moins tendue. "J'ai commencé
à m'intéresser à Eminem il y a quelques années",
confie Grazer. "Il n'était pas encore une star, mais je lui
trouvais déjà un immense charisme et je pensais qu'il pourrait
exploser à l'écran. Lorsque je l'ai fait venir dans mon
bureau, il est resté muet comme une carpe, sans même me regarder.
Au bout de quinze minutes, il a fini par rompre le silence , et s'est
révélé un personnage étonnament disert et
éloquent."
Eminem : la star controversée du hip hop
8 Mile met en vedette le jeune rappeur américain Eminem, qui effectue
pour l'occasion ses premiers pas sur grand écran dans une oeuvre
autobiographique à peine voilée. Très vite, l'Américain
originaire de Détroit se distingue avec des paroles provocantes
qui déclenchent une véritable controverse autour de son
nom. Une odeur de soufre qui n'empêche pas le public, bien au contraire,
d'acclamer cette nouvelle vedette du hip-hop. Son premier album, The Slim
Shady LP, sort en 2000 et se vend à plus de 7 millions d'unités.
Le suivant, The Marshall Mathers LP, sort un an plus tard et remporte
à nouveau un franc succès, se voyant comme son prédécesseur
auréolé du Grammy du meilleur album rap de l'année.
En 2002, Eminem publie The Eminem Show, qui décroche trois prix
aux MTV Awards et porte le nombre de ses albums vendus à plus de
30 millions de copies. A noter que l'artiste rap est également
producteur, à la tête d'une compagnie baptisée Shady
Records.
Des "batailles" verbales !
8 mile n'a pas vocation autobiographique, mais il met en lumière
un monde qu'a très bien connu Eminem lorsqu'il tentait de percer
dans le rap à Détroit. Dans les boîtes de la ville,
le jeune homme se livrait à de féroces joutes musicales
improvisées contre les meilleurs rappeurs des environs. Des "batailles"
qui font rage dans le long métrage et dans lesquelles les rimes
se succèdent à un rythme effréné devant un
parterre enthousiaste qui, à l'applaudimètre, désigne
le vainqueur de chacun de ces duels d'une durée de 45 secondes.
Exemple d'un extrait issu d'une "bataille" de 8 mile. Parole
à Eminem :
... Je suis Rabbit - Et toi, la tortue, vite !
Je lapide rapide, tes rimes insipides
Tu t'inclines "Lyckety-Splyt
Je prends le gouvernail
Et mon cul blanc part traverser 8 Mile...
Eminem / Curtis Hanson : une histoire de respect
Curtis Hanson et Eminem se sont beaucoup apportés l'un à
l'autre. Le réalisateur a eu avec le rappeur "tout ce qu'on
espère d'un acteur : un immense talent, un engagement total, de
l'humilité, du respect, une formidable discipline, une détermination
constante à donner le meilleur de soi, à être vrai
à chaque seconde."
Quant à Eminem, son expérience du tournage a certes été
très éprouvante mais également on ne peut plus bénéfique.
"Curtis Hanson vous fait travailler jusqu'à l'épuisement",
raconte-t-il. "On a joué le texte pendant plus d'un mois en
essayant toutes les variantes imaginables. Cela nous a permis de bien
nous connaître. Curtis a été formidable. Chaque fois
qu'on croyait avoir trouvé la bonne interprétation d'une
scène, il nous en proposait une nouvelle, différente...
et meilleure."
Perdue au milieu d'une bande de rappeurs
La comédienne Brittany Murphy est la seule jeune fille au générique
d'8 mile. Fréquenter de nombreuses journées toute une bande
de rappeurs n'a visiblement pas effrayé la jeune américaine
qui avoue avoir trouvé "amusant et un peu fou d'être
la seule fille au milieu de ces barges - si amusant qu'après mes
répétitions, je restais souvent sur place pour regarder
travailler les gars."
Kim Basinger retrouve Curtis Hanson
8 mile marque la seconde collaboration de la comédienne Kim Basinger
avec le réalisateur Curtis Hanson, cinq ans avec L.A. Confidential.
Kim Basinger, qui incarne la mère d' Eminem dans le film, ne tarit
pas d'éloges sur celui qu'elle considère comme un partenaire
privilégié. "J'ai tout de suite répondu à
cette invitation, considérant comme un cadeau de pouvoir travailler
à nouveau avec Curtis. Je n'ai jamais vécu collaboration
plus sincère, ni connu réalisateur plus talentueux, plus
digne de confiance que lui. (...) Curtis nous apporte tout son soutien
avec son humilité, son enthousiasme juvénile, son amitié
et sa part de mystère. Merveilleuse combinaison ! Je suis heureuse
de le connaître."
"8 mile" : objectif authenticité
Pour le réalisateur Curtis Hanson, le mot "authenticité"
est le plus représentatif du long métrage. Je voulais que
le film dégage une impression de réalité, de naturel
quasi-documentaire", résume-t-il. J'ai pris un énorme
plaisir à explorer cet univers et j'ai voulu que le spectateur
fasse partie de ce voyage."
Survivre, lutter, être fort...
8 mile ne représente pas seulement une peinture de l'univers du
hip-hop vécue par le prisme d'un jeune et talentueux rappeur. Pour
le réalisateur Curtis Hanson, le long métrage permet également
d'examiner un aspect particulier de la société américaine,
de voir comment il faut se battre quotidienement pour réussir.
8 mile dévoile, selon Hanson, "un monde que le cinéma
et les médias grand public montrent rarement : une Amérique
appauvrie qui s'efforce de survivre au sein des quartiers défavorisés.
Pour les habitants, 8 Mile Road est une ligne de démarcation. Pour
Jimmy, c'est aussi une barrière psychologique qui freine ses ambitions
et l'empêche d'être ce qu'il voudrait. Mais n'avons-nous pas
tous notre propre 8 Mile Road ?"
Détroit l'hiver
Tourner à Détroit ne fut pas de tout repos pour l'équipe
du film, surtout en plein hiver. Les conditions météorologiques
difficiles ne gâchèrent cependant en rien le plaisir de fréquenter
cette ville américaine pleine de paradoxes, comme l'explique le
réalisateur Curtis Hanson : "Detroit fut pour beaucoup d'entre
nous une révélation. Partout, on découvre des traces
du passé de cette ville, jadis si riche de promesses, et qui semble
aujourd'hui ne plus avoir rien à offrir. C'était un décor
idéal, tant sur le plan visuel que thématique."
8 mile ? "Jamais de la vie !"
"La première fois qu'on m'a parlé de 8 mile ...je n'ai
pas eu la moindre envie d'y participer ! Je ne voulais même pas
lire le script, parce que je pensais que ce serait un banal film de rap."
Ainsi s'exprime Mekhi Phifer, rappeur complice d' Eminem dans le long
métrage, révélé dans le Clockers de Spike
Lee, qui a toutefois rapidement du se rendre à l'évidence.
"C'est en rencontrant Curtis Hanson que j'ai compris la vraie nature
du projet, son mélange de comédie, de drame et d'action",
poursuit-il. "Ce film est l'histoire d'une quête, d'un rêve
abouti, l'aventure d'un homme qui refuse de dilapider ses dons."
Une bande originale décapante
La bande-originale d'8 mile est logiquement constituée de nombreux
morceaux de rap. Eminem est d'ailleurs le compositeur et l'interprète
des titres 8 mile et Lose yourself, au côté de grands noms
du hip-hop comme The Notorious B.I.G., Cypress Hill, Naughty by nature,
2Pac, le Wu Tang Clan ou encore Method Man.
Une photographie urbaine
Rodrigo Prieto, le directeur de la photographie d'8 mile, a particulièrement
goûté le fait de tourner un film urbain, particulièrement
réaliste. Cette expérience le changeait en effet des deux
précédents longs métrages sur lesquels il avait collaboré,
Frida et Péché originel. Pour 8 mile, le réalisateur
Curtis Hanson avait une image très précise de la photo idéale
et lui avait demandé de donner au film "le look d'une mauvaise
herbe poussée entre les pavés".
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